20_LEG_45 - Exposé des motifs Préavis et contre-projet du Conseil d'Etat au Grand Conseil sur l'initiative législative Florence Bettschart-Narbel et consorts au nom du Groupe PLR - Loi sur le CHUV : Pour une gouvernance moderne du CHUV Et Exposé des motifs et projet de loi modifiant la loi du 16 novembre 1993 sur les Hospices cantonaux (LHC) (1er débat).
Séance du Grand Conseil du mardi 15 juin 2021, point 20 de l'ordre du jour
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- RC 20_LEG_45 - Vassilis Venizelos
- Texte adopté par CE - Préavis et contre-projet initiative Bettschart et EMPLHC - publié
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Visionner le débat de ce point à l'ordre du jourCe rapport de la commission traite du préavis et contre-projet du Conseil d’Etat relatifs à l’initiative du PLR sur le CHUV. Pour rappel, cette initiative a été déposée en 2018, dans un contexte qui a précédé la crise sanitaire que nous avons traversée. Je rappelle aussi que les initiants, au moment du dépôt de cette initiative, considéraient le CHUV comme un mastodonte de l’univers hospitalier. Les initiants souhaitaient moderniser la gouvernance, rendre l’appareil plus autonome – en proposant notamment de créer une loi spécifique sur le CHUV – de modifier les statuts juridiques de l’établissement, en passant d’un service de l’Etat à un établissement autonome de droit public, en instaurant un conseil d’administration de neuf membres et en introduisant dans le projet de loi la possibilité de déléguer des activités à des établissements privés.
En commission, la cheffe du département nous a rappelé que la gouvernance du CHUV était un sujet qui revenait de façon récurrente devant le Grand Conseil. Plusieurs décisions ont d’ailleurs été prises pour renforcer cette gouvernance, notamment l’introduction d’un plan stratégique, d’un contrat de prestations à la fin des années 90, la création d’un comité d’audit du CHUV en 2001, la fusion de la Direction générale des hospices et de la direction du CHUV et des institutions psychiatriques et du département de médecine et santé communautaire en 2002, la création d’un conseil de direction Unil-CHUV en 2005 ou la création d’un service d’audit interne au CHUV en 2010. Bien qu’il s’agisse d’un service de l’Etat, le CHUV dispose également d’une marge de manœuvre importante, donc d’un degré d’autonomie considérée comme suffisant par le Conseil d’Etat. En effet, le CHUV exploite son budget selon le principe de l’enveloppe budgétaire. Il possède la compétence d’engager des travaux de construction financés par le fonds d’entretien jusqu’à 1 million de francs et d’acquérir des équipements jusqu’à un montant de 300 000 francs. Enfin, le comité de direction a la responsabilité de la planification opérationnelle et du développement des ressources humaines, ainsi que des systèmes d’information et des constructions. On peut donc considérer que le rôle du Conseil d’Etat s’apparente actuellement à celui d’un conseil d’administration, puisqu’il fixe le cadre général à travers le plan stratégique, qu’il nomme les membres de la direction, qu’il valide l’adoption du budget et des comptes et qu’il approuve un plan pluriannuel d’investissement. L’un des avantages du système actuel, c’est que le Conseil d’Etat peut également s’appuyer sur les autres services de l’administration et donc faire fonctionner la transversalité et toutes les compétences propres à l’administration cantonale. Le Grand Conseil, lui aussi, peut s’appuyer sur ses commissions de haute surveillance et sur sa Commission de la santé publique qui est notamment chargée d’analyser le plan stratégique du CHUV.
Pour toutes ces raisons, le Conseil d’Etat considère que la gouvernance actuelle du CHUV et son autonomie – qui était ciblées par cette initiative – sont actuellement suffisantes. Malgré tout, on nous propose aujourd’hui un contre-projet constitué de deux volets, puisque les débats qui ont accompagné l’initiative parlementaire ont fait ressortir certains aspects qui devraient nous permettre de renforcer la gouvernance. Le Conseil d’Etat propose ainsi d’améliorer les dispositifs existants, en s’appuyant sur un Conseil stratégique du CHUV qui n’a plus été réuni depuis un certain temps, mais qui a existé et sur lequel le Conseil d’Etat propose de s’appuyer. Il propose aussi de renforcer – c’est le deuxième volet de la modification proposée – le contrôle parlementaire, notamment en matière de surveillance des investissements.
Le Conseil stratégique du CHUV doit être perçu comme un organe stratégique de réflexion et de prospective qui aurait un rôle de conseil et d’accompagnement auprès du CHUV. Le projet de loi tel que proposé prévoit un organe composé de neuf membres, avec des experts dans les domaines des nouvelles technologies, de l’organisation hospitalière, de la médecine et des soins, des humanités et de l’éthique, de la défense des patients et de la durabilité. Le conseil aurait en plus la compétence de préaviser des projets de décret de plus de 8 millions de francs et, annuellement, les travaux compris entre 1 et 8 millions, le plan pluriannuel d’investissement, ainsi que le plan stratégique.
Dans le deuxième volet, le contre-projet du Conseil d’Etat prévoit donc de renforcer le contrôle du Parlement sur les investissements. Il est prévu, pour les investissements de moins de 8 millions de francs, une procédure d’approbation par la Commission des finances. C’est un sujet qui nous occupera dans le point suivant de l’ordre du jour, lors du traitement de la motion de notre collègue Mme Gross. En outre, la commission se prononcerait une fois par législature sur le programme pluriannuel des investissements, puis une fois par année sur les différents projets. Avec ces différentes propositions, la cheffe du département estime répondre à des attentes majeures des initiants qui exprimaient leur volonté de voir la structure et la gouvernance modernisées.
L’auteure de l’initiative parlementaire est intervenue en commission pour nous indiquer qu’elle adhérait à la proposition du Conseil d’Etat. Elle a d’ailleurs relevé le caractère constructif de la cheffe du département qui est venue avec des propositions pour essayer de renforcer la gouvernance du CHUV et essayer de moderniser son fonctionnement. L’auteure de l’initiative parlementaire a annoncé en commission sa volonté de retirer son initiative, pour autant que le contre-projet proposé par le Conseil d’Etat soit voté en l’état, sans aucune modification.
En conclusion, la commission recommande au Grand Conseil d’accepter le préavis du Conseil d’Etat à l’unanimité des membres présents. Elle s’est prononcée favorablement sur le principe de l’innovation envisagée, tout en privilégiant, à l’unanimité des membres présents, le texte du contre-projet à celui de l’initiative. Vous l’aurez compris, la commission, le Conseil d’Etat et l’initiante adhèrent à la proposition du contre-projet du Conseil d’Etat. Il va de soi que si ce contre-projet devait être modifié, cela changerait probablement la position des uns et des autres. C’est dans cet esprit que la commission, à l’unanimité, vous recommande d’accepter le préavis du Conseil d’Etat.
La discussion est ouverte.
Je dois le dire, le débat sur cet objet était fort mal parti : beaucoup de fausses informations ont été véhiculées par les opposants au projet, notamment sur le fait que le PLR aurait voulu privatiser le CHUV. Or, nous avons toujours été clairs : en aucun cas, le PLR ne voulait privatiser le CHUV, il voulait rendre son organisation plus indépendante, avec une propre personnalité juridique. Il souhaitait améliorer et rendre plus transparente sa gouvernance. Il y a environ deux ans, notre Parlement avait accepté le principe d’une nouvelle loi sur le CHUV. Malgré ce soutien parlementaire, le Conseil d’Etat a choisi une autre voie à laquelle nous pouvons nous rallier. Nous remercions d’ailleurs Mme la conseillère d’Etat et ses services pour les discussions constructives qui ont permis d’aboutir à ce contre-projet.
S’agissant de la gouvernance, la solution proposée par le Conseil d’Etat nous convient. L’ancrage dans la loi sur les hospices cantonaux, et non dans un règlement, d’un Conseil stratégique du CHUV est primordial. Avec ce contre-projet, il y aura vraiment un ancrage légal d’un conseil qui existe en réalité aujourd’hui déjà dans le règlement sur les hospices cantonaux, mais qui n’est plus appliqué. Cet ancrage légal permettra d’avoir un suivi de ce Conseil stratégique du CHUV. La composition de ce conseil est également convaincante et correspond en grande partie à ce que nous avions demandé dans notre initiative. Toutes les compétences de ces personnes, expertes dans leur domaine respectif – la médecine et les soins, les humanités et l’éthique, le personnel, les ressources humaines, l’organisation et les finances hospitalières, le droit des patients, le développement durable et des nouvelles technologies – permettront à ce Conseil stratégique d’amener une véritable plus-value dans la gouvernance du CHUV. La non-politisation de ce conseil est également un élément de satisfaction. De plus, les attributions du conseil, notamment la possibilité de préaviser le plan stratégique, la possibilité de préaviser les projets de décret d’investissement de plus de 8 millions, ainsi que celle de se positionner sur la stratégie générale du CHUV, sur le contrat de prestations et sur la nomination du directeur du CHUV sont également des éléments positifs. Enfin – ma collègue Florence Gross reviendra plus particulièrement sur cette question – nous approuvons le fait que le programme pluriannuel d’investissement soit désormais soumis pour approbation à la Commission des finances.
Vous l’aurez compris, si ce contre-projet est accepté tel que proposé par le Conseil d’Etat – ce que nous soutenons – je retirerai l’initiative que j’avais déposée en son temps.
Cela a été dit tout à l’heure, ce préavis et ce projet de loi constituent un contre-projet à l’initiative Bettschart-Narbel sur le CHUV. Ces projets sont issus d’un dialogue engagé par la cheffe du département avec les initiants. Le groupe socialiste, à l’instar de l’ensemble de la commission et de l’initiante, souhaite remercier Mme Ruiz et le Conseil d’Etat pour cette attitude constructive qui permet d’aboutir à une solution tout à fait satisfaisante pour notre groupe.
Dans cette dynamique, le groupe socialiste ne proposera pas d’amendement et acceptera l’entrée en matière et les articles de la loi. Ainsi, comme elle s’est engagée à le faire, l’initiante pourra retirer son texte à l’issue de nos débats. Si le groupe socialiste est satisfait du contre-projet du Conseil d’Etat, c’est notamment parce qu’il permet, contrairement à la velléité des initiants, de maintenir le CHUV en tant que service de l’Etat, en conservant sa gouvernance actuelle en tant que service public. Nous avions eu l’occasion de le dire à plusieurs reprises : le parti socialiste se serait opposé fermement et par tous les moyens démocratiques à sa disposition, y compris le référendum, afin d’éviter, d’une part, la transformation du CHUV en établissement autonome de droit public et, d’autre part, pour éviter toute forme de privatisation de ses activités.
Durant l’année écoulée, je crois que nous avons toutes et tous, à l’instar des Vaudoises et des Vaudois, pu reconnaître l’impressionnant travail que notre hôpital cantonal a réalisé en lien avec la gestion du coronavirus. Sans aucun doute, ce modèle de gouvernance a permis de répondre de manière adéquate et performante à l’urgence sanitaire. Le CHUV a la flexibilité et la capacité nécessaire pour réagir rapidement et s’adapter à toute situation inattendue, aussi lourde et conséquente soit-elle. La gouvernance actuelle permet également au CHUV de se positionner comme acteur central de la politique sanitaire cantonale et comme un acteur international dans la recherche et l’innovation. Par ailleurs, toujours sur ces questions de gouvernance, nous relevons que le modèle – qui était alors prôné par les initiants comme le Saint Graal pour une gestion efficace et une transparence irréprochable – à savoir un établissement autonome de droit public, avait aussi ses failles et n’était pas la garantie non plus d’un système parfait. Nos récents débats en plénum sur l’instauration d’une commission d’enquête parlementaire (CEP) sur l’Hôpital Riviera-Chablais (HRC), également établissement autonome de droit public, en sont pour nous la preuve la plus patente.
Cela étant, s’agissant du contre-projet, le groupe socialiste salue le renforcement du rôle du Parlement par l’implication accrue de la Commission des finances dans les investissements de 1 à 8 millions de francs. Le contre-projet est un pas bienvenu dans la mesure où il renforce le contrôle démocratique, à l’opposé de l’initiative qui aurait ôté au Conseil d’Etat et au Parlement des compétences décisionnelles et de surveillance au profit d’un conseil d’administration. Enfin, l’instauration d’un Conseil stratégique – organe consultatif de réflexion et de prospective – permettra de maintenir l’excellence du CHUV dans un environnement mouvant. Ce conseil préavisera également le plan stratégique du CHUV afin de s’assurer de l’adéquation des objectifs de l’institution avec les enjeux en présence.
Pour conclure, nous vous appelons à soutenir ce contre-projet afin que tant l’initiative sur le CHUV que la motion de Mme Gross soient retirées, comme les deux porteuses de ce projet l’ont annoncé lors de nos travaux en commission et comme cela ressort du rapport présenté par M. Venizelos précédemment. Aujourd’hui, notre hôpital a besoin de sécurité pour son futur qui a déjà été chahuté par la crise que nous traversons. Le groupe socialiste vous invite donc à suivre l’unanimité de la Commission thématique de la santé publique afin de garantir l’avenir public de notre hôpital cantonal. Il vous invite également à soutenir les deux projets qui vous sont proposés aujourd’hui.
Le groupe PLR est favorable à ce contre-projet. Même si tous les buts de l’initiative ne sont pas atteints, ce contre-projet constitue un compromis entre le Conseil d’Etat et les différents partis. Je souhaite mettre en évidence deux points qui nous satisfont :
- L’élargissement du rôle du Grand Conseil dans la gestion des investissements. Concrètement, la Commission des finances pourra à l’avenir se prononcer, une fois par législature, sur le programme pluriannuel des investissements de 1 à 8 millions, puis une fois par année sur l’engagement des investissements concernés.
- L’autre point à mettre en évidence concerne notre satisfaction de voir l’instauration d’un Conseil stratégique du CHUV, un organe de réflexion et de prospective, qui sera notamment chargé de préaviser le plan stratégique du CHUV et surtout de rendre des préavis sur les investissements à l’intention du Conseil d’Etat et du Grand Conseil.
En conclusion, le groupe PLR soutiendra donc ce contre-projet, pour autant qu’il ne subisse aucun amendement.
Le CHUV est un fleuron du service public vaudois. Pour notre groupe, comme pour d’autres, il doit le rester. Il le démontre en période ordinaire, mais il en a apporté la preuve de manière convaincante une nouvelle fois lors de cette pandémie. Outre ses compétences propres, son appartenance au service public – et donc sa proximité avec le monde politique, le Conseil d’Etat notamment – a été un élément déterminant dans la gestion de la crise sanitaire qui, nous l’espérons, est en train de s’achever. La réactivité, l’inventivité, la réorganisation des services et des activités, l’efficacité des soins, l’information au public en sont autant d’exemples reconnus par chacune et chacun. L’appartenance du CHUV au service public est essentielle pour qu’il puisse continuer à être performant dans les quatre domaines de prédilection que sont la recherche, la médecine de ville, les soins spécialisés et la formation. Si cette appartenance au service public est aussi essentielle, il y a encore du travail pour adopter une politique de ressources humaines et de gestion du personnel encore plus efficace et solidaire. Enfin, cette appartenance est aussi essentielle pour le contrôle démocratique exercé par notre autorité. Le PLR, en se contentant d’un contre-projet heureusement minimaliste, s’en est d’ailleurs bien rendu compte. En effet, si ce Grand Conseil venait à adopter l’initiative présentée par le PLR, le référendum qui suivrait l’emporterait sans aucun doute, tant le CHUV a une bonne réputation au sein de notre population. Si ma vocation n’est pas de soutenir le PLR, je pense que ce dernier a eu raison de se contenter de ce projet que nous jugeons minimaliste. Effectivement, ce contre-projet se résume – je caricature à peine – à la renaissance du conseil des hospices cantonaux qui s’était assoupi il y a quelques années, à un contrôle financier supplémentaire et à une validation de diverses décisions. Un peu plus de contrôle démocratique est toujours bon à prendre et notre groupe ne combattra pas ces deux points.
Vous l’aurez compris, pour notre groupe, l’essentiel était que le CHUV reste dans le service public. Il semble que ce sera le cas. Mais nous avons aussi entendu, notamment lors des débats en commission, qu’il s’agissait pour certains d’un premier pas. Notre groupe veillera à ce qu’il n’y en ait pas un deuxième, par exemple en étudiant la possibilité d’inscrire le CHUV dans la Constitution sous forme d’une initiative parlementaire.
Tout ça pour ça… Que n’a-t-on pas dit sur la gouvernance du CHUV ? « Pis que pendre » du côté de la droite sur sa forme actuelle, litanie d’éloges de la part de la gauche. Vous permettrez au rapporteur de la minorité – qui a défendu l’an dernier le statu quo, au nom de la minorité des députés Libres, Ensemble à gauche, POP, socialistes et Verts – de s’étonner qu’un tel consensus n’ait pas pu être trouvé plus tôt. Aujourd’hui, nous peinons à en saisir les avantages concrets, à l’exception d’une paix retrouvée sur cette question entre la gauche à la droite gouvernementales. Mais c’est déjà pas mal, me direz-vous…
De notre côté, nous continuons de penser que la situation actuelle présente beaucoup d’avantages et que très peu d’inconvénients :
- maintien d’un service public et d’une qualité des soins de qualité, plutôt qu’une tendance à la marchandisation et un système à deux vitesses ;
- processus décisionnel efficace ;
- bonne collaboration avec le monde médical ;.
- surveillance démocratique garantie.. Et la liste n’est pas exhaustive.
Mais, puisque vous voulez faire de la cosmétique, faisons de la cosmétique. Pour la paix hospitalière, cela le vaut bien. Le plat servi aura certainement meilleure façon. Les Libres se rallieront à ce consensus, mais ne peuvent s’empêcher de penser qu’on aurait pu s’épargner une telle débauche d’énergie pour pas grand-chose en fin de compte, si ce n’est pour satisfaire les besoins de la cuisine, voire de la mousse, électorale. Mais il est vrai que nous aurions tort de refuser un élargissement des compétences du Grand Conseil via sa Commission des finances, même si nous pouvons avoir quelques doutes sur son esprit critique à l’égard de l’action gouvernementale. L’émulsion peut réussir, tout du moins cela ne peut pas faire beaucoup de mal. Quant à la mise sur pied d’un Conseil stratégique, il correspond à l’air du temps, même si les consultations se faisaient de manière informelle. Nous n’arriverons pas comme un cheveu dans la soupe – même si celle-ci a un goût de rance – et accepterons le projet du bout des lèvres.
Au départ, le groupe vert’ libéral avait apporté son soutien à l’initiative législative du PLR. Il estimait que la gouvernance du CHUV dépendait trop d’une entente idéale entre la direction du CHUV et le Conseil d’Etat. Cela avait très bien fonctionné du temps de M. Maillard et de M. Leyvraz et cela semble aussi très bien fonctionner entre Mme la conseillère d’Etat Ruiz et M. Eckert. Mais que deviendrait cette gouvernance en cas de tension au sein de ces binômes ? D’où la proposition de transformer la gouvernance du CHUV en un établissement de droit public autonome. Le mérite de l’initiative du PLR a été de soulever cette question de la gouvernance et élargir cette gouvernance paraît être une bonne chose aux yeux des Vert’libéraux. Néanmoins, il est aussi impératif, pour une institution comme le CHUV, de garder une réactivité très forte. Cela a été démontré lors de la gestion de la crise du COVID et les liens étroits qui unissent le Conseil d’Etat et la direction du CHUV se sont avérés être très positifs. C’est pour maintenir une telle réactivité que notre groupe s’est rallié au contre-projet et à sa proposition de créer ce Conseil stratégique ; il permettra d’élargir la gouvernance du CHUV, tout en gardant la souplesse et la réactivité nécessaires à la conduite de cet immense paquebot. En plus, le second volet de ce contre-projet qui propose de soumettre les investissements de 1 à 8 millions à la Commission des finances nous paraît être une excellente proposition. Vous l’aurez compris, le groupe vert’libéral soutiendra ce contre-projet à l’initiative du PLR.
L’initiative législative Florence Bettschart-Narbel – et je m’exprime en mon nom personnel – m’est apparue en son temps comme un solide coup de pied dans la fourmilière du CHUV. Comme chacun le sait, dans une fourmilière, tout le monde bosse, il n’y a pas de rente de situation. Je suis reconnaissant au Conseil d’Etat de ne pas avoir répondu par une opposition frontale, ce qui n’aurait pu qu’affaiblir l’institution et la confiance que les citoyennes et citoyens de ce canton, patients potentiels, peuvent avoir dans cette institution. Le contre-projet du Conseil d’Etat représente une forme de paix des braves, car j’ai le sentiment que chaque entité a fait un bout de chemin et qu’aucune des deux parties n’estime en avoir fait plus que l’autre. J’en conclus donc que les uns et les autres sont attachés à un bon fonctionnement d’une institution qui ne se limite de loin pas au seul hôpital appelé CHUV, mais à toute une constellation située majoritairement – mais pas seulement – sur la cité hospitalière.
Ceci montre une fois de plus que, passé les premières émotions par rapport à une motion, un postulat ou une initiative, il reste dans notre canton suffisamment de gens qui sont ensuite capables de se parler et de trouver une solution adéquate. Cela nous paraît peut-être naturel, mais quand on regarde d’autres parlements, ce n’est pas si naturel que cela et nous devons nous en féliciter. Nous devons aussi nous féliciter de montrer que le CHUV, faisant partie de la collectivité vaudoise, doit être surveillé – si j’ose dire – par le Grand Conseil.
J’aimerais revenir sur le Conseil stratégique du CHUV. Cela peut être quelque chose de très intéressant, à condition d’en choisir précautionneusement les membres et de ne pas leur permettre de siéger trop longtemps. Dans le cas contraire, ils finissent par se couper des réalités du terrain. Votre serviteur a fait partie, durant de nombreuses années, du conseil des hospices, l’ancêtre de ce Conseil stratégique du CHUV. Aussi longtemps que les membres de ce conseil étaient ponctuels aux séances, arrivaient avec des idées et nourrissaient le débat, cela a été une excellente structure. Progressivement, les gens ne sont plus venus. Ils ont pensé que pour diriger le CHUV, on pouvait passer par d’autres structures. Le conseil a alors tranquillement périclité, au point que – et à l’époque, j’étais d’accord avec lui – le conseiller d’Etat Maillard a pensé qu’il valait mieux supprimer une structure qui ne rimait plus à grand-chose. Je souhaite que le Conseil stratégique du CHUV ne fasse pas la même erreur. Je souhaite qu’il soit quelque chose de vivant, d’utile et qu’il soit composé de gens qui savent prendre des avis à l’extérieur et pas seulement se rencontrer dans un petit club où l’on se connaît depuis longtemps et où l’on sait très bien ce que l’on va se dire. Alors, bon vent à ce conseil ! Aussi longtemps que je siègerai dans ce Grand Conseil, j’en surveillerai les ébats, parce que je sais que cela peut être quelque chose de très bénéfique, comme quelque chose de parfaitement inutile au bout de quelques années, si les gens qui le composeront ne font plus l’effort d’être constamment à l’écoute de tous les partenaires.
Il y a maintenant presque deux ans, la majorité du Grand Conseil renvoyait au Conseil d’Etat l’initiative parlementaire du groupe PLR qui demandait l’autonomisation du CHUV, en transformant son statut juridique de service d’Etat en un établissement autonome de droit public. Le Conseil d’Etat a pris très au sérieux le changement proposé et les questions soulevées dans le cadre du débat parlementaire qui a eu lieu en juin 2019, en premier lieu la question suivante : pour un hôpital à la renommée mondiale comme le CHUV, quelle est la meilleure organisation, celle qui lui permettra de relever au mieux les défis immenses qui se poseront les prochaines années ? Toutes les autres questions utiles ont été posées sans tabou : comment améliorer encore la transparence de l’institution ? Comment accompagner au mieux la définition de sa stratégie, s’assurer qu’elle soit bien partagée ? Comment intégrer le plus rapidement possible les innovations indispensables pour un hôpital universitaire de pointe ? Au terme d’un processus approfondi de comparaison avec les systèmes existants dans d’autres cantons, d’évaluation historique du système de gouvernance du CHUV, ainsi que de son fonctionnement actuel, le Conseil d’Etat est arrivé à la conclusion que l’autonomisation du CHUV n’était pas souhaitable, et ce, pour trois raisons :
- Tout d’abord, le lien entre le CHUV et l’Etat est indispensable à la bonne marche de la politique sanitaire cantonale. Attention, ce lien ne signifie toutefois aucunement son absence d’autonomie de gestion. D’ailleurs, le CHUV dispose d’une autonomie importante dans certains domaines. Vous le savez, le CHUV possède en particulier des compétences importantes en matière de construction – une interpellation à ce sujet vient d’ailleurs d’être traitée – dans le domaine des ressources humaines et des systèmes d’information. C’est également le cas pour la nomination de ses médecins-cadres, dans ce cas en partenariat avec l’Université de Lausanne. Le modèle en vigueur au CHUV à ce propos permet en effet une coordination optimale avec la Faculté de biologie et de médecine et respecte aussi le principe de l’autonomie de l’Université. Par ailleurs, le CHUV doit se conformer, comme tout hôpital, à la Loi sur l’assurance-maladie (LAMal) et à de nombreuses autres lois qui posent un cadre contraignant. Néanmoins, le lien direct avec l’autorité politique permet une réactivité accrue et une prise de décision rapide. Le fait que le CHUV soit un service d’Etat – et son directeur un chef de service – permet au Conseil d’Etat de suivre de manière extrêmement rapprochée les activités de l’institution universitaire. Cette proximité permet aussi au gouvernement de s’appuyer de manière totalement fiable sur l’hôpital. La crise que nous avons vécue l’a d’ailleurs bien illustré. Je ne reviendrai pas sur tout ce qui a été mis en place au CHUV sur demande expresse du Conseil d’Etat.
- Deuxièmement, le CHUV ne répond pas seulement à une seule logique hospitalière – responsabilité qu’il exerce par ailleurs avec excellence, tant sa réputation dépasse nos frontières. Le CHUV joue aussi un rôle systémique au service d’une pluralité d’acteurs sanitaires, d’une vision et d’une action de santé publique. J’en veux pour preuve, sans être exhaustive, les missions qu’il remplit sur la demande de l’Etat, par exemple dans le domaine de la psychiatrie, de la pédiatrie et dans certaines missions très spécifiques, mais ô combien indispensables, telles que la médecine des addictions, de la prise en charge des violences ou tout le volet de l’oncologie. Dans tous ces domaines, son lien direct avec l’Etat est crucial pour que l’on puisse développer ces prestations pour notre population.
- Enfin, j’ai déjà eu l’occasion de dire la nécessité – dans un secteur de la santé soumis aux logiques du marché et de la concurrence voulues par la LAMal – de pouvoir disposer d’un service public fort. Or, le statut public doit aller de pair avec un important contrôle démocratique. C’est donc autour de cette valeur de contrôle démocratique que le contre-projet qui vous est présenté s’articule principalement.
C’est animé par ces convictions, mais aussi en ayant la préoccupation d’entendre un certain nombre de critiques émises durant le débat parlementaire et donc en acceptant de faire évoluer une gouvernance de l’hôpital cantonal, qui n’a cessé d’évoluer durant ces 30 dernières années, que le Conseil d’Etat a souhaité proposer un contre-projet à l’initiative parlementaire. Il est sorti des échanges avec le PLR vaudois que nous partagions un objectif commun : celui de trouver la solution la plus adaptée pour le CHUV et in fine pour la population vaudoise. Ce contre-projet est donc issu de ces échanges et du chemin commun qui a pu être trouvé. Concrètement, le premier volet du contre-projet renforce les pouvoirs du Parlement. Désormais, le Grand Conseil, à travers sa Commission des finances et la ratification de la composition du Conseil stratégique du CHUV, pourra donner sur le CHUV des avis démocratiquement légitimés supplémentaires. Le législatif sera par conséquent sollicité davantage. Je ne reviens pas sur le détail des investissements, cela a déjà été explicité. Par ailleurs, le contre-projet propose la refondation d’un organe consultatif, le Conseil stratégique du CHUV. Je viens de le dire, sa composition sera ratifiée par le Grand Conseil, comme c’est le cas actuellement avec l’organe de prospective. Il s’agit donc là aussi d’une compétence supplémentaire pour le Parlement. Je suis contente que nous soyons parvenus à trouver cette solution, que nous ayons pu nous entendre sur cette voie à suivre qui ne rapproche pas l’hôpital cantonal de logiques privées, mais qui, au contraire, l’ancre plus profondément encore dans le service de l’intérêt général.
Le deuxième volet du contre-projet vise à moderniser un organe qui était prévu dans la législation et qui aura désormais un rôle plus précisément défini aussi. Il y a quelques années encore, il existait un Conseil du CHUV. C’était un organe d’information, de réflexion, de préavis sur des décisions stratégiques de l’institution. Pour diverses raisons, notamment la création d’autres organes qui faisaient le lien avec l’Université, ce conseil est tombé en désuétude. Le Conseil d’Etat souhaite refonder un organe consultatif. Concrètement, le Conseil du CHUV est remplacé par le Conseil stratégique du CHUV. Cet organe est ainsi réhabilité, en précisant dans la loi des compétences pour être un appui à la direction, aux autorités politiques, Conseil d’Etat comme Grand Conseil, sur des sujets d’expertise et de prospective stratégique. Je ne reviendrai pas sur les points de compétence de ce conseil, cela a également été expliqué par le rapporteur de la commission et par certaines et certains d’entre vous.
En conclusion, nous avons voulu faire un pas vers une gouvernance davantage partagée, ce qui permettra aussi – je l’espère – d’apaiser les débats qui seront menés sur des objets stratégiques et de développement du CHUV au sein du Grand Conseil, en créant ainsi un consensus plus large sur la conduite de l’hôpital. Je crois que c’est aussi ce que la population attend. Par ce contre-projet, on peut ainsi donner l’opportunité à l’hôpital universitaire d’évoluer, en se dotant d’expertises et de compétences utiles à son développement, en accompagnant sa stratégie, sans toucher à son organisation et sans restreindre les compétences du Parlement et du gouvernement. En somme, conserver ce qui fonctionne et parfaire ce qui peut encore l’être. Au nom du Conseil d’Etat, je souhaite que cette évolution renforce encore plus hôpital, lui permette de relever les défis qui l’attendent, en ayant la conviction que la meilleure solution est de s’en remettre à une logique de gouvernance démocratique à travers le renforcement du contrôle parlementaire. J’ai eu l’occasion de le dire à différentes reprises, je le répète néanmoins pour la bonne forme : le Conseil d’Etat se réserve le droit, en cas de modification du contre-projet, de le retirer in fine. En espérant que ce ne sera pas le cas, je vous invite à accepter le contre-projet à l’initiative du PLR.
La discussion est close.
Pour le vote, nous allons suivre l’article 132, alinéa 4, de la Loi sur le Grand Conseil. Je vais d’abord vous faire voter, sur le principe de l’innovation, votre intérêt à traiter de cet objet. Si votre vote est positif, je vous laisserai ensuite le choix entre l’initiative et le contre-projet. Votre sélection à ce moment-là vaudra comme une acceptation d’entrée en matière. Nous travaillerons ensuite le texte que vous aurez choisi.
Le principe d’innovation est admis par 127 voix contre 1.
Le contre-projet, opposé au texte de l’initiative, est choisi par 134 voix et 1 abstention.
L’entrée en matière est admise.
Il est passé à la discussion du projet de loi, article par article, en premier débat.
Article premier. —
Art. 13b. –
Cet article permet de donner la compétence au Conseil stratégique de préaviser sur le plan stratégique de développement du CHUV. Il a été accepté à l’unanimité par les membres de la commission.
L’article 13b est accepté à l’unanimité.
Art. 14a. –
Cette modification permet de donner la compétence à la Commission des finances de préaviser sur les investissements de 1 à 8 millions de francs. Avec cette modification, nous répondons dans le même temps à la motion Florence Gross « CHUV : pour plus de transparence dans les investissements ». En commission, la motionnaire avait annoncé que si cet article était accepté en l’état, elle retirerait sa motion.
L’article 14a est accepté à l’unanimité.
Art. 16b. –
Cet article permet de décrire la composition du Conseil stratégique du CHUV et ses différentes fonctions. En commission, à l’alinéa 5, un député a proposé de descendre le délai de carence de 5 à 2 ans. La commission a estimé, compte tenu du fait que le Conseil stratégique doit davantage avoir une portée d’expertise qu’une portée politique, il était important de maintenir ce délai de carence de 5 ans pour éviter que le Conseil stratégique soit composé d’anciens députés et pour éviter l’effet de « pantouflage ».
L’article 16b est accepté à l’unanimité.
Art. 16c. –
Il s’agit des attributions du Conseil stratégique du CHUV. Cet article a été accepté à l’unanimité des membres de la commission.
L’article 16c est accepté à l’unanimité.
Les articles premier, 2 et 3, formule d’exécution, sont acceptés à l’unanimité.
Le projet de loi est adopté en premier débat.
Compte tenu du compromis trouvé et de la belle unanimité sur ces différents articles, je propose de passer au deuxième débat immédiat. Il est peut-être important de rappeler que ce point de l’ordre du jour est fortement lié à la motion Florence Gross qui suivra. Dans la mesure où ces deux votes sont imbriqués, il serait utile – pour ne pas dire élégant – que la motionnaire indique qu’elle retirera sa motion au point suivant de l’ordre du jour.
Retour à l'ordre du jourLe deuxième débat immédiat est admis à la majorité des trois quarts (122 voix contre 2 et 5 abstentions).
Deuxième débat
Le projet de loi est adopté en deuxième débat et définitivement par 128 voix et 5 abstentions.