RAP_673999 - Rapport du Conseil d'Etat au Grand Conseil Préavis du Conseil d'Etat au Grand Conseil sur l'Initiative législative cantonale Stéphane Montangero et consorts demandant au Conseil d'Etat vaudois d'intervenir auprès des autorités fédérales afin d'introduire la possibilité pour les cantons de créer ou non une institution cantonale d'assurance-maladie (19_INI_015) et Exposé des motifs et projet de décret portant sur le dépôt d'une initiative cantonale auprès de l'Assemblée fédérale l'invitant à modifier la LAMal afin que les cantons qui le souhaitent puissent créer par voie législative une institution cantonale chargée de fixer et percevoir les primes et financer l'entier des coûts à la charge de l'AOS (164) (2e débat).

Séance du Grand Conseil du mardi 16 février 2021, point 5 de l'ordre du jour

Documents

Transcriptions

Visionner le débat de ce point à l'ordre du jour
Mme Sonya Butera (SOC) — Président-e

Exposé des motifs et projet de décret portant sur le dépôt d'une initiative cantonale auprès de l'Assemblée fédérale l'invitant à modifier la LAMal afin que les cantons qui le souhaitent puissent créer par voie législative une institution cantonale chargée de fixer et percevoir les primes et financer l'entier des coûts à la charge de l'AOS

Deuxième débat

Il est passé à la discussion du projet de décret, article par article, en deuxième débat.

Articles 1, 2 et 3.

M. Vassilis Venizelos — Rapporteur-trice de majorité

Sans vouloir refaire le débat, je me permets de reprendre quelques éléments, dans la perspective de ce deuxième débat, lors duquel je vous invite à confirmer votre vote du premier débat. Depuis l’entrée en vigueur de la LAMal, les prix ont triplé. Dans le budget des ménages, cela représente un poids de plus en plus important, à tel point que certains renoncent à se faire soigner. Les ménages sont pris à la gorge. Il y a une différence de primes importantes, même dans une même région et avec la même franchise. Il y a des erreurs dans le calcul des primes et les réserves excédentaires sont de l’ordre de 4 à 5 milliards.

Une prime cantonale unique permettrait d’avoir une prime uniforme, car indépendante des profils de risque. La concurrence entre les caisses ne porterait plus sur les primes, mais sur la qualité des prestations. Cela permettrait de mettre un terme à la chasse aux bons risques et à des stratégies de marketing parfois agressives. Cela offrirait un peu de stabilité, et cela pas seulement pour les patients et les citoyens. Cela offrirait aussi plus de transparence dans le calcul des primes qui pourraient être fixées de façon plus précise. Aujourd’hui, nous avons cinquante caisses, qui comptent des dizaines de modèles chacune. La proposition permettrait peut-être d’éviter des erreurs. En 2018, par exemple, les Vaudoises et les Vaudois ont payé 150 millions de trop. Nous estimons que cet argent pourrait être mieux investi et que les primes pourraient être ramenées plus près des coûts. En mutualisant les risques, on réduirait les réserves, ce qui permettrait d’investir ensuite massivement dans la prévention. Cela offrirait aussi une vue d’ensemble plus précise des prestations fournies et donc d’améliorer la prise en charge du patient. Nous avons donc affaire ici à une solution innovante qui permettrait au canton, déjà en charge de différentes missions en matière de santé publique, de reprendre la main sur un des leviers importants pour piloter le système de santé. C’est une solution qui nous paraît acceptable, car elle n’est pas idéologique et offre une alternative intéressante à la pseudo-concurrence que l’on nous sert jusqu’à maintenant.

En commission, les trois articles du décret, de même que l’entrée en matière, ont été adoptés par 8 voix contre 5 et 1 abstention. 

Mme Sonya Butera (SOC) — Président-e

La discussion est ouverte.

M. Blaise Vionnet (V'L) —

Je souhaitais revenir sur deux points mentionnés lors du premier débat. Premièrement, on a parlé des besoins de transparence. Pour reprendre les termes de notre collègue Bettschart-Narbel, cette initiative constitue bien une couche supplémentaire au mille-feuille de notre système de santé, déjà très complexe. Certains diront qu’une couche de plus ne fera pas une grande différence, au vu de la complexité de ce système. Surtout, cette couche supplémentaire est introduite en raison de notre besoin de transparence, dont le système manque actuellement. Les assureurs sont très réservés pour nous transmettre leurs coûts administratifs réels, les frais de publicité ou le montant des réserves. Le modèle de la caisse de compensation cantonale proposé dans cette initiative introduirait la couche supplémentaire qui va permettre davantage de transparence, alors que nous aspirons tous à plus de transparence dans notre système de santé.

Deuxièmement, il y a un malentendu au sujet de la caisse unique, et je souhaitais déjà lever un autre malentendu issu du premier débat. Certains ont parlé de l’introduction d’une caisse unique par le biais cette initiative, alors qu’il n’a jamais été question, dans ce projet, d’introduire une caisse d’assurance cantonale unique ! Les assureurs vont continuer à faire leur travail, du contrôle des factures par exemple. La seule différence, c’est qu’ils auront un mandat pour effectuer ce travail, mandat qui leur serait donné par la Caisse de compensation cantonale qui ne peut se substituer au travail que les assureurs font avec beaucoup de compétence. Le processus permettra de mieux cerner les coûts réels de la santé pour le canton. Au nom des Vert’libéraux, je vous encourage donc à soutenir ce projet-pilote, qui est une innovation réelle dans notre système de santé.

M. Stéphane Montangero (SOC) —

Nous voilà au deuxième débat sur cette initiative cantonale. Sans doute sera-t-il plus court qu’il y a deux semaines, car il semble clair que les fronts sont figés et que le vote se gagnera par les présences davantage que par les arguments de bon sens. Ces derniers plaident pourtant tous en faveur de ce texte, tant il semble évident, également, que cette initiative pragmatique permettant aux cantons qui le souhaiteraient de mettre sur pied une caisse publique cantonale d’assurance-maladie sera à nouveau combattue fermement par le dogmatisme de celles et ceux qui croient encore aux vertus d’une pseudo-concurrence en matière d’assurance-maladie de base. Le seul constat partagé est que la LAMal est malade, mais encore… Alors que les initiants sont persuadés depuis longtemps de l’urgence de soigner cette assurance, quelques timides voix chez les opposants reconnaissent que certains aspects sont à améliorer, mais toutefois sans toucher au cœur du système et sans prendre la réelle mesure de l’état de santé du malade.

Pourtant, l’urgence décrite en 2019, au moment du dépôt de ce texte, est hélas toujours là. Notre système de santé est toujours plus malade ; les prix ne cessent de grimper, et même le COVID ne semble pas pouvoir arrêter cette folle progression. La population n’en peut plus de ces hausses et toujours davantage de personnes renoncent à se faire soigner, par crainte de la « douloureuse ». Autant dire tout de suite que plus les gens attendent, plus leur mal peut s’aggraver et plus leur santé est en danger. Quant aux réserves des assureurs, elles ont depuis longtemps dépassé tout ce qui pourrait être considéré comme raisonnable. Et visiblement, rien ne vient freiner leur appétit, alors que ces milliards pourraient être bien mieux utilisés, pour éviter de nouvelles hausses de primes par exemple.

Nous devons faire sortir la LAMal de la logique de marché, qui a montré qu’elle ne fonctionne pas dans ce cas, et entrer de manière déterminée dans une logique de promotion de la santé et de prévention. Cela permettra de briser la hausse incessante des coûts de la santé et d’aller vers une approche permettant de mieux identifier, en amont, les actions à mener afin d’amener, de maintenir ou garder les gens en bonne santé, pour leur bien-être tout d’abord et pour celui de notre porte-monnaie ensuite. Je vous invite à confirmer votre vote du premier débat.          

Mme Florence Bettschart-Narbel (PLR) — Rapporteur-trice de minorité 1

Je reviens sur la position des minoritaires, qui confirment leur position. J’ai entendu certains arguments qui m’étonnent. On parle d’innovation en matière de caisse cantonale de compensation, mais j’estime que l’on ne peut pas parler d’innovation quand il s’agit simplement d’ajouter une couche administrative supplémentaire à un système qui en connait déjà bien assez. Lorsque l’on parle de casser la hausse, si ce système est introduit, j’aimerais bien revenir dans quelques années pour voir les résultats ! C’est vraiment une illusion que de faire croire à la population qu’une caisse cantonale d’assurance va permettre de baisser les primes d’assurance-maladie pour nos concitoyens. C’est un discours trompeur, car nous n’avons encore aucune idée de l’effet que cela aura sur les primes. Bien au contraire, je pense que cela va les augmenter. On va donc ajouter une couche administrative, qui étatisera encore plus le système que l’on connaît, sans s’attaquer au vrai problème de la maîtrise des coûts de la santé. Cette initiative ne servira à rien en ce qui concerne les coûts de la santé, mais va seulement ajouter des financements. Monsieur Vionnet, quand vous parlez de transparence, je pense qu’au contraire cela va rendre les choses encore plus compliquées pour comprendre comment les coûts de la santé seront calculés. Les minoritaires maintiennent donc leur position et vous demandent de refuser ce projet de décret et son entrée en matière. 

M. Marc Vuilleumier (EP) —

L’initiative de notre collègue Montangero est très mesurée. Elle se contente de demander à la Confédération de légiférer pour que les cantons aient la possibilité, s’ils le souhaitent, d’instaurer une caisse publique. Les cantons qui continuent à croire à la seule vertu de la concurrence n’instaureront pas un tel système d’assurance-maladie. Si une telle caisse devait être instaurée dans le canton de Vaud, pour le groupe Ensemble à Gauche et POP y verrait de très nombreux avantages : une meilleure transparence des coûts, une vision et un contrôle des réserves qui laissent beaucoup à désirer, des cotisations unifiées qui éviteraient le tourisme annuel de changement de caisse, bien compliqué pour certains, ainsi qu’un meilleur développement de la prévention. Il s’agit incontestablement d’améliorations, qui prendront certes du temps, et c’est pourquoi ce marathon doit être entrepris dès aujourd’hui. Le groupe Ensemble à Gauche et POP vous demande de confirmer votre vote du premier débat.  

M. Werner Riesen (UDC) —

Je suis très préoccupé par la constante augmentation des coûts de la santé, mais au lieu d’aller frapper à la porte des autorités fédérales, comme l’initiative le demande, il faut d’abord s’attaquer au vrai problème : maitriser les coûts de la santé exorbitants, dans notre canton, avant d’entamer la procédure pour une caisse unique publique. Je réitère mes propositions du premier débat, malheureusement ignorées par la presse :

  1. Je demande que le Conseil d’Etat entame des négociations pour réduire la valeur des grilles tarifaires en vigueur chez les médecins, à l’exception de la médecine de famille. Cette proposition engendrerait une économie de 3,1 % sur les coûts de la santé, soit 33,27 millions. Du reste, elle s’inscrit en parfaite complémentarité avec l’interpellation déposée aujourd’hui par le député Philippe Vuillemin.
  2. Il faut introduire une pro-pharmacie restrictive, telle que pratiquée dans les cantons de Berne et des Grisons.
  3. Il est important, pour éviter de nombreuses surmédicalisations, d’accélérer la transmission des dossiers informatiques, ce qui permet une meilleure communication entre les corps médicaux.
  4. Il est nécessaire de se pencher sur la masse salariale de nos hôpitaux. Dans la réponse à l’interpellation de M. Stéphane Masson, le Conseil d’Etat mentionne que les charges salariales représentent plus de 70 %. Selon un rapport, les charges de l’Hôpital Riviera-Chablais représentent même 79 %. En comparaison avec d’autres hôpitaux, ce ratio devrait se situer à environ 65 %.

Toutes ces raisons montrent qu’il y a encore un travail à faire, dans notre canton, avant d’envoyer des initiatives à Berne. Je vous invite donc à refuser ce projet de décret. 

Mme Carole Dubois (PLR) —

Monsieur Montangero, je vais tenter d’être pragmatique et non dogmatique. La priorité est de se concentrer sur les vrais moyens de faire baisser les coûts de la santé. Certaines pistes doivent être mises en évidence, notamment intensifier la mise en place du dossier électronique du patient, travailler sur les problèmes de surmédication et d’interaction médicamenteuse qui découlent souvent d’hospitalisations non nécessaires ou de surhospitalisation. La surmédication est due au tourisme des caisses maladie et au coût du tourisme de consultation chez les médecins. Ce sont là les vrais moyens de faire baisser les coûts de la santé.

Pour être pragmatique, un échelon administratif de plus ne va pas faire diminuer les coûts. M. Vionnet nous a dit qu’il louait le professionnalisme des assureurs maladie et leurs compétences. Avec un échelon administratif supplémentaire, du personnel supplémentaire, et un système de gestion informatif supplémentaire, tout en gardant toutes les places de travail et toutes les compétences dans les caisses d’assurance maladie, il semble difficile d’être à la fois pragmatique et imaginer que cela va faire diminuer les coûts de la santé.

Le dernier point que j’aimerais mettre en évidence est celui de la prévention. C’est un vrai enjeu, qui peut être pris à part. Si l’on tient compte de ce qu’a dit M. Vionnet, soit la compétence des gens qui travaillent dans les assurances-maladie, je ne pense pas que la concurrence entre les caisses les empêchent de travailler ensemble sur les enjeux de prévention et de trouver un moyen de rassembler toutes les compétences et données des différentes caisses maladie, pour avoir une vraie discussion sur la prévention. Ce sujet doit être traité à part et non englobé dans une volonté de faire passer une caisse publique, dont notre côté de l’hémicycle ne veut pas. Je vous invite à refuser ce projet de décret.   

M. Pierre Volet (PLR) —

Nos détracteurs, qui affirment aujourd’hui qu’ils vont maintenir les coûts de la santé en faisant une caisse cantonale, sont des menteurs ! Quand on nous dit que le canton va faire une partie du travail et que le contrôle des factures sera toujours fait par les caisses maladie, c’est un double mandat et donc davantage de frais ; je ne vois aucune économie. La Suva capitalise à outrance, puisqu’elle a plus de 54 milliards, et personne ne dit rien, avec des frais de gestion à plus de 11 %. Or, c’est une caisse publique ! Les caisses maladie sont à environ 4 à 5 % de frais de gestion. Comment expliquez-vous une économie entre 11 % et 5 % ? Et vous voulez faire un mandat supplémentaire entre le contrôle des factures par la caisse et une partie… Comment pensez-vous faire des économies avec ce mélange des genres ? C’est un leurre et un gros mensonge à notre population. Vous allez simplement augmenter les frais administratifs, sans économie à la clef. Il faut absolument refuser cette initiative.

M. Philippe Jobin (UDC) —

C’est effectivement une guerre dogmatique, avec la caisse maladie cantonale que l’on veut mettre en place à travers cette initiative législative. Je me suis posé différentes questions. Dans une caisse unique comme la SUVA, par exemple, on relève que les frais généraux sont supérieurs à ceux des caisses maladie, alors que la SUVA traite un sujet unique : l’accident. C’est donc moins compliqué, et pourtant ils font des pertes. Pour ma part, si c’est dans cette optique que l’on veut aller, je reste convaincu que mettre en concurrence, autant que possible, certaines caisses-maladie pour diminuer leurs coûts à l’interne me paraît plus intelligent, ou du moins aller dans une direction un peu meilleure. Je souhaiterais éviter un monstre administratif, or on ne va pas y couper dans les cantons qui accepteront d’avoir une caisse maladie cantonale. Mon groupe refusera cette initiative pour les raisons que M. Riesen et moi-même avons invoquées.

M. Marc-Olivier Buffat (PLR) —

De quoi parle-t-on quand on veut apporter des recettes qui ont l’air tellement évidentes qu’on se demande bien pourquoi on continue de discuter de ce problème d’assurance maladie ? J’écoutais M. Venizelos et me disais que c’était effectivement simplissime. Les élus fédéraux sont-ils idiots, Conseil fédéral en tête, de ne pas appliquer les recettes du docteur Venizelos ? La réalité, c’est des coûts de la santé de 8'712 francs par an et par habitant en Suisse. Ce sont 80 milliards au total, soit le budget annuel de la Confédération, et des augmentations annuelles, depuis 2005, de l’ordre de 3 %. Telle est la réalité du problème ! Ce sont les coûts qu’il convient de partager entre l’ensemble des assurés en Suisse. Nous faire croire qu’avec des systèmes cantonalisés, on va résoudre le problème des coûts de la santé, respectivement le problème des clauses des coûts des assurances-maladie, est un leurre ! Ce seront simplement d’autres personnes qui vont payer, à la place. Dans le canton de Vaud, on a déjà mis en place les subsides à l’assurance-maladie, avec la votation sur la troisième réforme de l’imposition des entreprises (RIE III) qui soulagent considérablement le contribuable.

L’augmentation des primes d’assurance maladie, en 2020, était de 1 %, par rapport aux hausses que j’évoquais précédemment. C’est certes très désagréable de subir des hausses, mais on constate aussi que ces hausses sont malheureusement les plus massives dans les cantons qui ont déjà les primes les plus hautes – Vaud, Genève, Bâle-Ville, St-Gall, Zurich, par exemple. C’est là que nous trouverons des solutions. Est-il normal, en période de pandémie mondiale, que l’on ait encore des primes par canton allant du simple au double, pour l’assurance de base ? Ces questions dérangent et on comprend pourquoi cela bloque à Berne. Je persiste pourtant dans l’idée que seule une mutualité plus large et plus globale, dans l’ensemble de la Suisse – soit entre 8 millions d’assurés – permettra un jour de lisser ces différences de primes, d’assurer une meilleure mutualité et donc d’éviter des hausses de primes maladie. Tout le reste, c’est un leurre. Je rappelle que j’ai été pendant plusieurs années président d’une petite caisse-maladie vaudoise et je n’ai jamais vu une institution autant contrôlée, dans les structures de coûts, dans les primes, et dans la façon de traiter les factures. Je suis au conseil d’administration d’autres sociétés et je peux vous assurer que ce sont les institutions les plus contrôlées dans ce canton et en Suisse. Ajouter un contrôle supplémentaire ne sert non seulement à rien, mais encore nuit à la transparence que vous souhaitez. Je refuserai ce texte.

M. Nicolas Mattenberger (SOC) —

Je voulais réagir à certains propos en lien avec les coûts de la SUVA, qu’on évoque à 11 % et qu’on essaie de comparer avec ceux des caisses-maladie. Je dois préciser que la SUVA n’a pas le même rôle que les caisses-maladie. Elle doit notamment verser, attribuer des rentes, étudier et réévaluer des cas. Cela explique les coûts plus importants, puisqu’il y a un travail quotidien sur certains cas, notamment au niveau de la réadaptation. On ne peut donc pas comparer une caisse-maladie au rôle de la SUVA. On nous dit aussi que la SUVA est l’unique caisse en matière d’accidents, mais c’est faux. De nombreux secteurs économiques ne sont pas couverts par la SUVA, mais par des assurances privées en matière de la Loi sur l’assurance-accidents professionnelle. On ne peut pas faire un parallèle entre les caisses maladies et les caisses accidents, au niveau des coûts. Nous sommes dans un débat très dogmatique, d’un côté comme de l’autre. Jusqu’à présent, le système a montré qu’il ne fonctionnait pas. Il faut aller vers d’autres idées. Dès lors, je soutiendrai cette proposition.

M. Blaise Vionnet (V'L) —

Je souhaite recadrer les choses, quand on prétend que cette initiative va faire baisser les coûts de la santé. Je vous rappelle les quatre objectifs de l’initiative : fixer et percevoir les primes pour le canton, fixer les coûts à la charge de l’Assurance obligatoire des soins (AOS), acheter et contrôler l’exécution des tâches administratives, et contribuer au financement de programmes de prévention. Les intervenants de la droite laissent sous-entendre que cette initiative a pour objet de faire baisser les coûts de la santé, alors que c’est un thème trop complexe. Ce n’est pas cette initiative qui va avoir cette prétention, sauf pour le domaine de la prévention. Scientifiquement, il est toujours assez difficile de prouver l’impact de la prévention au niveau des coûts de la santé, car de nombreux facteurs sont impliqués. Cela prend tellement de temps pour le prouver qu’on a l’impression que la prévention baisse les coûts de la santé, mais c’est scientifiquement difficile à prouver.

Le but premier de l’initiative n’est pas de baisser les coûts, mais de permettre une meilleure gestion et surtout une meilleure adéquation des primes par rapport aux coûts. La droite nous dit que nous avons la prétention de faire baisser les primes. Or, la prétention que nous avons, c’est de créer une adéquation entre les coûts réels et les primes, pour pouvoir mieux, ensuite, mener une réflexion sur la manière d’améliorer notre système de santé, la demande et nos interventions. Cette transparence est nécessaire. Je vous remercie de soutenir cette initiative.

Mme Florence Gross (PLR) —

Monsieur Vionnet, pensez-vous vraiment qu’une gestion par l’Etat soit synonyme de transparence ? J’en doute fortement. Prenons l’exemple des prestations d’intérêt général (PIG), des subventions aujourd’hui empreintes d’obscurité tant dans les choix et les pratiques d’allocation que dans les montants.

Monsieur Montangero, vous souhaitez sortir la LAMal de la dynamique de marché, alors même que sa révision de 2012 amène cette dynamique, notamment avec le libre choix de l’hôpital, amenant ainsi concurrence et donc efficience, car obligation de se centrer sur la qualité. Pourquoi une caisse publique serait-elle incitée à prendre proposer des primes attrayantes, alors même qu’il n’y a pas de concurrence ? Non, l’Etat ne peut multiplier ses rôles et ses responsabilités, alors même qu’il en détient déjà beaucoup : planifications hospitalières, distribution de subsides, commanditaire de prestations, financeurs, responsable de la surveillance, fournisseur de prestations hospitalières, etc. Ces multiples rôles engendrent de nombreux conflits d’intérêts et ne garantissent en rien une réduction des coûts de la santé, qui est le vrai objectif. Si cette initiative ne vise pas cet objectif, je n’en vois pas l’utilité. Je vous invite donc à rejeter ce projet de décret.

M. Philippe Vuillemin (PLR) —

J’ai pour habitude de voter sur un texte, sur un libellé : « initiative cantonale demandant au Conseil d’Etat vaudois d’intervenir auprès des autorités fédérales afin d’introduire la possibilité pour les cantons de créer ou non une institution cantonale d’assurance maladie ». Dès qu’on parle de la santé, dès qu’on évoque la moindre idée de changer quelque chose, on nous parle des salaires des médecins qui coûtent trop, de la bureaucratie, etc. Ce n’est pas le thème ! Quand j’ai soutenu cette affaire, c’était pour qu’il y ait un débat au niveau fédéral, pour savoir si l’on continuait comme maintenant et pourquoi, plus de 25 ans après la mise sur pied de la LAMal, ou si l’on envisageait les choses d’une autre manière, dont on ne sait pas si elle est excellente ou non, mais qui permet peut-être de rafraîchir les idées, de booster une certaine paresse intellectuelle qui n’est pas forcément la nôtre dans cette salle, mais qui peut l’être à Berne. En effet, la pandémie a montré que les cantons sont des acteurs incontournables et que ce sont eux et leurs citoyens, à travers les impôts, qui paieront les déficits de leurs hôpitaux, car pour une raison ou une autre, les financements ne sont plus adaptés.

Il s’agit simplement de créer un débat et je trouve extraordinaire de voir la peur qu’il génère. Si au bout de ce débat, aux Chambres, on estime qu’il faut garder le statu quo, nous en prendrons acte ; et si l’on estime qu’il faut changer quelque chose, nous le ferons. Je reste très étonné, et cela concerne tant la gauche que la droite, que l’on craigne le débat. Quand on entre en politique, c’est qu’on a envie de débattre ; on n’a pas toujours envie de faire de la technocratie. Je soutiens donc cette initiative, car le texte m’a plu, car j’aime le débat, et car la confrontation est nécessaire. Ensuite, sans faire grise mine, il faut accepter ce qui a été décidé. Ce qui a été dit est sans doute très juste, mais pour moi le débat concerne le titre et je soutiendrai ce titre.

M. Stéphane Montangero (SOC) — Rapporteur-trice de minorité 1

Madame Bettschart-Narbel, il faut faire la différence entre faire baisser les primes – ce que nous n’avons jamais prétendu – et casser la hausse incessante des primes ; c’est là quelque chose de fondamental. Comme l’a dit M. Vionnet, il y a une question de maitrise des coûts, il y a une question de transparence et il y a une question d’adéquation entre les coûts réels et les primes. Madame Dubois, la surmédication et les interactions avec les autres médicaments, c’est précisément l’un des buts d’une caisse publique. Vous retrouvez cela dans notre argumentaire. Ensuite, ce qui m’étonnera toujours, c’est cette non-volonté de transparence. Une transparence accrue fait sans doute peur aux assureurs. Madame Dubois, concernant la prévention, de sa bouche même, la directrice de SantéSuisse a estimé que ce n’était pas leur affaire, qu’ils ne s’en occuperaient pas et que c’était réglé simplement avec le prélèvement des 4,80 francs, alors que le reste n’est pas de leur compétence. Si l’on veut de la prévention, il faut donc passer par d’autres biais, et notamment par l’initiative que nous proposons.

Monsieur Jobin, il n’y a pas besoin de projeter un futur monstre administratif, car il est déjà là. C’est le système LAMal tel qu’il a été conçu, tel qu’il a été « amélioré » ou plutôt péjoré, tel qu’il a été détricoté, puis retricoté, pour essayer de corriger ceci alors que cela n’allait pas, et tout cela dans une opacité totale.

Monsieur Buffat, je veux bien que les primes maladie aillent du simple au double, d’un canton à l’autre, mais elles le sont déjà dans notre canton ! Commençons par faire ce que nous pouvons faire chez nous, soit faire en sorte d’avoir des primes uniques. C’est justement l’un des buts de la caisse. Pour plus de transparence, pour plus de prévention, pour une meilleure adéquation des primes et des coûts réels de la santé, offrons une possibilité de mettre sur pied une caisse publique. Je vous invite à confirmer votre vote du premier débat.

Mme Rebecca Ruiz (C-DSAS) — Conseiller-ère d'État

Je voudrais réagir à certains points évoqués au cours de ce débat et en premier lieu aux propos portés par un député qui accuse les députés et le Conseil d’Etat de mensonge, quand ils disent qu’avec la possibilité pour des cantons de mettre en place une institution publique telle que celle décrite dans l’initiative Montangero et ce projet de décret reviendrait à faire diminuer les coûts de la santé. Je vais donc rebondir sur la sagesse du député Vuillemin et revenir au texte. Je vous invite à parcourir le rapport et les différents points, notamment positifs, que pourraient amener une caisse cantonale publique.

A aucun moment, monsieur Volet, il n’est fait mention d’une diminution des coûts dans le texte du Conseil d’Etat. A partir de la page 4, sont listés les avantages potentiels de ce type de structure, dans notre canton ou dans les autres cantons qui souhaiteraient tester un système différent. On parle des réserves, on parle des risques, on parle de la stabilité des primes, on parle du contrôle des coûts administratifs et de l’économicité des prestations, on parle du contrôle de l’obligation de s’assurer, on parle de la transparence des coûts et de la protection des données. Dans le préavis du Conseil d’Etat, il est de nouveau dit qu’un tel outil permettrait de mutualiser les réserves, de limiter les différences de primes injustifiées et d’éliminer la chasse aux bons risques, tout en préservant l’emploi et le savoir-faire administratif et de contrôle des caisses actuelles, tout en permettant encore la concurrence que d’aucuns, dans cette salle, prônent lorsqu’il s’agit du système de santé. A aucun moment, il n’a été fait état d’une diminution des coûts de la santé à travers ce type d’instrument. Je ne vais pas revenir sur les différents points mentionnés dans le projet de décret et qui décrivent bien quels en seraient les avantages.

S’agissant des coûts de la santé, j’ai entendu les différents points amenés dans le cadre du débat, dont la numérisation à travers le dossier électronique du patient (DEP). Le projet avance ; c’est un projet fédéral, qui a pris un peu de retard du fait de certifications et de la crise COVID. Ces retards ont été pris au niveau national. On connait aussi, dans notre canton, différents projets autour de la surmédicalisation, en particulier les cercles de qualité mis en place dans les EMS pour s’assurer de dispenser aux résidents les bons médicaments avec les meilleurs effets. Madame Dubois, il y a aussi le postulat de Mme Labouchère sur la question des réadmissions. Et un de vos postulats traite d’ailleurs aussi de la question de la qualité. Nous avons toute une série d’éléments sur lesquels la Direction générale de la santé travaille, en accord avec le Rapport de politique sanitaire 2018-2022, pour agir sur les coûts de la santé. Je vous invite à ne pas mélanger les débats.

Evidemment, nous devons agir sur les coûts de la santé. Nous y avons tous un intérêt, pour avoir un impact sur les primes. Mais ici, nous sommes dans un autre débat, sur la transparence et sur la nécessité d’avoir enfin une vision claire de la manière dont s'organise notre système d’assurance maladie. Nous savons que l’opacité pèse et que le problème de la chasse aux bons risques existe toujours, un problème particulièrement pénible pour celles et ceux qui, à un moment de leur vie, connaissent des problèmes de santé et peuvent se retrouver dans une situation où il sera difficile de pouvoir accéder à une assurance maladie. Enfin, il y a la question des réserves, mais je ne m’attarderai pas sur le sujet, puisque nous en parlerons au point suivant de l’ordre du jour.        

Mme Sonya Butera (SOC) — Président-e

La discussion est close.

Le projet de décret est adopté en deuxième débat.

M. Pierre Volet (PLR) —

Je n’ai pas bien saisi. Il n’y a pas de vote ? (Rires dans la salle.)

Mme Sonya Butera (SOC) — Président-e

Nous sommes au deuxième débat et, lors du deuxième débat, nous mettons les articles en discussion. Si aucune discussion n’est ouverte, ils sont considérés comme étant acceptés tacitement.

La discussion générale n’est pas utilisée.

Le projet de décret est adopté définitivement par 73 voix contre 66.

Mme Florence Bettschart-Narbel (PLR) — Rapporteur-trice de minorité 1

Je demande un vote nominal.

Mme Sonya Butera (SOC) — Président-e

Cette demande est soutenue par au moins 20 députés.

Celles et ceux qui soutiennent ce projet en vote final votent oui ; celle et ceux qui s’y opposent votent non. Les abstentions sont possibles.

Au vote nominal, le projet de décret est adopté définitivement par 74 voix contre 66.

* insérer vote nominal

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