23_INT_167 - Interpellation Mathilde Marendaz - Dépôt de plainte : un état des lieux avant de nouvelles ingérances (Développement).

Séance du Grand Conseil du mardi 14 novembre 2023, point 7 de l'ordre du jour

Texte déposé

Fin octobre 2023, un officier de la police lausannoise a cherché à dissuader l'élu communal Mountazar Jaffar de porter plainte contre des menaces et insultes racistes qu'il avait reçues par mail. L'officier lui aurait expliqué qu'il s'agissait d'un "risque du métier", justifiant les insultes et menaces reçues par Mr. Jaffar en raison d'une prise de position en soutien humanitaire aux civils palestiniens. Si cette situation d'ingérence policière est arrivée à un élu lausannois, c'est de toute évidence que ce type de procédure est récurrente pour d'autres personnes qui subissent des menaces ou des violences.

 

Or, porter plainte n’est jamais facile pour une victime, en raison notamment de l'aspect émotionnel de devoir revivre au travers du récit au ministère public ou à la police, son traumatisme. Aussi, d'un point de vue administratif, de nombreuses personnes rencontrent des difficultés lorsqu’il s’agit de rédiger une plainte, ou de la raconter oralement. D’autres facteurs peuvent également expliquer les réticences et/ou les difficultés d’une personne à porter plainte. Toutefois, l’attitude d’un-e policier-ère au moment de la prise de plainte ne devrait jamais et en aucun cas figurer parmi ces facteurs. Or, nombreux sont les témoignages de personnes s’étant décidées à porter plainte, et qui indiquent avoir eu à subir une deuxième pression lors du recueil de la plainte: cela peut aller du manque d’écoute, d’empathie ou de compréhension à la minimisation des faits, leur décrédibilisation, la dissuasion, voire à la justification de la possible infraction pénale pour laquelle la personne est venue déposer plainte.

Après avoir subi des violences, les victimes doivent pouvoir trouver des endroits protégés de toutes formes d’agression et des interlocuteur-ices bienveillant-e-s. Le personnel de police à disposition des plaignant-e-s n’est, à priori, pas constitué de juristes ni de politicien-ne-s, et son rôle n’est donc en aucun cas celui de dissuader le dépôt d'une plainte, de donner son avis ou d’expliquer aux plaignant-e-s en quoi ces personnes sont fautives dans ce qui leur est arrivé. Partant de ces constats, je souhaite demander au Conseil d’État des informations sur le dépôt de plainte à l'échelle cantonale et l'évaluation de son efficience ainsi que les solutions qui vont être prises pour que de telles situations ne se produisent jamais à l'échelle cantonale.

 

(1) Le Conseil d’État entend-il commander une enquête indépendante approfondie sur les circonstances des dépôts de plainte auprès des populations victimes de violence, en prenant en compte les différences d’accès à la justice en fonction des profils sociaux, telles que les femmes, les personnes LGBTIQ+ ou les personnes racisées ?

 

(2) Le Conseil d’État entend-il mettre sur pied une instance indépendante de dépôts de plainte avec l’intermédiaire d’autres professionnel-le-s comme des médiateur-ice-s ou travailleurs et travailleuses sociales ?

 

(3) Quelle est la formation spécifique du personnel de police qui recueille les plaintes ?

 

(4) Quelle est la procédure formalisée et standardisée dans le recueil d’une plainte ?

 

(5) Existe-t-il des mécanismes de contrôle et/ou de surveillance au sein du personnel de police afin d’éviter les prises d’initiatives individuelles telles que mentionnées ?

 

(6) Lorsqu'une infraction poursuivie d'office semble réalisée, comment la police s'assure-t-elle que des investigations soient menées ?

 

(7) Une procédure distincte existe-t-elle s'agissant d'une infraction poursuivie d'office ? Plus spécifiquement, la plainte est-elle recueillie immédiatement, ou une invitation à recueillir le témoignage ultérieurement est envisageable ?

Conclusion

Souhaite développer

Documents

Transcriptions

Visionner le débat de ce point à l'ordre du jour
Mme Mathilde Marendaz (EP) —

Cette interpellation fait suite à la question orale que j’ai posée tout à l’heure sur la situation des procédures de dépôt de plainte. Elle a été suscitée par le cas de Mountazar Jaffar et reprend certains éléments de l’interpellation qu’il a déposée à Lausanne. Par la présente interpellation, je propose de soulever la question des procédures de dépôt de plainte dans notre canton.

Pour une victime, porter plainte n’est jamais facile, notamment en raison de l’aspect émotionnel de revivre les traumatismes au travers du récit fait au Ministère public ou à la police. D’un point de vue administratif également, de nombreuses personnes rencontrent des difficultés lorsqu’il s’agit de rédiger une plainte, ou même de l’exposer oralement. D’autres facteurs encore peuvent également expliquer certaines réticences ou difficultés à porter plainte. Pourtant, après avoir subi différentes violences, les victimes doivent pouvoir trouver des endroits protégés de toute forme d’agression, avec des interlocuteurs et interlocutrices bienveillantes. Le personnel de police à disposition des plaignants et plaignantes ne doit pas jouer un rôle dissuasif dans le dépôt d’une plainte.

Partant de ces constats, je souhaite donc demander au Conseil d’Etat des informations sur le dépôt de plainte à l’échelle cantonale et l’évaluation de son efficience. J’aimerais savoir quelles solutions vont être prises pour que les situations qu’on a connues à Lausanne ne se reproduisent pas à l’échelle cantonale. J’interroge par exemple la faisabilité d’une instance de dépôt de plainte indépendante, avec l’intermédiaire d’une pluralité de professionnels, en plus de la Police cantonale, tels que des médiateurs et médiatrices. Je pose également des questions sur les formations à disposition et sur les procédures en cas de dépôt de plainte.

M. Laurent Miéville (V'L) — Président-e

L’interpellation est renvoyée au Conseil d’Etat qui y répondra dans un délai de trois mois.

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