20_MOT_138 - Motion Yvan Pahud et consorts - au nom du groupe UDC – Demande de provision extraordinaire liée au COVID-19 pour soutenir nos indépendants, PME, artisans, agriculteurs, viticulteurs.

Séance du Grand Conseil du mardi 3 novembre 2020, point 23 de l'ordre du jour

Texte déposé

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M. Alexandre Berthoud (PLR) — Rapporteur-trice

La commission s’est réunie le jeudi 24 septembre 2020 afin d’examiner la motion du député Yvan Pahud « Demande de provision extraordinaire liée au COVID-19 pour soutenir nos indépendants, PME, artisans, agriculteurs, viticulteurs (20_MOT_138) ». Lors de la présentation de son texte, le député Pahud précise qu’il se base sur un exemple comparable, déposé dans le canton de Fribourg. Sa motion demande une provision de 50 % du revenu net de l’activité lucrative indépendante ou du bénéfice, pour les personnes morales. Le montant de 50 % se calculerait sur le bénéfice net des personnes physiques avant la provision et sur le bénéfice net des personnes morales avant la provision et les impôts. Selon son appréciation, cette manière de procéder permet au contribuable concerné durement touché par l’épidémie de pouvoir garder des liquidités, tout en garantissant que l’opération soit neutre pour les finances de l’Etat sur la période 2019 et 2020.

Le Conseil d’Etat a annoncé que tant la Conférence suisse des impôts, le Conseil fédéral et 24 ministres suisses des finances sur 26 sont totalement opposés à ce mécanisme, car il est illégal. Selon lui, à titre d’exemple, la période fiscale 2019 sera déclarée en 2020 avec un début de taxation à partir de la fin de l’année. Les effets de cette pratique illégale ne seraient visibles que dès 2023 ou 2024 avec un possible règlement devant les tribunaux. Sur cette base, il est rappelé qu’une entreprise ou un indépendant peuvent, en tout temps, modifier leurs acomptes selon quatre sources de contact, comme mentionné lors du précédent texte : internet, le guichet, les courriers ou par téléphone.

Un problème de la motion réside dans le fait de devoir ouvrir à nouveau une période comptable déjà bouclée — en l’occurrence 2019 — avec des demandes de remboursement, notamment au niveau des communes, et pour laquelle 60 % des dossiers fiscaux sont déjà bouclés. Par contre, la demande serait valable pour 2020 puisque l’exercice est encore en cours.

Lors de la discussion générale, le directeur de l’Administration cantonale des impôts indique que, depuis longtemps, la jurisprudence a clairement sanctionné les tentatives des contribuables de déplacer un bénéfice sur une autre période moins faste. Cette pratique qui ne respecte pas le principe d’étanchéité des périodes fiscales est contraire au droit fédéral harmonisé. La notion de provision en droit fiscal est très stricte et ce sont notamment les bases légales telles que la Loi d’harmonisation des impôts directs cantonaux (LHID) ou la Loi fédérale sur l’impôt fédéral direct (LIFD) qui en dictent les conditions. Aussi, l’Administration cantonale des impôts examine scrupuleusement la constitution de réserves lors de chaque exercice comptable et leur utilisation. Il est rappelé qu’une entreprise qui enregistre des pertes peut les reporter pendant sept ans et dès lors ne payer aucun acompte durant cette période. Un autre élément important de la motion est le fait que certains indépendants ont touché des Allocations perte de gain (APG) pour lesquelles ils n’ont jamais participé au financement. Compte tenu du fait que, pour un indépendant, ces APG sont basées sur un revenu annuel soumis à l’AVS, modifier ce dernier pourrait provoquer le remboursement partiel des APG versées injustement dans la mesure où la base de calcul a été revue. Finalement, il est précisé que cette motion coûterait 270 millions aux cantons et aux communes pour l’exercice 2019 déjà impacté par la crise sanitaire. Pour 2020 par contre, la législation ordinaire pourrait s’appliquer et toute nécessité de provisionner qui serait dûment documentée pourrait être fiscalement admise.

Un député confirme que le principe d’étanchéité des périodes est reconnu depuis longtemps. Le refus par l’auditeur de comptes d’une PME avec renvoi à son conseil d’administration peut poser des problèmes, tant au niveau des contacts qu’au niveau fiscal. Il est également à noter que, comptablement, le report d’un exercice déficitaire peut durer plus longtemps que sept ans tant que les normes de surendettement ne sont pas franchies.

Le motionnaire prend bonne note de ces explications, mais maintient son texte. Après les débats, la commission recommande de ne pas prendre cette motion en considération, par 10 voix et 2 abstentions.

Mme Sonya Butera (SOC) — Président-e

La discussion est ouverte.

M. Yvan Pahud (UDC) —

En effet, cette motion demande une provision de 50 % du revenu net de l’activité lucrative indépendante ou du bénéfice net. Cette proposition n’est pas sortie de mon chapeau ou de celui de mon groupe, puisqu’elle est déjà appliquée dans le canton du Valais. Elle permet aux entreprises PME et indépendants de provisionner, sur les comptes 2019, qui normalement sont encore une bonne année, afin d’anticiper des baisses de revenus probables pour 2020, permettant un lissement sur les exercices 2019 et 2020.

Je prends note de la position du Conseil d’Etat, qu’il est compliqué à ce stade d’ouvrir à nouveau une période comptable déjà bouclée puisque, lors de la tenue de la commission, près de 60 % des dossiers fiscaux étaient bouclés. Aujourd’hui, je présume que nous en sommes à plus de 80 %. Mais lors du dépôt, au mois de mai, ce n’était pas le cas. Dès lors, je regrette la position du Conseil d’Etat de ne pas avoir étudié cette solution plus en avant en prenant connaissance de ce texte. Sachant que celui-ci l’indique clairement dans le rapport : cette demande serait valable pour 2020 puisque l’exercice est encore en cours.

Dès lors, sachant qu’il serait compliqué et coûteux d’appliquer la motion à ce jour, je la retire formellement. J’invite néanmoins le Conseil d’Etat à étudier la pratique pour l’exercice 2020/2021, sachant que l’aide apportée aujourd’hui permettra d’éviter peut-être demain des licenciements et des pertes d’emploi.

M. Gérard Mojon (PLR) —

Etant donné que le motionnaire a retiré son texte, mon intervention n’a plus aucun intérêt et j’y renonce.

M. Pascal Broulis — Conseiller-ère d'État

J’interviens sur quelques points pour clarifier les choses. Ce n’est pas que le Conseil d’Etat ne veut pas étudier un tel concept, mais c’est qu’il est illégal au sens de l’application de la loi, toute la loi et rien que la loi. Tout d’abord, voici quelques informations. L’administration fédérale des contributions a clairement dit, avec une lettre adressée aux administrations cantonales, que c’était illégal et que si les cantons souhaitaient l’appliquer, des contrôles seraient faits sur ce point. En résumé, illégalité sur le plan de l’administration fédérale des finances. Vingt-quatre ministres des finances ont clairement décrété aussi que c’était illégal. Ensuite, la Conférence suisse des impôts (CSI), c’est-à-dire les praticiens, ont également dit que c’était illégal. Le Conseil fédéral, par la voix de M. Maurer, a déclaré la pratique illégale, à son tour.

Le Valais a pris un risque. Ils l’ont fait pour leur propre fiscalité canton/communes, avec le risque que si quelqu’un fait un recours, ce soit déclaré non-conforme aux pratiques en matière de fiscalité. La perméabilité ou l’imperméabilité des périodes fiscales est cruciale. On ne peut pas faire d’aguillages. Et cela n’amène pas un seul franc dans la caisse. Par contre, monsieur Pahud, vous avez raison de le relever : la pratique fiscale 2020 permettra de faire du provisionnement en lien avec la pandémie, permettra de faire des correctifs d’actifs si les valeurs n’ont plus le même cours, et permettra aussi de faire des amortissements complémentaires si une machine ou un véhicule n’était malheureusement plus utilisé. Mais il est clair que cette proposition a été retenue dans un vent de panique. Il faut garder la tête froide : la crise va être très très longue !

J’en arrive à mon dernier point : les praticiens — cela va être un peu compliqué — qui sont payés pour remplir un mandat de révision… Au mois de mars, on dit que c’est non conforme et donc non praticable. Ils ont changé leur fusil d’épaule en avril, sur pression de certains milieux, je présume. Et au mois de mai, ils ont dit qu’il semblerait qu’on pourrait, à certaines conditions, faire du provisionnement, mais on n’est pas sûrs. Je vous laisse imaginer ce que cela veut dire : il y a des risques incroyables et, en matière de droit fiscal, c’est la sécurité du droit qui prime. Je remercie donc M. le député d’avoir retiré son texte. Je remercie également le rapporteur, M. Berthoud et la Commission des finances d’avoir traité cette question.

Mon tout dernier point : cela a permis, monsieur Pahud, au moins votre texte a permis à l’administration de faire un chiffrage. En se disant « si l’on devait appliquer in extenso le texte et que tout le monde l’utilise tel quel, cela impliquerait un coût d’environ 270 millions. » Il est clair que ce coût pour les comptes 2020 — je ne parle pas du projet de budget 2021 — entre le mois de janvier et le mois de juin, les indépendants qui tiennent une comptabilité commerciale et les entreprises vont réexaminer leur situation, du moins je le présume. Alors aujourd’hui, on connaît au moins le coût. C’est pourquoi, durant tout le début de l’année 2021, on va contrôler le retour des déclarations d’impôt pour voir s’il y a des écarts entre les acomptes payés et la déclaration déposée. Et s’il y a des écarts, il faudra prendre des mesures correctrices sur le budget 2021. Pour l’heure, c’est le blanc total. On n’a aucune connaissance. Nous avons questionné les entreprises pour savoir ce qu’elles voulaient faire, mais c’est prématuré. Surtout que si nous avons une deuxième vague qui s’installe, il est clair que je présume que le texte Pahud et les 270 millions risquent de se retrouver déjà en bonne partie dans le bouclement des comptes 2020. Ce n’est pas dans le budget 2021 ni dans le budget ou les comptes 2020, mais on ne le connaîtra qu’à partir des mois de février, mars ou avril. C’est aussi pourquoi je vous remercie d’avoir posé la question : cela permettra aussi, avec les communes, de les sensibiliser au fait que, jusqu’en avril, il y aura peut-être des correctifs à amener en fonction de l’attitude tout à fait ordinaire des entreprises pour faire du provisionnement ou du correctif d’actif. C’est tout à fait légal en lien avec une activité ordinaire d’une entreprise sise sur le territoire vaudois, qu’elle soit indépendante ou qu’elle ait la forme d’une personne morale. J’ai pris note que le texte était retiré et vous remercie d’avoir posé cette question qui nous a permis de travailler au niveau de l’administration cantonale des impôts.

Mme Sonya Butera (SOC) — Président-e

La discussion est close.

Ce point de l’ordre du jour est traité.

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