19_POS_113 - Postulat Etienne Räss et consorts - Pour une politique de la mobilité douce transversale en adéquation avec les enjeux climatiques et de santé publique.
Séance du Grand Conseil du mardi 1er septembre 2020, point 25 de l'ordre du jour
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Visionner le débat de ce point à l'ordre du jourLa commission s’est réunie le 6 mai 2019, et je tiens à remercier Mme Poncet Schmid et M. Aeschlimann pour leurs notes de séance. Ce postulat vise la mobilité douce et pas uniquement le vélo. Il demande davantage de transversalité et l’amélioration de la coordination entre services, un catalogue de solutions pour les communes et un délégué à la mobilité douce en plus du délégué vélo.
Il faut rappeler ici que les objectifs du Plan directeur cantonal (PDCn) à l’horizon 2020 consistent à tripler les distances quotidiennes parcourues à vélo et à doubler les distances quotidiennes parcourues à pied. Or, d’après Statistique Vaud, les déplacements quotidiens à pied représentaient 400 m en 2015, alors que 10 000 pas par jour, environ 6 km, seraient nécessaires pour éviter la sédentarité.
Lors de la discussion en commission, une majorité de commissaires a déploré les ruptures et discontinuités des pistes cyclables sur les routes où circulent des poids lourds. En raison des difficultés financières ou techniques, cela constitue des obstacles à l’utilisation du vélo ou à la marche. La séparation des flux est nécessaire pour des questions de sécurité et il reste beaucoup à faire. Les projets d’assainissement routier, avec de tels aménagements, prendront beaucoup de temps pour se réaliser. Le canton ne peut rien imposer aux communes et ne peut pas les obliger à réaliser des aménagements. L’entretien des espaces arborisés est à la charge des communes, raison pour laquelle certaines d’entre elles refusent de financer des aménagements. Le guichet mobilité douce pourrait établir le plan et les communes pourraient s’en inspirer. La médecine devrait appuyer les demandes de développement des réseaux de mobilité douce.
Une minorité de députés, même s’ils trouvent le postulat intéressant de par sa transversalité, estiment que plusieurs aspects sont déjà traités dans les exposés des motifs et projets de décret (97) et (123) concernant le guichet vélo et les interfaces de transport. De plus, la mesure A23 du PDCn améliorera l’interface entre mobilité douce et transports publics. Les termes « piéton » et « vélo » sont souvent associés, et deux postes seront créés et dédiés aux parties en présence, communes comprises. L’incitation à marcher ou à utiliser le vélo ressort des projets de décrets, même s’ils ne mentionnent pas les résultats attendus sur le plan de l’environnement et de la santé.
Les stratégies vélo et piéton diffèrent quant aux aménagements. Bien que souvent complémentaires, elles peuvent être en opposition. Il faut saluer les projets d’agglomération, mais la mise en œuvre effective des mesures prend quelques retards, souvent dus aux recours de privés.
Certaines communes ont parfois de la difficulté à accéder à une vision transversale, ce qui freine la coordination canton-communes. Accepter le postulat constituerait un encouragement pour mettre en œuvre la stratégie piétonne et y intégrer les aspects de santé et de protection du climat. La commission recommande au Grand Conseil de prendre en considération ce postulat par 5 voix contre 2 et 2 attentions.
La discussion est ouverte.
Je tiens tout d’abord à remercier le président de la commission qui a très bien résumé nos travaux. Je n’y reviendrai pas, si ce n’est pour rappeler qu’en termes de soutien à la mobilité douce, on considère à la fois les vélos, les piétons, mais aussi des personnes qui se déplacent avec un véhicule électrique, en trottinette ou en vélo électrique. La transversalité visée par ce postulat touche donc toutes les mobilités douces. C’est pour cela que cette transversalité est importante.
Sans revenir sur les débats qui ont lieu en commission, je souhaite développer trois points pour vous enjoindre à accepter ce postulat et le renvoyer au Conseil d’Etat.
1. J’aimerais tout d’abord remercier le Conseil d’Etat pour son Plan climat que j’ai consulté avec attention. Je remercie le Conseil d’Etat d’y avoir intégré un certain nombre de mesures qui vont dans le sens de la demande de mon postulat. Je cite notamment deux mesures opérationnelles qui sont classées sous deux mesures stratégiques différentes : la première mesure stratégique vise à mettre en place une politique active du report modal. Je cite une mesure opérationnelle qui vise à « augmenter l’attractivité du vélo et la pratique de la marche » et à « élaborer une stratégie cantonale des déplacements à pied : définition de critères de financement d’un réseau piéton cantonal de référence, allègement des restrictions dans l’application des art. 54 et 56 de la LRou, création d’un guichet cantonal appuyant les communes (en cours) ». C’est une excellente mesure que je salue. La deuxième mesure concerne la mesure stratégique 12 : ancrer les objectifs et mesures du Plan climat dans le Plan directeur cantonal, le but étant de réviser le plan directeur. Le premier point vise à concrétiser un réseau continu de mobilité douce attractif, piéton et vélo. On retrouve donc ces intentions dans le plan climat. Je me réjouis, mais il s’agit maintenant de transformer ces intentions en mesures concrètes et de voir dans quelle mesure, dans les articles 54 et 56 de la Loi sur les routes (LRou), le canton de Vaud peut venir en appui aux communes dans le cadre de requalifications routières dans les différentes routes communales ou les routes cantonales en traversée de localité. Effectivement, cela va être un grand débat. Je pense que ce postulat peut appuyer le débat qui devra se mener autour de cette question. Il est fait mention de la responsabilité, de la subsidiarité, entre le canton et les communes dans leurs activités, mais on voit bien que, dans le défi climatique, nous aurons besoin de toutes les ressources communales ou cantonales. Dans ce cadre, de vraies réflexions doivent être apportées, de manière transversale. Pour favoriser la marche à pied, il faut que cette dernière soit agréable à pratiquer. Cela signifie potentiellement marcher sous des arbres qui nous protègent du réchauffement climatique et nous donnent de l’ombre. Les arbres étant implantés par les communes, le risque est que rien ne se fasse. Accepter ce postulat permettrait de renforcer les propositions du Plan climat du Conseil d’Etat.
2. Le deuxième point que je souhaitais souligner n’est pas vraiment abordé dans le Plan climat. Il s’agit de la question des îlots de chaleur. Dans l’une des figures du Plan climat, on constate qu’il y a différentes régions climatiques dans le canton de Vaud : le Plateau, les Alpes et les Préalpes. Relativement à la question des températures, il y a un endroit particulier : les agglomérations. Certes, il y a des plans d’agglomération, mais dans le canton, on se repose un peu trop sur les politiques d’agglomération pour essayer de dénouer la question de la continuité des réseaux de mobilité douce. Si l'on considère que les agglomérations vont particulièrement souffrir des îlots de chaleur, il faudra être particulièrement attentifs pour amener des solutions concrètes pour ces agglomérations, sachant que l’essentiel de la population vaudoise vit dans ces des agglomérations aujourd’hui déjà.
3. Avec le COVID, on a constaté que la pratique de la mobilité douce évolue très rapidement. C’est peut-être à nouveau un problème plus présent dans les agglomérations que dans les villages, mais la question de la cohabitation s’est posée : un réseau continu de mobilité douce devient subitement attractif pour des modes de transport qui ne devraient pas se trouver sur un trottoir continu. Par exemple, une trottinette électrique circulant à 20 km/h n’a rien à faire sur un trottoir. Il faut donc être bien attentif à proposer des infrastructures pour éviter que des personnes qui craindraient de rouler en trottinette électrique sur une route se retrouvent sur le trottoir, laissant les piétons sans autre choix que de ne pas marcher, parce qu’ils ont peur de se déplacer à pied, alors qu’un réseau devrait leur être dédié spécifiquement.
Pour toutes ces raisons, je vous recommande de renvoyer ce postulat au Conseil d’Etat, ce qui lui permettra de bien mettre en œuvre le Plan climat et les mesures intéressantes qu’il propose.
Je reprends une phrase de Mme la conseillère d’Etat en commission : « Le salut ne viendra pas que du canton. » Cela signifie que chaque canton est une confédération de communes, avec leur marge de manœuvre spécifique. Le canton peut bien prévoir des itinéraires attractifs de mobilité douce, si l’une ou l’autre des communes concernées n’en veut pas, les services cantonaux seront fort démunis pour imposer leur vision à cette commune récalcitrante. Lorsque ce refus s’étend à la capitale et concerne une pièce essentielle d’un vaste projet — je parle de la liaison Vigie-Gonin — les conséquences peuvent être considérables et les retards induits par des affrontements dogmatiques lourds de conséquences.
A titre personnel, je me suis déclaré favorable au renvoi de ce postulat au Conseil d’Etat, entre autres, dans l’optique de bien préciser les rôles respectifs du canton et des communes — sans oublier la Confédération — dans la construction d’un puzzle dont nous ne voudrions pas que, par l’inconséquence de l’un ou l’autre de ses protagonistes, il vire à l’effet domino.
Retour à l'ordre du jourJe vous remercie pour vos prises de position. Je précise que le Conseil d’Etat n’est pas opposé à ce qu’on lui renvoie ce postulat. La réponse que nous pourrons lui apporter pourra s’inscrire dans la révision de toute une série de documents stratégiques que nous avons d’ores et déjà entreprise. Vous l’avez évoqué, le Conseil d’Etat s’est doté d’un plan climat ambitieux, notamment dans son volet mobilité, mais aussi dans le volet assainissement énergétique, même si ce n’est pas celui qui nous occupe aujourd’hui. Ce Plan climat prévoit aussi que le Conseil d’Etat puisse se doter d’une structure d’accompagnement des communes pour l’élaboration de plans climats communaux. Mes collègues Christelle Luisier et Béatrice Métraux ont d’ores et déjà entrepris l’organisation de cette rencontre avec les diverses municipalités du canton afin d’établir ce dialogue et d’élaborer des plans climats qui entrent en cohérence pour atteindre les objectifs de l’Accord de Paris signé par notre pays. Vous l’avez rappelé, la stratégie générale des mobilités s’inscrit évidemment dans cet objectif principal.
Entre le moment du développement de ce postulat et son traitement en commission, nous avons vécu cette période incroyable du COVID qui a aussi affecté notre manière d’envisager nos déplacements. Cela a aussi servi de catalyseur, d’accélérateur, pour réaliser un certain nombre d’aménagements en faveur des mobilités actives. J’aime bien préciser qu’il ne s’agit pas uniquement de mobilité douce, mais de mobilités actives. C’est la raison pour laquelle, dans le cadre des révisions générales, nous avons — et vous le savez, puisque tous les groupes politiques ont été invités hier après-midi — commencé à mener une réflexion pour la révision de la stratégie vélo de l’Etat, qui intègre notamment les comportements qui vont évoluer avec l’apparition des vélos électriques et de toutes les nouvelles possibilités qu’offre ce type de transport.
Par ailleurs, nous avons aussi entrepris des réflexions pour nous doter d’une stratégie de mobilité piétonne, qu’il s’agisse d’une mobilité de loisirs ou pour des déplacements quotidiens. Aujourd’hui, le canton de Vaud doit se doter d’une vision générale en la matière. C’est notamment le sens de l’article constitutionnel qui a été adopté par le peuple suisse.
Vous le voyez, le canton de Vaud se trouve aujourd’hui dans cette vision générale de mobilité à repenser au travers d’une stratégie qui intègre l’ensemble des nouvelles mobilités, qui doit se fixer des objectifs et qui doit aussi s’inscrire en collaboration avec la Confédération et les communes. Dans ce sens, ce postulat met au cœur de la réflexion le fait que nous allons nous doter d’une nouvelle stratégie générale, une stratégie « chapeau », qui englobera l’ensemble de ces préoccupations. Une stratégie qui sera aussi l’occasion de préciser les rôles et les responsabilités de chaque échelon institutionnel. Monsieur Chollet, vous l’avez rappelé : le canton ne peut pas rien, mais il ne peut pas tout. Les communes ont aussi des responsabilités ; elles sont chargées de mettre en œuvre les projets qu’elles portent. Vous l’avez dit, le canton n’a pas de pouvoir coercitif à l’égard des communes. Il peut les encourager, au travers de subventionnements notamment. Néanmoins, nous l’avons vu ces derniers jours avec la situation du bus à haut niveau de service (BHNS) depuis Pully : il suffit qu’une commune — en l’occurrence, Paudex — refuse le financement pour que l’ensemble du projet soit remis en question. Il faut donc des coordinations, des visions générales, pour que l’ensemble des projets puisse se réaliser. C’est à ce prix que nous atteindrons les résultats que nous nous sommes assignés en matière de réduction de gaz à effet de serre pour atteindre les objectifs de l’Accord de Paris. Ce postulat peut s’inscrire dans cette vision générale.
La discussion est close.
Le Grand Conseil prend le postulat en considération par 69 voix contre 40.