24_INT_66 - Interpellation Elodie Lopez et consorts au nom du groupe EP - L’avenir sera sobre ou ne sera pas. Comment concrétiser le principe de sobriété dans le Canton de Vaud ? (Développement).

Séance du Grand Conseil du mardi 16 avril 2024, point 5 de l'ordre du jour

Texte déposé

L'audit du premier Plan Climat vaudois réalisé par l'EPFL en juin 2022 met en lumière le caractère triptyque d'une stratégie climatique. Les actions possibles face au dérèglement se classent globalement en trois catégories (Rapport d'audit, p. 8): la sobriété, l'efficience et la transition vers des énergies propres. Les recommandations de l'audit portent avant tout sur la dimension de sobriété (p. 20), en tant qu'il s'agit de la moins représentée, et de loin.

 

Dans la ligne de cette analyse, a été votée en août 2023 une motion demandant au Conseil d'État d'intégrer ce principe dans la révision de la Loi sur l'Énergie. La dernière version en date inclut ce principe comme un des trois piliers de la transition énergétique. Nous saluons cette évolution mais souhaitons qu’elle ne s’arrête pas à une simple déclaration d'intention.

 

Comme le souligne l'audit de l'EPFL, le principe de sobriété peut être appliqué à tous les secteurs (voir p. 20) :

  1. à l'industrie, en réduisant la consommation de produits industriels;

  2. à l'agriculture, en privilégiant le local, de saison, et bio;

  3. à la mobilité, en réduisant les distances parcourues;

  4. au bâtiment, en limitant la surface construite par personne.

 

La consommation d'énergie et les émissions carbones peuvent être massivement réduites en agissant sur ces leviers et ce, assez rapidement. Cette approche est d'autant plus pressante que notre consommation tend plutôt à croître qu'à diminuer. Ceci est d’autant plus vrai depuis que la menace d’un black-out énergétique ne plane plus, provoquant une diminution de l’attention accordée aux économies d’énergie et la levée de mesures prises à cette période, comme en témoigne la réponse du Conseil d’Etat à la simple question de Jean Tschopp et consorts “Renouveler les campagnes de sensibilisation pour réduire notre consommation d’énergie”. L'application du principe de sobriété fait malheureusement face à une difficulté de taille: les changements de comportements et de pratiques. Ceux-ci dépendent de facteurs complexes (contextes sociaux, légaux, culturels mais aussi infrastructures, services ou encore système d’approvisionnement).

 

Il s'agit d'abord de faire la promotion active de la sobriété. Le gaspillage d'énergie ou de matériaux peut être facilement réduit en agissant sur certaines habitudes et pratiques, comme la température de chauffage, la consommation d'eau, l'éclairage, l’adaptation des espaces aux usages ou la mutualisation. 

 

Cependant, la sobriété ne s'arrête pas là. Notre mode de vie est profondément imbriqué avec des activités énergivores ainsi qu'une consommation massive de produits industriels, à l'utilité discutable et à courte durée de vie. Promouvoir la sobriété, c'est aller vers un autre mode de vie, à faible empreinte écologique. Celui-ci ne peut être atteint qu’à l’aide d’une stratégie double. D'une part, en posant des limites aux excès de consommation énergétique et d’autre part, en proposant des alternatives viables à nos pratiques.

 

Les approches sont multiples; on peut par exemple :

 

  • faciliter le partage, la récupération et la réparation d'objets ou de véhicules;

  • encourager l'industrie locale, durable, et réparable;

  • faciliter le commerce des produits agricoles locaux;

  • soutenir des activités culturelles locales et à petites échelles;

  • améliorer l'accessibilité d'espaces verts et de loisirs afin de diminuer les trajets;

  • redynamiser le tourisme local;

  • relocaliser les emplois et la production.

 

En général, il s'agit de penser les changements de mode de vie et de production en interaction avec tous les secteurs, et non pas seulement comme une somme de petits gestes. Il s’agit de travailler à mettre en place les conditions et facteurs qui permettent de faciliter des alternatives et d’autres manières de faire. Il s’agit, en somme, d’un principe directeur qui implique de se demander à quel modèle de société on souhaite aspirer et auquel on doit renoncer, tout en garantissant le principe de justice sociale.

 

Parce que sobriété n'est pas synonyme d'austérité, il est urgent de promouvoir activement des alternatives à la surconsommation que nous avons connue pendant quelques décennies afin qu'un mode de vie sobre et des pratiques sobres deviennent non seulement possible mais aussi souhaitables, et ce avant qu'il ne soit une nécessité imposée par des catastrophes environnementales ou des pénuries. Car l’avenir sera sobre ou il ne sera pas.

 

Dans cette optique, je souhaite poser les questions suivantes au Conseil d’État:

 

  1. Comment le Conseil d’État entend-il concrétiser le principe de sobriété ?

  2. Comment est pris en considération le caractère systémique des pratiques et comportements à changer, c'est-à-dire leur imbrication avec l'organisation sociale dans son ensemble ?

  3. Dans quels secteurs le Conseil d’État veut-il appliquer ce principe ?

  4. Quelles méthodes le Conseil d’État prévoit-il pour induire des changements de pratiques et d’habitudes ?

  5. Quel soutien proactif à des alternatives prévoit-il, en plus d'une simple promotion de la sobriété ?

  6. Quelles limites à la consommation prévoit-il pour réduire les excès de nos modes de consommation et de production ?

  7. Quelle sera la place accordée à la sobriété et aux mesures permettant de la concrétiser dans la nouvelle version du Plan Climat ?

Conclusion

Souhaite développer

Liste exhaustive des cosignataires

SignataireParti
Isabelle FreymondIND
Nathalie JaccardVER
Vincent KellerEP
Sébastien HumbertV'L
Alberto MocchiVER
Géraldine DubuisVER
Pierre FonjallazVER
Felix StürnerVER
Marc VuilleumierEP
Laure JatonSOC
Joëlle MinacciEP
Théophile SchenkerVER
Nathalie VezVER
Yannick MauryVER
Cédric EchenardSOC

Documents

Transcriptions

Visionner le débat de ce point à l'ordre du jour
Mme Elodie Lopez (EP) —

Rassurez-vous : malgré son titre, mon interpellation ne vise pas à interdire la vente de chasselas sur le territoire vaudois ! La condamnation historique de la Suisse par la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) nous l’a récemment rappelé : pour les autorités politiques, il est passé l’heure de prendre leurs responsabilités pour réduire les émissions de gaz à effet de serre. L’exemplarité de la Suisse et des cantons est encore à construire. Dans ce contexte, l’audit du Plan climat vaudois mené par l’Ecole polytechnique fédérale de Lausanne (EPFL) concluait que la stratégie prévue ne permettait qu’une réduction d’environ 8 % de ces émissions d’ici à 2030, bien loin des 60 % prévus initialement. Les recommandations de cet audit portent avant tout sur la dimension qu’est la sobriété, et la Loi sur l’énergie qui sera débattue prochainement par notre Parlement inclut ce principe, l’un des trois piliers de la transition énergétique. Nous souhaitons sincèrement qu’il ne s’agisse pas d’une simple déclaration d’intention, mais qu’elle puisse se concrétiser.

Le principe de sobriété peut être appliqué à tous les secteurs : industrie, agriculture, bâtiment et mobilité, ainsi que je le rappelais dans une précédente interpellation, par exemple avec la facilitation du partage ; la récupération et la réparation d’objets ou de véhicules ; l’encouragement de l’industrie locale, durable et réparable ; la facilitation du commerce des produits agricoles locaux ; le soutien aux activités culturelles locales et à petite échelle ; l’amélioration de l’accessibilité à des espaces verts et de loisirs afin de diminuer les trajets ; la relocalisation de la production et des emplois. L’application du principe de sobriété fait malheureusement face à une difficulté de taille : les changements de pratiques et de comportements dépendent de facteurs complexes – les contextes légaux, sociaux et culturels – mais aussi des infrastructures, des services ou encore des systèmes d’approvisionnement. Il s’agit de penser les changements de modes de production et de modes de vie en interaction avec toutes ces dimensions, et non seulement comme une somme de petits gestes. Il s’agit de travailler à mettre en place les conditions et les facteurs qui permettent de faciliter les alternatives et d’autres manières de faire. En somme, il s’agit d’un principe directeur qui implique de se demander à quel modèle de société on aspire et à quel modèle on doit renoncer, tout en garantissant le principe de justice sociale. En effet, la sobriété n’est pas synonyme d’austérité. Il est primordial de promouvoir activement des alternatives afin qu’un mode de vie et des pratiques sobres deviennent non seulement possibles, mais souhaitables, et ce, avant que cela ne devienne une nécessité imposée par des catastrophes environnementales ou des pénuries.

Dans cette optique, je pose plusieurs questions au Conseil d’Etat demandant comment il pense concrétiser le principe de sobriété, dans le canton de Vaud, par son application multisectorielle et en allant plus loin que les simples incitations, insuffisantes pour opérer les changements nécessaires pour garantir à toutes et tous, aujourd’hui comme demain, une vie digne et bonne, dans le cadre des limites planétaires.

M. Jean-François Thuillard (UDC) — Premier vice-président

L’interpellation est renvoyée au Conseil d’Etat qui y répondra dans un délai de trois mois.

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