23_RES_15 - Résolution Pierre-André Romanens et consorts - Un emblématique projet quatre saisons du Jura vaudois dans la tourmente.
Séance du Grand Conseil du mardi 27 juin 2023, point 45 de l'ordre du jour
Texte déposé
La station transfrontalière Jura sur Leman est le produit d’un mariage de bon sens. Les massifs de la Dôle et des Tuffes n’avaient seuls pas la taille suffisante pour valoriser et pérenniser les investissements à terme. Cette alliance fondée sur la recherche d’économies d’échelle était assortie d’un programme d’investissement établi en fin d’année 2016 et d’une location du domaine suisse par l’exploitant français sur une période de 27 années. La partie suisse était notamment chargée de reconstruire le parking sur France et surtout de réaliser un bâtiment d’accueil quatre saisons sur France à l’interface des deux domaines nouvellement réunis. Les contraintes de l’outil financier Interreg ont obligé les partenaires à finaliser le financement complet en 2018. La Société d’équipement touristique suisse (Télé-Dôle SA) disposait d’une étude de faisabilité d’un architecte français pour poser un coût de réalisation de CHF 2, 2 millions. C’est donc sur cette base que la Région de Nyon et la LADE ont octroyé les principaux soutiens financiers à l’opération en 2018.
Sur la base du programme proposé par l’exploitant, Télé-Dôle a organisé en 2018 un concours d’architecture transfrontalier sur invitation. Télé-Dôle a mis en place une filiale de droit français pour réaliser le projet en conformité avec la législation française. Le lauréat lausannois a chiffré le projet en 2019 en mettant en évidence que le coût de réalisation serait trois fois plus élevé que l’estimation initiale. Le projet a alors été réduit pour être ramené à un coût de réalisation probable du double de l’estimation initiale. Télé-Dôle a trouvé un financement complémentaire qui a été cautionné par la Région de Nyon en 2021 qui a accepté avec difficulté de faire un effort supplémentaire. L’exploitant est d’accord de verser un loyer complémentaire permettant à Télé-Dôle de rembourser l’emprunt et de payer les intérêts. Sur le plan pratique, une fois les soumissions rentrées et avec l’augmentation des coûts de la construction sur France (+14%) le coût du projet est finalement de CHF 5,6 millions. Il manque donc CHF 1,5 millions pour finir le projet et le chantier a été arrêté ce printemps. Du fait que la LADE a déjà apporté un financement de CHF 470'000 en 2018 il n’est pas possible de solliciter à nouveau le Conseil d’Etat pour un complément de financement LADE.
Cet investissement sur le long terme fait sens car ce bâtiment s’inscrit parfaitement dans les enjeux de la transition énergétique et les objectifs de la motion Vivaldi. Cet espace transfrontalier est très fréquenté quel que soit la période de l’année (avec ou sans neige). La proximité de cet espace avec les touristes en séjour dans la Station des Rousses (+ plus d’un million de nuitées touristiques par an) et les excursionnistes urbains provenant de la Côte vaudoise, du Bassin lémanique et de l’Arc jurassien induit une fréquentation qui est parfois problématique. Comme dans d’autres sites touristiques proches des agglomérations, le nombre de personnes sur le domaine transfrontalier s’est accru considérablement hors période hivernale depuis la récente période Covid. Le spot touristique du massif transfrontalier est le sommet de la Dôle qui est très prisé avec sa vue 360° sur les alpes, le bassin lémanique et la chaîne jurassienne et son arrière-pays.
Si Télé-Dôle ne trouve pas une solution de financement, elle n’aura pas d’autre choix que de vendre le bâtiment en l’état aux partenaires français. Ces derniers, intéressés par les fonctions du bâtiment souhaiteraient l’acheter. Les discussions ont débuté mais le dialogue est difficile sur les conditions de la transaction.
Les membres du Grand Conseil Vaudois invitent le Conseil d’Etat de se déterminer en vue d’aider concrètement les acteurs régionaux pour que ce projet soit finalisé et que la souveraineté Suisse et Vaudoise soit préservée.
Liste exhaustive des cosignataires
Signataire | Parti |
---|---|
Sébastien Humbert | V'L |
Nicolas Suter | PLR |
Stéphane Jordan | UDC |
Sergei Aschwanden | PLR |
Denis Dumartheray | UDC |
Nicole Rapin | PLR |
Transcriptions
Visionner le débat de ce point à l'ordre du jourCe dossier est assez urgent et je n’avais pas d’autre solution que de demander une modification de l’ordre du jour pour parler du massif de la Dôle et de l’union qui règne autour des acteurs suisses et français. Aujourd’hui, c’est une véritable réussite : les installations partagées entre les deux régions ont permis de rationaliser fortement les infrastructures de tourisme et tout ce qui touche à la mise en place de nouvelles infrastructures entre les deux entités. Le rôle de la partie vaudoise est de mettre en place le site du centre d’accueil, situé au nord du massif de la Dôle, sur le territoire français, mais propriété de la Suisse ainsi que le massif des Tuffes qui est sur la zone française. Il s’agit d’un accueil au niveau de la mobilité, mais aussi d’un bâtiment – et c’est là que le bât blesse – qui doit accueillir un restaurant, une billetterie, une crèche, des salles pédagogiques, pour un lieu qui sera partagé avec le Parc naturel du Jura, et d’autres choses encore. En résumé, il s’agit d’un bâtiment multifonction sur un site touristique dit « quatre saisons » très fréquenté, puisqu’on dénombre un million de nuitées par année dans le secteur du massif de la Dôle.
Quelques dates pour expliquer la situation : en 2016, un plan d’investissement est décidé. La discussion avec les deux acteurs débouche sur une location par l’exploitant français de l’installation de remontée mécanique de la Dôle qui se trouve sur le territoire suisse, du bâtiment et du parking. La société française va ainsi gérer l’ensemble du territoire, avec ce million de visiteurs. Le budget se monte à 2,2 millions de francs pour un projet qui a gagné un concours d’architecture. En 2018, les fonds Interreg interviennent, donc le dossier devait être déposé très rapidement. En 2019, avant le début de la construction, le budget est revu à la hausse après des analyses affinées pour atteindre une somme qui dépasse les 5 millions de francs. L’écart est important, mais le Conseil régional et les communes du district de Nyon décident de cautionner le budget supplémentaire à hauteur de 1,6 million de francs, ce qui permettrait la réalisation du bâtiment. Les travaux démarrent, mais on se retrouve à nouveau dans une situation catastrophique en raison de la hausse des coûts de matériaux, notamment suite au Covid : 15 % supplémentaires pour mener à bien le projet ! Aujourd’hui, il manque environ 1,5 million de francs pour terminer les travaux. C’est dramatique ! Le chantier est arrêté et il est très compliqué de négocier dans cette situation. Les négociations ont démarré pour savoir ce qui allait se passer autour de ce bâtiment, mais il est très malsain de négocier lorsqu’on frôle la faillite.
Je pense qu’il y a trois raisons majeures pour que le canton intervienne en tant que partenaire pour donner un coup de pouce au projet ; on ne peut pas simplement croiser les bras et regarder ce qui se passe dans cette région. Premièrement, s’il devait y avoir une offre d’achat, elle serait de toute façon inférieure à la valeur du bien, étant donné l’état des travaux non terminés. Deuxièmement, si nous abandonnons la construction à ce stade, la fiabilité au niveau régional – mais aussi au niveau cantonal – sera dégradée pour très longtemps et ce seront nos enfants qui devront supporter cet état de fait. Je pense que les bonnes relations seront aussi très compliquées à remettre en place. Troisièmement, nous bénéficions de retombées très importantes sur l’économie touristique de la région lémanique. Je le répète, le massif de la Dôle attire un tourisme « quatre saisons » d’un million de personnes chaque année, ce qui représente 2500 personnes par jour sur ce site. Or, lorsqu’il ne fait pas très beau, de nombreuses personnes se déplacent sur le bassin lémanique et la région lausannoise.
Pour conclure, je demande une prise en considération très rapide de la part des responsables du tourisme vaudois – avec la région bien entendu – afin de porter ce dossier, de calmer le jeu et de trouver des solutions. Je ne demande pas de l’argent, mais de trouver des solutions ensemble. Il ne s’agit pas de chercher des coupables non plus, ce n’est pas le moment. Il faut terminer ces travaux dans de bonnes conditions, alors nous devons nous activer aujourd’hui afin d’être tranquilles et sereins demain. Je vous remercie de soutenir vigoureusement cette résolution.
La discussion est ouverte.
Je ne peux que souscrire aux propos de mon collègue et vous encourager à accepter cette résolution. Je déclare mes intérêts : je suis membre du conseil d’administration de Télé-Dôle. Avec mon collègue Romanens, nous avons essayé par divers moyens de trouver d’autres solutions, tout comme le conseil d’administration de Télé-Dôle. Je tiens aussi à rappeler que Télé-Dôle appartient aux communes à plus de 90 %. Le terrain sur lequel est construit le bâtiment qui est en voie de finalisation appartient à la Société foncière de la région nyonnaise (SOFREN) ; donc ce terrain appartient également à la région et aux communes. La SOFREN a accordé un droit de superficie (DDP) à Télé-Dôle pour la construction de ce bâtiment, sur 75 ans. Cela veut dire qu’à l’issue du DDP, le bâtiment reviendra à la SOFREN, donc à la région. Ceci est très important : on pourrait croire qu’il s’agit de fonds à perte, mais si l’on finit ce bâtiment, il pourrait nous revenir dans le futur.
J’aimerais aussi rappeler que Télé-Dôle est au bénéfice d’un prêt de 1,8 million de francs. Si tout part « en cacahuètes », si tout part en faillite, qui remboursera ce prêt ? Je ne peux pas vous le dire aujourd’hui. Si l’option choisie – parce qu’il n’y en a pas d’autre – est la vente de ce bâtiment à nos collègues français, un bâtiment terminé sera beaucoup plus facile à vendre qu’un bâtiment en voie de finalisation et les négociations seront beaucoup plus intéressantes pour la région nyonnaise. Il s’agit aussi d’une question d’image vis-à-vis de nos collègues et des entreprises qui ont travaillé sur ce projet et ont investi pour du matériel. La banque du self-service est prête à être posée – elle est dans l’atelier – mais elle n’est pas payée. Nous sommes à bout touchant de réaliser ce bâtiment et de finir ces investissements. Ils ne rentrent pas dans le cadre de Vivaldi, puisqu’ils sont engagés, mais c’est pour nous un engagement fort vis-à-vis de la région de Jura sur Léman, de la Côte vaudoise et de tout ce qui s’y rattache. Je vous demande de soutenir cette résolution.
Retour à l'ordre du jourLa discussion est close.
La résolution est adoptée par 84 voix contre 6 et 36 abstentions.