23_POS_4 - Postulat Blaise Vionnet et consorts - Pour une formation romande en chiropratique à Lausanne.
Séance du Grand Conseil du mardi 27 août 2024, point 15 de l'ordre du jour
Texte déposé
Postulat – Pour une formation romande en chiropratique à Lausanne
La Chiropratique est l’une des cinq professions médicales en Suisse. Ses soins sont remboursés par l’assurance de base. De premier recours, elle permet à l’ensemble de la population vaudoise l’accès à une prise en charge efficace et économique de maux divers.
Pendant longtemps les futurs.es chiropraticiens.ennes ont fait leurs études à l’étranger.
Depuis 2008 une formation existe au sein de la faculté de médecine à Zurich, offrant vingt-cinq places par année pour l’ensemble de la Suisse et, depuis 2020, la formation clinique, 6ème année du cursus universitaire, a été créée au CHUV.
En Suisse romande, la relève est actuellement en danger. Par exemple, la moitié des chiropraticiens.ennes qui étaient en exercice en 2017 seront à la retraite en 2026 et le nombre d’étudiants romands actuellement en formation ne permettra pas de compenser les départs. Ce n’est pas par manque d’intérêt pour la profession : au Forum Horizon 2021 (introduction sur les différents métiers aux étudiants.es de deuxième année de gymnase), le nombre de vues pour la profession était similaire à celui d’infirmier.ère, supérieur à celui de médecin de famille et de plus du double de l’ostéopathie.
Les raisons de ce risque de manque futur résident plutôt dans :
- la barrière de la langue
- la difficulté d’accès aux études à l’Université de Zurich
- un numerus clausus, favorisant les Alémaniques (24 % d’échecs de plus chez les Romands)
- l'existence en Suisse alémanique de cours de préparation à l’examen
- la structure même de l’examen, basé sur une expérience allemande
- le nombre limité de places en Chiropratique
- le coût des études à l’étranger (~200’000.- pour cinq ans), prohibitif selon la classe sociale des étudiants.es potentiels.elles
Une pénurie de chiropraticiens.ennes risque d’engorger encore plus les médecins généralistes et les services d’urgence hospitaliers de Suisse romande.
Les dorsolombalgies, par exemple, représentent 10% des années de vie vécues avec un handicap (YLD, «years lived with disability») en Europe de l’Ouest et sont ainsi la maladie la plus contributive à l’YLD totale. Les nouvelles recommandations de prise en charge des lombalgies communes en cabinet (Revue Médicale Suisse, 28 septembre 2022) soulignent l’importance d’une approche manuelle. La population romande risque d’être privée des soins actuellement recommandés pour cette condition.
Nous avons l'honneur de demander au Conseil d’État
- de réaliser une analyse objective de la situation actuelle et future de la relève en médecine chiropratique dans le canton
- d’étudier, le cas échéant, la possibilité d’instaurer une formation en Chiropratique, qui pourrait profiter à l’ensemble de la Suisse romande, et serait à même de pouvoir continuer à garantir à l’ensemble de la population un accès à ces soins appréciés, efficaces et économiques.
Compte tenu de l’urgence de la situation nous attendons du CE une réponse, et une défense rapide de la Chiropratique romande.
Conclusion
Renvoi à une commission avec au moins 20 signatures
Liste exhaustive des cosignataires
Signataire | Parti |
---|---|
Nathalie Jaccard | VER |
David Vogel | V'L |
Théophile Schenker | VER |
Cendrine Cachemaille | SOC |
Vincent Keller | EP |
Maurice Neyroud | PLR |
Patricia Spack Isenrich | SOC |
Cédric Roten | SOC |
Alberto Mocchi | VER |
Yolanda Müller Chabloz | VER |
Sylvie Pittet Blanchette | SOC |
Laurent Balsiger | SOC |
Carole Dubois | PLR |
Oscar Cherbuin | V'L |
Laurent Miéville | V'L |
Sébastien Humbert | V'L |
Jean-Daniel Carrard | PLR |
Sergei Aschwanden | PLR |
Graziella Schaller | V'L |
Josephine Byrne Garelli | PLR |
Monique Ryf | SOC |
François Cardinaux | PLR |
Sylvie Podio | VER |
Anna Perret | VER |
Géraldine Dubuis | VER |
Kilian Duggan | VER |
John Desmeules | PLR |
Pierre Fonjallaz | VER |
Jean-Franco Paillard | PLR |
Aurélien Demaurex | V'L |
Jacques-André Haury | V'L |
Jean-François Chapuisat | V'L |
Cloé Pointet | V'L |
Sandra Pasquier | SOC |
Felix Stürner | VER |
Muriel Thalmann | SOC |
Fabrice Tanner | UDC |
Valérie Zonca | VER |
Yannick Maury | VER |
Jean-Louis Radice | V'L |
Didier Lohri | VER |
Documents
Transcriptions
Visionner le débat de ce point à l'ordre du jourLa commission s'est réunie le 17 novembre 2023 pour traiter de cet objet. Je remercie M. Ischy, secrétaire de commission, pour la rédaction des notes de séance.
Après un rappel d'éléments de compréhension sur la pratique chiropratique et ses bienfaits, le postulant développe la problématique rencontrée en matière de formation. En effet, la formation de chiropraticienne et chiropraticien se concentre soit en Suisse allemande, soit à l'étranger. Il n'y a pas d'offre en Suisse romande, ce qui freine l'accès à cette formation d’une partie de la population, pour des raisons de coûts et/ou de langue. Pourtant, tant la demande que le besoin professionnel se font sentir. Il semble qu'il manque environ 50 professionnels en Suisse romande et 200 à l'échelle nationale. Partant de ce constat, le postulant demande au Conseil d'Etat de réaliser une analyse de la situation actuelle et future, de la relève en médecine chiropratique dans le canton et, le cas échéant, d'étudier la possibilité d'instaurer une formation en chiropratique qui pourrait profiter à l'ensemble de la Suisse romande.
Le département annonce travailler sur ce dossier, qu'il accueille avec motivation, depuis une année. Il relève l'intérêt de la pratique chiropratique sur le plan médical. Lors de la discussion générale, des informations sont données à la commission sur les différents corps de métier qui traitent de l'appareil locomoteur, ce qui a permis aux commissaires de mieux cerner les rôles et fonctions des uns et des autres. A l'unanimité des membres présents, la commission recommande au Grand Conseil de prendre en considération ce postulat et de le renvoyer au Conseil d'Etat.
La discussion est ouverte.
Par ce postulat, je me fais porte-parole de ChiroSuisse, l'association des chiropraticiens suisses, et de l'association des chiropraticiens du canton de Vaud (ACCV). Je déclare mes intérêts : en tant que médecin généraliste, je suis prescripteur de chiropratique, mais je n'ai pas de lien particulier avec ces deux organisations, en dehors de liens informels avec le superviseur de la sixième année de formation au CHUV pour préparer ce dossier. Même si la chiropratique fait partie des cinq professions médicales figurant dans la Loi fédérale sur les professions médicales, elle est souvent mal connue de la population, particulièrement par ceux et celles qui ne consultent pas de chiropraticiens, et souvent confondue avec l'ostéopathie. Pour rappel, les chiropraticiens s'occupent des troubles de l'appareil locomoteur. Ils ne peuvent pas prescrire de médicaments, mais ils peuvent prescrire des examens radiologiques et des arrêts de travail.
En Suisse, nous avons peu de chiropraticiens par rapport à certains pays européens – seulement 1 sur 30’000 habitants en Suisse, alors qu'il y en a 1 sur 20'000 en Grande-Bretagne et 1 sur 10'000 en Suède. Les troubles de l'appareil locomoteur ont un impact financier estimé à 20 milliards sur notre système de santé, dont 9 sont à la charge de l'assurance obligatoire de soins. Comme les chiropraticiens peuvent être consultés directement, ils contribuent à la prise en charge de médecine de premier recours, au même titre que les médecins généralistes, et peuvent ainsi contribuer à une maîtrise des coûts de la santé par une prise en charge efficace et économique.
La formation en chiropratique est de type HES, bachelor et master ; elle existe à Zurich depuis 2008. Il faut 6 ans de formation pour devenir chiropraticien et 9 ans pour devenir chiropraticien spécialiste – soit pouvoir être formateur d'autres chiropraticiens. La moyenne d’âge actuelle des chiropraticiens, en Suisse, se situe entre 50 et 70 ans. On estime ainsi qu'il y aura besoin de 200 chiropraticiens en Suisse par année, dont 50 en Suisse romande. Chaque année, Zurich offre une formation de 20 places en première année, un nombre insuffisant pour couvrir les besoins actuels. Cette formation passe par un numerus clausus et défavorise les Romands pour les questions linguistiques. En effet, un cours préparatoire qui n’est donné qu'en allemand prépare au numerus clausus, ce qui favorise nos chers collègues suisses-allemands. Ainsi, plusieurs Romands vont suivre leur formation en France ou en Angleterre, mais ces formations à l'étranger ne respectent pas toujours les exigences fédérales, et leur coût est estimé à environ 200’000 francs pour 5 années de formation ; et il n'est malheureusement pas possible d'obtenir une bourse d'études.
Compte tenu de ces constats, la proposition d'une filière romande de formation en chiropratique fait sens. Elle permettrait, premièrement, d'assurer la relève, deuxièmement, de décharger le système de santé, troisièmement, elle répondrait à une demande des étudiants – en effet, on a constaté dans une enquête faite dans les gymnases un intérêt marqué pour la chiropratique – et, quatrièmement, il y a un intérêt pour le CHUV comme pour l’UNIL d'avoir un centre de compétences en chiropratique. Pratiquement, il faudrait mettre à disposition au minimum 15 places d'études, pour un coût estimé à environ 1 million de francs par an. Selon ChiroSuisse, l'encadrement des enseignants et les places de stage seraient assurés. En conclusion, je ne peux que vous encourager à soutenir ce postulat, qui a été soutenu à l'unanimité en commission. Il laisse beaucoup de liberté au Conseil d'Etat pour réaliser une analyse de la situation actuelle et future de la chiropratique dans le canton, et étudier la possibilité d'offrir une formation en chiropratique, qui profiterait à toute la Suisse romande et probablement à la France voisine.
Le Conseil d’Etat a accueilli cette proposition favorablement et elle est sur sa table de travail. La Faculté de biologie et de médecine a une priorité : augmenter le nombre de médecins formés par année. Ensuite, la possibilité de former des chiropraticiens sera étudiée, soit une formation universitaire avec bachelor, master, suivis de trois ans de formation pratique. C'est une grosse formation, très importante, mais qui ne peut pas être assumée par l'université à coût constant. C'est un débat que nous devrons tenir en parallèle avec l’établissement du budget de l'Etat.
Retour à l'ordre du jourLa discussion est close.
Le Grand Conseil prend le postulat en considération à l’unanimité.