23_PAR_21 - Rapport de commission de surveillance chargée de contrôler les comptes de l’Etat de Vaud - Année 2022.

Séance du Grand Conseil du mardi 27 juin 2023, point 17 de l'ordre du jour

Documents

Transcriptions

Mme Séverine Evéquoz (VER) — Président-e

Nous commencerons par une discussion générale sur les comptes de l’année 2022, puis passerons aux discussions sur les comptes de financement de chaque département, sur les comptes d’investissement de l’année 2022 et ensuite nous aurons une discussion finale.

Mme Florence Gross (PLR) — Rapporteur-trice de majorité

En préambule, je souhaite adresser mes remerciements à Mme la cheffe du Département des finances et de l’agriculture, au chef du Service d’analyse et de gestion financière (SAGEFI), M. Rattaz, et à ses collaborateurs pour leur disponibilité et leur compétence, ainsi qu’au secrétaire de la Commission des finances, M. Mascello, qui doit réaliser son travail dans de courts délais et qui y parvient avec grand professionnalisme.

La Commission des finances a tenu 5 séances consacrées à la présentation des Comptes 2022, soit l’examen des comptes de chaque département avec un rapport de chaque sous-commission, l’examen du bilan avec les comptes de résultats opérationnels et extraordinaires, et enfin l’adoption des comptes et du présent rapport. La Commission des finances a également reçu une délégation du Contrôle cantonal des finances (CCF) pour la présentation de leur rapport sur le contrôle des comptes de l’exercice 2022. Nous avons également vu la cheffe de la Direction générale de la fiscalité et pris connaissance du rapport sur les revenus fiscaux. Enfin, nous avons reçu une délégation de la Commission thématique des systèmes d’information, mandatée par la Commission des finances pour analyser le bouclement des comptes de la Direction générale du numérique et des systèmes d’information. Leur excellent rapport figure dans Rapport général. La Commission thématique des systèmes d’information a concentré son examen sur les charges informatiques, ainsi que sur l’état d’avancement des principaux investissements identifiés préalablement lors de l’examen du budget. Comme indiqué dans son précédent rapport, la Commission thématique des systèmes d’information procède à des contrôles des investissements au moyen d’un cockpit établi par la Direction des systèmes d’information (DSI) qui permet un suivi des projets et qui comprend une évaluation des risques. La Commission des finances a renoncé à l’analyse d’un thème d’étude spécifique pour les Comptes 2022.

Les Comptes 2022 du canton de Vaud se soldent par un excédent de revenus nets de 1 million, après comptabilisation d’écritures de bouclement extraordinaires et de préfinancements pour 493 millions, soit un résultat opérationnel de 494 millions. Les présents comptes sont bénéficiaires pour la dix-huitième année consécutive. Les charges brutes de l’Etat de Vaud s’élèvent à 11,3 milliards. Ce résultat comprend 80 millions d’écritures de bouclement, soit des attributions à divers fonds ; 250 millions d’attributions « autres capitaux propres » pour la Banque nationale suisse (BNS), soit l’anticipation du non-versement des dividendes pour l’équivalent de 4 tranches ; et 463 millions de préfinancements dont les détails se trouvent au point 1.1 du rapport de la Commission des finances. Hormis ce montant, ce sont donc 10,8 milliards qui ont été consommés par les divers départements au cours de l’exercice 2022. Ces charges dépassent de 704 millions la prévision budgétaire, ce qui équivaut à un dépassement de 6,6 % qui provient principalement des écritures de bouclement et préfinancements, ainsi que des dépenses COVID, Ukraine et l’Organisation pour l’approvisionnement en électricité en cas de crise (OSTRAL). Ces charges sont toutefois inférieures de 486,4 millions à celles de l’exercice 2021. La croissance des charges de personnel est de 2,2 % pour un montant global de 2,6 milliards, qui s’explique par les annuités, la démographie et les renforts sectoriels. Si les coûts COVID ont baissé en 2022, d’autres – ceux liés à la guerre en Ukraine et au plan OSTRAL – ont impacté la majorité des départements. Les mesures COVID ont impacté le résultat net des comptes à hauteur de 78,44 millions correspondant à des crédits accordés pour 89 millions, alors que l’impact des mesures liées à l’Ukraine et l’OSTRAL est de 35,2 millions pour des crédits à hauteur de 51 millions. Avec 145 demandes adoptées, le nombre de crédits supplémentaires diminue légèrement par rapport aux 161 demandes de 2021. Avec 187 millions de charges nettes, dont 89 millions pour le COVID et 51 millions pour l’Ukraine et OSTRAL, les autres montants non compensés s’élèvent à 47 millions.

Quant aux recettes, le total de celles-ci s’élève à 11,378 milliards, soit 894 millions de plus que prévu au budget. Dans ces recettes, 59,3 % proviennent du produit des impôts cantonaux. L’écart s’explique par l’impôt pour 693 millions, dont 130 millions d’éléments exceptionnels et 336 millions d’éléments conjoncturels. Rappelons que 250 millions des recettes proviennent des bénéfices de la BNS, soit 4 tranches de plus que les 2 qui étaient prévues au budget. Sans celles-ci, le résultat aurait été tout autre. La baisse de revenus de 500 millions par rapport aux comptes 2021 s’explique principalement par la diminution du financement des coûts COVID par la Confédération. Il est important de noter que les trois groupes déterminants d’impôts – personnes physiques, personnes morales et impôts conjoncturels – marquent une légère baisse en 2022 après une progression moyenne de 2 % par année entre 2014 et 2021. Nous observons en effet une diminution de 9,7 millions de l’impôt sur la fortune par rapport aux comptes 2021, et de 9,2 millions pour l’impôt sur le capital. Une diminution de 80 millions concerne les revenus conjoncturels : 31 millions pour l’impôt sur les gains en capital et les gains immobiliers, 18 millions sur les droits de mutation, et 30 millions sur l’impôt sur les successions et les donations.

Au chapitre des investissements, le canton a globalement investi 548 millions dans l’économie vaudoise, en 2022. Les investissements bruts atteignent 404 millions, auxquels s’ajoutent 58 millions de nouveaux prêts et les nouvelles garanties octroyées durant l’exercice, pour 86 millions. Quant à la dette, elle diminue de 275 millions suite au remboursement d’un emprunt échu et s’élève à 700 millions. L’indicateur du degré d’autofinancement se monte donc, pour l’exercice 2022, à 179,8 % alors qu’il se trouvait à 201,7 % en 2021.

Arrêtons-nous quelques instants sur la notion de préfinancement qui a occupé la Commission des finances durant ses débats, notamment sur la question des bases légales. Les préfinancements enregistrés dans les Comptes 2022 se montent à 1,52 milliard. Pour la première fois, leur détail est publié dans la brochure des comptes. Ils sont de nature gouvernementale et la pratique effectuée par le Conseil d’Etat vaudois est validée par le CCF. Notons qu’un changement de pratique dans leur traitement a été mis en place depuis avril 2023, mais sans impacter les préfinancements déjà enregistrés avant cette date. Le Conseil d’Etat a en effet décidé que les préfinancements ne peuvent concerner que des investissements, et cela afin d’éviter qu’ils n’engendrent des charges pérennes. Le préfinancement étant destiné à financer un futur investissement, le Parlement validera par la suite, d’une part, les crédits d’investissement et, d’autre part, les charges de fonctionnement en lien avec les préfinancements, lors de l’étude du budget.

Concernant les charges relatives à la participation et à la cohésion sociales, elles s’élèvent à 1715,2 millions au bouclement des comptes, soit 100,3 millions de moins qu’en 2021. La part émargeant aux communes est de 798,8 millions, soit 46,5 millions de moins que l’an dernier. En sus, 25,7 millions sont portés en réduction du décompte de la participation à la cohésion sociale (PCS) 2022, dont 25 millions pour l’accélération du rééquilibrage décidé en 2021 et 0,7 million pour la variable d’ajustement de l’article 5 de l’Accord canton/communes de 2020, pour atteindre la diminution prévue de 60 millions sur 2022. Les 25 millions susmentionnés de réductions du décompte enregistré aux Comptes 2022 permettent donc de passer d’une diminution de charges prévue de 60 à 85 millions. Compte tenu de ce montant, la charge des communes à la PCS en 2022 est de 773 millions, soit une diminution de 22,3 millions. Dans le cadre des bouclements des comptes, divers préfinancements liés à cet accord ont été décidés, pour un total de 215 millions, soit 60 millions aux comptes 2020, 100 millions aux comptes 2021 et 55 millions aux comptes 2022. A fin 2022, ce total de 215 millions est affecté au financement de l’accélération du rééquilibrage financier des années 2023 à 2027.

A la suite de ses débats, la Commission des finances vous propose cinq observations.

  1. Elle invite le Conseil d’Etat à entreprendre toutes les démarches afin de facturer aux assureurs maladie les prestations thérapeutiques des personnes détenues à Curabilis.
  2. Découlant de ses préoccupations quant au CHUV, la Commission des finances souhaite connaître les solutions proposées par le Conseil d’Etat et la direction du CHUV afin d’éviter une insuffisance de fonds propres et un défaut de liquidités.
  3. Elle invite le Conseil d’Etat à étudier l’opportunité d’une modification légale de la Loi sur l’emploi afin de permettre une adaptation plus rapide des taux de cotisation pour rééquilibrer le Fonds sur l’assurance cantonale de perte de gain maladie.
  4. Concernant le plan de financement d’ECAvenir afin de rappeler l’importance de la validation parlementaire des engagements financiers.
  5. La cinquième et dernière observation est également liée aux mécanismes financiers, visant clairement à différencier les investissements et le fonctionnement.

Pour terminer, je remercie les membres de la Commission des finances pour leur intense collaboration, leur réactivité, la qualité de leur travail et de leurs échanges. La majorité de la Commission des finances prend note du résultat positif des comptes 2022 de l’Etat de Vaud. Elle suivra bien entendu avec la plus grande vigilance la situation financière à venir du canton, au vu de l’instabilité de la situation économique. Comme la majorité de la Commission des finances l’a fait par 11 voix contre 1 et 1 abstention, je vous invite à approuver les Comptes de l’Etat de Vaud pour l’exercice 2022 tels que présentés par le Conseil d’Etat.

M. Hadrien Buclin (EP) — Rapporteur-trice de minorité 1

Représentant la minorité de gauche, j’invite le Grand Conseil à refuser les Comptes 2022. Certes, ce refus a une portée assez symbolique, mais il s’agit tout de même d’exprimer un désaccord avec la politique menée par les autorités en matière de finances publiques. En effet, selon nous, les autorités auraient dû, durant l’année 2022, mobiliser le large excédent budgétaire ainsi que les réserves financières importantes de l’Etat pour accélérer les efforts de réduction des émissions de CO2, pour renforcer le service public, ou encore pour un soutien accru aux ménages modestes frappés par l’inflation, comme nous avons eu l’occasion de le demander à plusieurs reprises en cours de l’année 2022. La marge de manœuvre financière de l’Etat est très importante. Les comptes 2022 bouclent sur un résultat positif avant préfinancements et autres écritures de bouclement de 607 millions bruts. Dès lors, on ne s’étonnera pas non plus que les réserves financières de l’Etat soient elles aussi très conséquentes et augmentent d’année en année. Le capital propre de l’Etat, autrement dit sa fortune nette, au bilan 2022, dépasse 5 milliards de francs ; il s’agit d’une augmentation de 2 milliards depuis 2017.

Ainsi, avec les réserves dont l’Etat dispose aujourd’hui, on pourrait financer pratiquement une demi-année de fonctionnement du budget courant, ce qui montre l’ampleur de ces réserves ! La réalité des chiffres qui figurent au bilan dans la brochure des comptes bat en brèche le discours alarmiste sur les finances cantonales porté par la majorité de droite – ou en tout cas une partie de cette majorité. Le discours alarmiste est avant tout politique, pour ne pas dire idéologique. Il vise en particulier à justifier les sacrifices demandés aux employés de l’Etat qui ont vu leur revenu réel baisser de manière importante en raison du refus du Conseil d’Etat d’une pleine indexation salariale. Pourtant, l’excédent et les réserves financières au bilan montrent que l’Etat aurait pu accorder une pleine indexation sans aucun problème et ainsi maintenir les revenus des employés. Plutôt que d’être thésaurisés de cette manière, ce qui a d’ailleurs impliqué durant plusieurs années le paiement par l’Etat d’intérêts négatifs en raison des taux d’intérêt négatifs, ces excédents seraient bien plus utiles à la population s’ils étaient investis dans le développement des politiques publiques, notamment pour répondre à l’urgence climatique. Il s’agit de développer plus rapidement les énergies renouvelables, mais aussi, comme nous le demandons, de réduire les tarifs des transports publics en augmentant la subvention de l’Etat. C’est une mesure à la fois sociale et écologique que l’Etat pourrait prendre rapidement pour inciter la population à se tourner vers des modes de transport moins polluants.

Selon nous, les excédents devraient aussi être utilisés pour embaucher du personnel dans les secteurs du service public, dont les moyens sont insuffisants. On peut citer l’exemple des crèches et garderies dont le nombre des places, dans le canton, est inférieur à la demande des parents et où les conditions de travail sont aussi souvent insatisfaisantes. Récemment, les médias se sont fait l’écho de la problématique des stagiaires sous-payés et utilisés durant parfois plusieurs années par les directions des institutions comme une main d’œuvre bon marché. On voit qu’il y a de réels abus de ce côté-là et l’Etat pourrait s’engager pour une revalorisation des conditions de travail. La pandémie de COVID a aussi mis en lumière la nécessité de renforcer les moyens dans le domaine de la santé, de revaloriser les salaires de certaines professions, ainsi que les conditions de formation pour lutter contre la pénurie de professionnels qualifiés.

Le dernier point sur lequel je veux m’arrêter est la sous-estimation systématique et massive des recettes fiscales lors des débats budgétaires, qui selon nous pose de réels problèmes démocratiques. Cette sous-estimation apparaît chaque année dans toute son ampleur lors du bouclement des comptes. Ainsi, lors du budget 2022, les revenus de la Direction générale de la fiscalité étaient budgétés à 6,4 milliards et les comptes enregistrent finalement des revenus fiscaux de 7,16 milliards ; on voit donc que la sous-estimation se chiffre en centaines de millions. Cela pose des problèmes démocratiques, puisque cela revient, en pratique, à anesthésier le débat au moment du budget et à priver le Grand Conseil de marge de manœuvre. Dans ce sens, nous partageons totalement les conclusions de la minorité 2 portées par notre collègue Didier Lohri quant au déficit démocratique généré par le recours massif du Conseil d’Etat à la méthode des préfinancements qui se combine à la sous-estimation des revenus fiscaux. Pour toutes les raisons évoquées et pour protester contre ces différents éléments, je vous invite à refuser les Comptes 2022 de l’Etat de Vaud.

M. Didier Lohri (VER) — Rapporteur-trice de minorité 2

Le deuxième rapport de minorité est uniquement de ma composition. La minorité 2 ne jette aucune suspicion au sujet de la tenue des écritures lors du bouclement des comptes 2022, mais elle constate simplement un déficit démocratique lors des opérations de préfinancement. Celles-ci se montent, au 31 décembre 2022, à 1 milliard et 351 millions, soit une augmentation de 11,61 % par rapport à 2021. Cette somme atteint 1 milliard et 807 millions avec les capitaux propres de la BNS !

Le Conseil d’Etat insiste sur le fait que les mesures prises correspondent à la Loi sur les finances. En reprenant les ordonnances et annexes du modèle comptable harmonisé de deuxième génération (MCH2) – soit le plan comptable vendu depuis plusieurs années comme étant le seul moyen de faire une comparaison entre les autorités cantonales et communales – le Conseil d’Etat prive le législateur du droit démocratique d’orienter les attributions des préfinancements au moment du bouclement des comptes. Je ne vais pas relire le contenu des arguments énumérés dans le rapport vous incitant à vous abstenir lors du vote des Comptes 2022. Permettez-moi pourtant de rappeler deux points essentiels :

  1. la proportion des préfinancements par rapport aux écritures de financements spéciaux et fonds propres ;
  2. le déficit démocratique.

Le premier point relève que les financements spéciaux représentent un montant de 646 millions, soit 36 % du total des préfinancements. Cette proportion est surprenante, et peut-être dangereuse par une complexification du suivi des opérations. Sans insister sur les règles MCH2, force est d’admettre que le Conseil d’Etat thésaurise de manière étonnante. Comment peut-on expliquer que les fonds ne sont pas utilisés dans leurs affectations spécifiques – COVID par exemple – lorsqu’il s’agit de compenser des crédits supplémentaires ? Justement, l’Etat doit pouvoir placer les 64 % des fonds affectés pour affronter l’avenir dans les domaines que mon collègue du rapport de minorité 1 a mentionnés tout à l’heure :

  • un Fonds climat affecté au climat ;
  • une accélération de la transformation des lieux d’accueil de la population vieillissante adaptés à leur mode de vie actuel et en phase avec les générations de l’après-guerre ;
  • le soutien à la réduction des prix d’abonnement à la presse pour les rentiers AVS, par exemple ;
  • d’autres éléments provoquant des frictions politiques, comme l’accueil de jour des enfants et l’énergie.

Quant au deuxième constat, le gouvernement déclare qu’il est de ses compétences de gérer les préfinancements. Certes, mais cela ne doit pas entraîner une diminution de démocratie vis-à-vis du législateur. Le Conseil d’Etat déclare que le Grand Conseil décide en dernier recours de l’affectation des exposés des motifs et projets de décret à venir, avec le préfinancement. Eh bien non, chères et chers collègues : nous ne possédons pas tous les moyens de donner notre avis et notre orientation à ces préfinancements. Pour mémoire, regardez l’affectation d’un préfinancement « bâtiment » et le nombre de fois qu’il est utilisé dans les exposés des motifs et projets de décret pour justifier le plan financier de la dépense. Souvenez-vous, en qualité de conseillers communaux ou généraux de votre commune : ce même gouvernement accorde aux élus le droit de modifier les affectations imaginées par leurs municipalités au moment de la votation des comptes annuels. Il est tout de même surprenant qu’un organe délibérant possède cette compétence, alors que le législateur cantonal ne peut pas influencer le choix de l’autorité exécutive !

Je profite de rappeler un article concernant les parlementaires vaudois, à Berne, publié dans 24 heures en mai dernier. Cet article, intitulé « A Berne, les rideaux s’ouvrent plus facilement qu’à Lausanne », comparait la transparence vis-à-vis du public et des élus, en s’interrogeant sur le fait que la vie politique vaudoise a bien la réputation d’être moins exemplaire que son homologue fédérale. En conclusion de l’article, il était expliqué que si, sur le plan institutionnel, le Grand Conseil est le premier pouvoir, en réalité, dans le canton de Vaud, c’est plutôt le Conseil d’Etat. C’est l’inverse à Berne où le Parlement fédéral est plus fort que le Conseil fédéral. « Cette légitimation de l’exécutif cantonal donne parfois l’impression qu’il veut gouverner tout seul » poursuit la personne interrogée. « Je le remarque dans les différences de pratiques de mise en consultation de projets. En terre vaudoise, la pratique n’est pas formalisée, elle repose sur des règles non écrites, c’est-à-dire sur le bon vouloir de chaque département. A Berne, c’est fait de façon systématique et selon des règles très précises. Le Conseil d’Etat vaudois s’évite ainsi tout débat en amont des décisions. On se prive, par la même occasion, d’enrichir le débat démocratique. » Ces propos tenus par un élu d’une obédience quelconque sont très importants, car ils sont la démonstration formelle qu’il y a une diminution de la démocratie et une suppression de compétences pour le Grand Conseil.

En conclusion, sachant que l’acceptation ou le refus des comptes n’est qu’un acte symbolique, la minorité 2 propose de demander un changement de paradigme – au sens scientifique – de décision et de volonté, à l’avenir, de la part du Conseil d’Etat, afin d’être attentif au respect de l’organe législatif et de ses réelles compétences en matière de gestion des préfinancements. La minorité 2 préconise au Grand Conseil de s’abstenir lors de l’adoption des Comptes 2022 de l’Etat de Vaud.

Mme Séverine Evéquoz (VER) — Président-e

La discussion générale est ouverte.

M. Nicolas Suter (PLR) —

Permettez-moi de commencer par remercier le Conseil d’Etat ainsi que son administration pour la présentation de ses comptes. Je remercie également la Commission des finances pour son rapport détaillé, ainsi que la Commission thématique des systèmes d’information.

Les Comptes 2022 de l’Etat de Vaud présentent un résultat positif pour la dix-huitième année de suite. On peut interpréter cela de diverses manières et ce sera certainement le cas de l’une ou l’autre des prochaines interventions. Ces comptes positifs dans un contexte économique incertain démontrent la résilience de notre canton. Mais la résilience n’est pas garantie et 18 ans dans les chiffres positifs ne sont pas un acquis. C’est gagné chaque année par les Vaudoises et les Vaudois qui créent de la valeur, paient des impôts et font vivre ce canton, par des entreprises qui innovent, créent des emplois et de la valeur, paient des impôts et participent au développement de notre canton, par une administration qui gère avec diligence les ressources mises à sa disposition pour accomplir ses importantes missions. La résilience est importante, car elle nous permet de traverser des événements tels qu’une pandémie, ou une crise énergétique, sans devoir faire le choix soit de sabrer parmi les prestations cantonales, soit de poursuivre comme si de rien n’était aux dépens des générations qui vont suivre.

Si les Comptes 2022 sont positifs même après une série d’écritures de bouclement, ils montrent néanmoins certains signes préoccupants. Je ne vais pas refaire ici l’analyse des comptes, puisque la Commission des finances l’a fait de manière détaillée dans son rapport. Je rappelle néanmoins que la stagnation des produits de l’impôt est une donnée à prendre au sérieux, car c’est un indice de stagnation, voire de recul de l’activité, malgré la croissance de la population vaudoise. Alors que le contexte reste pour le moins incertain pour les prochaines années – inflation, crise énergétique, guerre aux portes de l’Europe, défis migratoires – il est important de maintenir un Etat en bonne santé et un tissu économique dynamique, innovant et compétitif. C’est ainsi que nous pourrons entreprendre les investissements tellement nécessaires dans nos infrastructures de soins, d’enseignement, de transport, et dans notre capacité de produire de l’énergie renouvelable locale, pour n’en citer que quelques-uns. Vous l’aurez compris : le groupe PLR est satisfait des comptes 2022 qui nous sont présentés, mais il ne saurait prendre les 18 années de comptes positifs pour un oreiller de paresse. Le groupe PLR, à l’unanimité, vous propose de suivre les recommandations de la majorité de la Commission des finances et d’approuver les Comptes 2022 de l’Etat de Vaud tels que présentés par le Conseil d’Etat.

Mme Amélie Cherbuin (SOC) —

Cela a été dit : le canton boucle avec un excédent de recettes de 1 million et présente des comptes positifs, pour 2022, pour la dix-huitième année consécutive. Les charges brutes globales 2022 s’élèvent à 11’377,3 millions dans lesquels sont inclus 493 millions de préfinancements et écritures de bouclement. Les recettes brutes s’élèvent à 11’378,4 millions, dont 59,3 % proviennent des divers impôts cantonaux. Ces recettes sont supérieures de 8,5 % à celles budgétées pour l’année 2022. D’aucuns diront que le canton de Vaud est en très bonne santé et qu’il n’y a pas besoin d’engranger autant d’argent. Pour le parti socialiste, si les comptes sont bons, la répartition des dépenses doit être revue pour pouvoir parler d’un canton en bonne santé. Selon la définition de l’OMS, la santé est un état de complet bien-être physique, mental et social, qui ne consiste pas seulement en l’absence de maladie ou d’infirmité. Nous pouvons nous permettre l’analogie suivante : avoir un canton en bonne santé, ce n’est pas seulement boucler l’année sur des comptes positifs, mais c’est aussi faire en sorte que ses habitants puissent avoir accès au bien-être physique, mental et social.

Concernant le bien-être de notre santé physique, le canton a bouclé des comptes en absorbant les charges nettes liées au COVID pour un montant de 78,4 millions. Il semble qu’on arrive au bout de cette pandémie et notre économie solide a été particulièrement résiliente à cette crise. Néanmoins, les hôpitaux souffrent encore des conséquences de la pandémie et de leurs modèles de financement. L’Hôpital Riviera-Chablais (HRC) fait l’objet d’un suivi régulier de retour à l’équilibre pour 2026, par la Commission des finances. Nous avons pu constater que les mesures mises en place ont permis de réduire de 1,4 million le déficit prévu pour 2022, ce qui le ramène à 11,9 millions. Beaucoup d’efforts et de sacrifices ont été consentis tant par le personnel que par la direction. L’antenne de Monthey a été inaugurée avec un dépassement de 5,5 millions et les travaux de l’antenne de Vevey ont été interrompus suite à des problèmes de planification. La situation financière du CHUV affiche un résultat déficitaire de 24,84 millions. Les cliniques privées ont dû faire l’objet d’un crédit supplémentaire de 10,5 millions pour régulariser les contrats de prestation. Notre bien-être physique semble donc ne pas être au beau fixe.

Concernant le bien-être mental – qui consiste à se sentir confiant en l’avenir et pouvoir assurer la sécurité des plus faibles – le canton a réaffecté le solde du financement COVID à l’accueil des Ukrainiens et au plan OSTRAL. Pour 2022, 35 millions ont déjà été affectés à ces deux crises. Pour l’Ukraine, il s’est notamment agi de renforcer les subventions à l’Etablissement vaudois d’accueil des migrants (EVAM) pour l’augmentation du personnel qui accueille les personnes arrivantes avec un permis S et pour aider à leur réinsertion, et également des dépenses pour participer aux frais de scolarisation de leurs enfants, y compris la prise en charge de deux orphelinats accueillis avec le personnel encadrant. Pour OSTRAL également, pour lutter contre la pénurie de gaz et d’électricité pour l’hiver 2022/2023 et assurer notre sécurité énergétique, les dépenses ont visé à équiper notamment les sites vitaux de l’administration cantonale vaudoise, la Police cantonale et la Direction générale du numérique et des systèmes d’information, par exemple par l’achat de batteries ou de groupes électrogènes indépendants.

Pour assurer l’avenir et se rassurer, on dote des fonds de réserve : 20 millions pour la jeunesse, 10 millions pour l’industrie, 50 millions pour l’innovation. Et tel un écureuil qui cache ses noix pour l’hiver, on crée des préfinancements : 55 millions pour l’Accord canton/communes, 20 millions pour les sites stratégiques de développement d’activités, 50 millions pour les développements informatiques du CHUV, 250 millions pour compenser les recettes de la BNS dont on sait déjà qu’elles ne seront pas perçues, 38 millions d’investissements pour la mise en conformité des arrêts de bus. Les préfinancements enregistrés dans les comptes 2022 se montent à 1,351 milliard et, pour la première fois, leur détail est publié dans la brochure des comptes. On investit pour maintenir une économie forte. Les investissements de l’Etat dans l’économie du canton se sont élevés pour 2022 à 548 millions, dont 144 millions sous forme de prêts et de garanties. Il y a enfin la réduction de la dette du canton qui passe de 975 millions à 700 millions. Nous pouvons donc affirmer que tout est fait pour rassurer notre mental.

Enfin, regardons les comptes sous l’angle du bien-être social. Le Conseil de l’Europe définit la cohésion sociale comme la capacité d’une société à assurer le bien-être de tous ses membres en réduisant les disparités et en évitant la marginalisation, à gérer les différences et les divisions et à se donner les moyens d’assurer la protection sociale de l’ensemble de ses membres. Or, mis à part des politiques réactives aux crises et qui ont principalement visé à maintenir le tissu économique, il n’y a pas, dans ces comptes, de dépenses liées à de nouvelles politiques publiques ni de fonds affectés pour une aide directe aux plus faibles, ni même ne serait-ce qu’un petit préfinancement en lien avec des prestations sociales. Les politiques existantes ont soit augmenté, mais juste à hauteur de l’augmentation de la population, soit sont restées stables, ce malgré l’augmentation des besoins. Et que dire sur la valorisation des salaires par une indexation, pourtant méritée, du personnel en charge de ces politiques ? Nous ne sommes pas à la hauteur. Alors, nous ne pouvons pas dire que les comptes du canton sont en bonne santé, parce qu’il y a un déséquilibre entre les moyens accordés pour protéger le monde économique, ce qui nous permet de nous sentir sereins, alors que notre santé physique est en danger, avec des dépenses non couvertes dans le monde médical générant un risque de développement d’une médecine à deux vitesses, sans parler du bien-être social actuellement mis à mal par l’inflation, ce qui nécessiterait d’y consacrer des moyens supplémentaires en vue de réduire les disparités entre personnes. Rien n’est prévu pour maintenir le pouvoir d’achat des ménages des classes moyennes.

Le groupe socialiste acceptera globalement les comptes 2022 et vous demande d’en faire de même. Il faudra néanmoins revoir la priorité des affectations financières dans les années à venir, afin de rétablir cet équilibre vital garant du bien-être de tous. Les moyens sont là, et pour autant que l’on résiste aux appels oppressants de renoncer à des recettes vitales pour le canton juste pour faire plaisir à quelques privilégiés, nous pourrions répondre de manière plus efficace et efficiente aux besoins des Vaudoises et des Vaudois.

Mme Rebecca Joly (VER) —

Beaucoup de ce que je comptais dire a déjà été dit et finalement, l’appréciation sur ces comptes sera probablement partagée par bon nombre de personnes dans cet hémicycle. Evidemment, les comptes sont plutôt bons. C’est la même rengaine chaque année : nous avons un budget plutôt pessimiste, mais finalement les comptes sont meilleurs. Selon nous, cela démontre deux choses. Il y a tout d’abord une sous-estimation chronique des rentrées, qui implique ensuite un sous-investissement et surtout une attribution insuffisante pour accomplir les missions de l’Etat. Actuellement, beaucoup de services, sous-dotés, n’arrivent pas à faire face à la masse de travail effective afin de rendre les services nécessaires pour les Vaudoises et les Vaudois, que ce soit au niveau social, sanitaire ou en matière d’environnement. Le sous-investissement et la sous-dotation chronique de l’Etat sont un vrai problème ; c’est quelque chose que nous dénonçons chaque année, et même deux fois par année, lors du budget et lors des comptes. Je ne m’étendrai pas plus et je crois que les positions sont claires.

On peut également remarquer chaque année, comme une rengaine, qu’en conséquence de la sous-estimation des rentrées et de la sous-dotation budgétaire, nous avons un bénéfice, que le Conseil d’Etat répartit ensuite via le mécanisme des préfinancements. Cela démontre que cet argent n’est pas superflu, mais nécessaire ; nous en avons besoin. Mais au lieu de prévoir les dépenses d’une manière parfaitement démocratique, via le budget adopté par notre plénum, elles sont décidées par la suite, par le Conseil d’Etat ; cela a déjà été dit et je n’y reviendrai pas. J’insiste : les comptes montrent qu’il n’y a pas de « gras » et que, concrètement, l’argent que l’Etat prélève est nécessaire pour ses investissements et pour son bon fonctionnement. Il n’est donc pas du tout temps de diminuer les entrées et de faire diminuer les ressources de l’Etat, vraiment pas. Au contraire, les défis auxquels nous devons faire face – qu’ils soient liés au vieillissement de la population ou au dérèglement climatique – nécessiteront tout d’abord de rattraper le sous-investissement des dernières années, puis d’investir massivement. Et pour cela, une baisse des rentrées n’est absolument pas adéquate.

Par ailleurs, nous pouvons quand même remarquer, avec ces comptes, que l’Etat se fait un petit « trésor de guerre », alors que ce n’est absolument pas sa mission première. Il est temps d’utiliser cet argent pour faire face aux défis qui attendent ce canton en investissant massivement dans les politiques publiques afférentes, qui sont évidemment, tout d’abord – cela ne vous étonnera pas – la lutte contre le réchauffement climatique, mais aussi l’investissement dans la politique sanitaire, dans la politique sociale et dans les structures de transports publics. Enfin, les défis ne manquent pas et, aujourd’hui, les moyens sont là. Ne jouons pas avec le feu et n’essayons pas de nous sous-doter, pour l’avenir, car cela pourrait mettre en péril le bien-vivre ensemble dans ce canton dont nous profitons actuellement.

M. Yvan Pahud (UDC) —

Tout d’abord, je déclare mes intérêts : je suis membre de la Commission des finances. Je remercie Mme la cheffe de département, les membres de la Commission des finances, les chefs de service et principalement M. Rattaz, et enfin M. Mascello, notre secrétaire de commission.

Le groupe UDC prend acte des comptes 2022 et salue leur résultat positif. En effet, contrairement au budget qui annonçait un résultat négatif, nous avons un résultat extrêmement positif, de plus d’un milliard, qui témoigne de la bonne santé financière de notre canton. Ce résultat est bien supérieur aux prévisions initiales qui annonçaient un déficit de 188 millions ! Il y a donc un réel écart entre la prévision du budget et le résultat brut des comptes. La raison principale de ce fort bénéfice – et c’est une chance – est une économie vaudoise forte et résiliente ; une économie et des citoyens qui contribuent, par leurs impôts, aux résultats positifs de notre canton. Cette situation économique favorable nous permet de poursuivre nos investissements dans des projets importants pour l’avenir de notre canton, tels que les infrastructures de transport, les écoles et la formation, la santé publique et le soutien à l’économie comme la Loi sur l’appui au développement économique (LADE). Nous pouvons donc continuer à offrir à nos citoyens des services de qualité sur l’ensemble de notre territoire.

Dans l’ensemble, les résultats des Comptes de l’Etat de Vaud pour l’année 2022 témoignent donc d’une situation économique positive et encourageante pour notre canton. Mais l’UDC s’inquiète fortement pour l’avenir. En effet, voici quelques points qui méritent toute notre attention :

  • La santé financière de notre système de santé – et particulièrement le CHUV – est extrêmement préoccupante, avec de lourdes pertes, et nécessite une action urgente. Ce fait est soulevé par la Commission des finances dans son observation, mais également par l’interpellation déposée ce jour par mon collègue Moscheni. Le Conseil d’Etat est prié de renseigner le Grand Conseil sur la stratégie qu’il entend mener. L’augmentation de la contribution à la subvention des caisses maladie soulève un problème de fond sur les coûts de la santé dans notre canton et qui les finance.
  • La Caisse de pensions nécessite une action à très court terme afin de garantir sa solvabilité à long terme. Cela fait plusieurs mois que notre groupe politique tire la sonnette d’alarme.
  • Il y a encore, bien entendu, la maîtrise des charges en constante augmentation.

Mais ce qui surprend le plus notre groupe est le résultat record de plus d’un milliard de bénéfice brut avant écritures de bouclement et divers préfinancements. Il montre que notre canton engrange de l’argent et continue sa politique de l’écureuil qui cache ses noisettes. Chacun a sa lecture, mais au million de bénéfice net après écritures de bouclement, on peut ajouter les 493 millions d’écritures de bouclement et de préfinancements, les 250 millions de réduction de la dette, les 300 millions non utilisés du fonds COVID désormais affectés pour 200 millions au climat et pour 100 millions au fonds Ukraine, qui font au total 1 milliard et 69 millions. Visiblement, le canton a tellement d’argent qu’il ne sait plus qu’en faire, avec une fortune de 5 milliards ! Et pourquoi le canton a-t-il trop d’argent ? C’est qu’il a beaucoup trop ponctionné le contribuable vaudois, une véritable vache à lait.

Pour l’UDC, afin que notre Etat reste en bonne santé, il est temps de le mettre au régime et au sport. Première mesure : le mettre au régime en lui faisant perdre ses gros bourrelets de graisse amassée année après année sur le dos du contribuable vaudois. En cette période de crise et d’inflation, le contribuable vaudois doit être soulagé au plus vite. Notre canton en a largement les moyens et nous attendons avec impatience la mise en place de la baisse d’impôt promise dans le Programme de législature. Vu les résultats, cette baisse aurait déjà dû être mise en place depuis plusieurs années, et nous le regrettons, car baisser les impôts, c’est redonner du pouvoir d’achat. Deuxième mesure : mettre l’Etat au sport, en freinant les charges, pour un Etat fort par son efficacité et non par sa taille et son poids. La croissance des charges est préoccupante et doit être maîtrisée au plus vite.

En conclusion, pour que l’Etat puisse offrir le plus longtemps possible des prestations de qualité à l’ensemble de la population, et cela indépendamment des recettes qui pourraient peut-être fléchir, nous devons lui imposer un petit régime et du sport ; cela nous tient à cœur. L’UDC prend donc acte de ces comptes, vous invite à soutenir le rapport de majorité et remercie le Conseil d’Etat et ses services pour la rigueur du travail exécuté.

M. Jerome De Benedictis (V'L) —

Le communiqué de presse du Conseil d’Etat titrait « Des comptes 2022 positifs, à l’aube d’une nouvelle réalité budgétaire ». Le groupe vert’libéral salue une nouvelle fois la bonne gestion des finances de l’Etat de Vaud et attend impatiemment de connaître la météo qui suivra cette aube. En effet, alors que les recettes fiscales ont une nouvelle fois montré un résultat bien meilleur qu’estimé au budget, certains impôts voient leurs recettes stagner malgré l’augmentation de notre population. Cette situation devra faire l’objet d’un suivi minutieux.

Notre groupe ne voit pas d’un bon œil la poursuite des aménagements comptables que représentent les préfinancements, tant ils ont tendance à tordre le principe de la sincérité comptable et à cacher le coût réel des dépenses d’investissement futures, voire même de charges courantes pour lesquelles le canton s’est d’ores et déjà engagé.

C’est bel et bien l’aube d’une nouvelle réalité tourmentée qui attend notre canton. Face aux enjeux climatiques, alors que les nouvelles font état chaque jour d’un événement plus inquiétant que le précédent, face aux enjeux financiers dans un contexte inflationniste incertain alors que la nécessité de baisser la charge fiscale pesant sur la classe moyenne est indéniable, et face aux enjeux sociétaux, démographiques, migratoires, numériques, sécuritaires et j’en passe, notre canton se doit d’avoir une vision claire de ses finances pour garantir sa stabilité à long terme, d’un point de vue tant financier que sociétal.

Le groupe vert’libéral adoptera donc ces comptes 2022, tout en souhaitant que les résultats positifs futurs servent à alléger la charge fiscale pesant sur les contribuables vaudoises et vaudois ainsi qu’à financer les investissements fort nécessaires à une politique climatique et énergétique bien plus ambitieuse.

Mme Elodie Lopez (EP) —

Le groupe Ensemble à Gauche et POP suivra le rapporteur de minorité 1. L'Etat est assis sur une montagne de sous, et la perspective actuelle est de faire diminuer les revenus par des baisses d'impôts qui ne bénéficieront qu'aux plus aisés. Avec cette politique, notre groupe estime qu'on se trompe de priorité. Des investissements massifs en faveur de la transition écologique, c'est ce que notre groupe attend, c'est aussi ce que les citoyennes et citoyens préoccupés par la situation actuelle attendent de l'Etat. Plutôt que de thésauriser, cet argent serait bien plus utile à la collectivité s'il était investi dans la préservation de la biodiversité ou encore dans l'assainissement énergétique des bâtiments. Par ailleurs, avec une telle marge de manœuvre financière, la pleine indexation du secteur public et parapublic aurait été possible, celle-là même qui a mobilisé des milliers de personnes dans la rue cette année. De même, des investissements pour revaloriser les conditions de travail et le salaire des personnes travaillant dans le domaine des soins aux personnes sont possibles dans un tel contexte. Par exemple, ce sont les éducateurs socio-éducatifs qui en ont largement besoin. On aurait également pu investir cet argent dans les secteurs de la culture, en particulier celui des musiques actuelles, l'un des secteurs les plus précaires de Suisse, secteur qui est essentiel pour notre vivre-ensemble. Année après année, la sous-estimation des recettes fiscales lors du budget continue de nous poser un vrai problème. Le budget est un outil politique important, il vise à planifier les activités de l'Etat, à financer les projets, il est une boussole. En empêchant toute marge de manœuvre lors des débats, on ne confisque que des marges de manœuvre politiques et, à chaque fois, la pilule a du mal à passer. Si le Canton est assis sur cette montagne de sous, aujourd'hui, ce n'est pas qu'il a trop, c'est qu'il n'investit pas assez là où il devrait. En signe de protestation vis-à-vis de la politique budgétaire et financière du Conseil d'Etat, qui restreint l'action climatique et sociale possible, notre groupe refusera les comptes 2022 et vous invite à en faire de même.

M. Hadrien Buclin (EP) — Rapporteur-trice de minorité 1

Je voulais brièvement répondre à M. Suter, qui représente le PLR, qui a pointé dans son intervention la stagnation des recettes fiscales en tirant la conclusion qu'il s'agirait d'un signal inquiétant concernant la conjoncture économique. Je trouve cette conclusion très hâtive, car si on observe mieux cette stagnation des recettes fiscales, on se rend compte qu'elle est en réalité largement due aux baisses d'impôts qui ont été décidées par la majorité lors des derniers budgets. Je rappelle – et cela figure aux pages 109 et 110 du rapport de majorité pour celles et ceux qui souhaiteraient davantage de détails –qu'il y a eu, lors des derniers budgets, plusieurs baisses du coefficient d'impôt, plusieurs augmentations des déductions fiscales, soit deux éléments qui impactent à la baisse l'impôt sur le revenu. Il y a aussi eu, en 2022, une baisse de l'impôt sur la fortune en faveur des entrepreneurs. Et à cela, il faut encore ajouter – la liste n'est pas exhaustive – une baisse d'impôts sur les retraits en capitaux liés à la prévoyance professionnelle. Dès lors, si on cumule toutes ces baisses fiscales, il y a une large partie de l'explication de la stagnation des recettes. Il est donc un peu hâtif – pour ne pas dire très hâtif – d'attribuer cette stagnation à une dégradation de la conjoncture économique. En réalité, le fait que les recettes stagnent, malgré ces baisses d'impôts à répétition, est plutôt un signe d'une bonne conjoncture économique. Et il est important de rappeler que ces baisses d'impôts à répétition profitent, en général, aux contribuables les plus aisés, à l'heure où l’on entend M. Pahud en réclamer davantage. En réalité, on sort de plusieurs années d'allègements fiscaux. Je partage totalement les propos de ma collègue Elodie Lopez : la priorité, maintenant, ce sont des investissements dans la transition écologique, un renforcement du service public, plutôt que de nouveaux allègements fiscaux qui profitent finalement toujours à la même minorité de la population constituée de contribuables plutôt fortunés.

M. Pierre Zwahlen (VER) —

A nouveau, l'Etat se met de côté plus de 525 millions de francs. La fortune du Canton, ses capitaux propres, augmente en un an de 4,65 milliards à 5,174 milliards, au bilan consolidé le 31 décembre dernier. C'est encore une fois la démonstration que les recettes sont sous-estimées au budget à raison de plus d'un demi-milliard de francs ; c'est d'ailleurs un milliard de francs de recettes qui sont sous-estimées pour cette année 2023. C'est là une leçon pour l'examen des budgets futurs. Cet automne, nous aimerions que la Commission des finances observe au premier chef les revenus totaux 2022, en regard de ceux bientôt prévus par le budget suivant, à savoir le budget 2024. A peine voilé par les préfinancements, l'excédent des comptes fâche, parce qu'il montre une arrogance, un mépris face aux difficultés vécues par les gens du canton, face à la diversité naturelle qui s'étiole face au climat bouleversé. Le Conseil d'Etat thésaurise, accumule, couvre ces milliards plutôt que de répondre aux besoins. Mais les vautours tournent plus nombreux autour des excédents répétés année après année. Une initiative des faîtières économiques veut soustraire 450 millions par an à l'Etat pour favoriser les plus riches et les grandes fortunes. Pierre Dessemontet et d'autres collègues en ont fait la démonstration mardi dernier. Voulons-nous accroître ainsi les inégalités en laissant grossir les capitaux dormants de l'Etat ? Le gouvernement pousse de fait ce plan inégalitaire. Nous risquons d'en porter la responsabilité. Il est temps que le prochain budget soit préparé dans un esprit radicalement différent, de manière à répondre aux enjeux sociétaux qui se font très pressants.

M. Philippe Miauton (PLR) —

Face à la solennité de mon préopinant grandiloquent, il est difficile de le contredire. Néanmoins, je constate que les charges de l'Etat augmentent d'année en année, que les ETP au sein de ces départements augmentent d'année en année, que les politiques publiques augmentent d'année en année, que les investissements augmentent d’année en année, et ce, sans compter les demandes multiples que nous faisons, proposons et votons chaque année dans ce Grand Conseil qui viennent augmenter les dépenses de l'Etat. Nous sommes dans un Canton où la politique sociale est, à mon avis, l'une des plus grandes de Suisse et elle ne cesse également d'augmenter. On entend de multiples choses concernant ces préfinancements. Alors on peut évidemment se dire qu’il y avait de l’argent en trop et que cela n'avait pas été estimé, mais cet argent n'est pas thésaurisé. Il est prévu dans toute une liste d'éléments qui sont déclinés dans le cahier reçu. Ce n'est pas de l'argent qui est thésaurisé. Il est prévu pour des préfinancements, c'est-à-dire en prévision de dépenses qui vont arriver l'année prochaine – et la liste est là. Quand on vient me dire que cela ne touche que les personnes aisées, j’en perds un peu mon latin. En effet, en regardant cette liste, je ne pense pas que le renouvellement informatique du CHUV soit quelque chose qui va aider les personnes aisées dans ce canton ; la conformité des arrêts de bus non plus, soyons honnêtes. Ce n'est donc pas de la thésaurisation ; ce sont des préfinancements. On peut aimer cela ou non, on peut trouver que cela pourrait être décidé différemment, mais ce n'est pas une thésaurisation.

Ce que je constate, et je déclare mes intérêts comme directeur de la Chambre vaudoise du commerce et de l'industrie, c'est que les défis qui sont en train d'arriver au sein des entreprises sont énormes. Un grand nombre ont été cités : la durabilité, la cybersécurité, la recherche de main-d'œuvre, qui aujourd'hui devient vraiment compliquée, avec aussi une quantité importante d'investissements à faire. Cette stagnation des rentrées peut être expliquée en partie par ce que le collègue Buclin a signalé et spécifié dans le rapport, mais c'est une baisse momentanée. On sait pertinemment que, quand on propose une baisse, il y a une première année où cette baisse entre en compte, mais vu qu'elle touche un certain nombre d'entrepreneurs, on sait aussi que toutes les baisses fiscales prévues pour les entreprises ont conduit après coup, par une espèce de miracle incroyable, à des augmentations de rentrées. L’argent que les entrepreneurs n'ont pas besoin de payer dans des impôts, ils le réinvestissent dans l'entreprise, soit par des emplois, soit par de la recherche, soit par de l'innovation. Finalement, cela retombe également dans les caisses de l'Etat.

Et dans ces baisses – M. Buclin ne l'a pas signalé – il y a aussi eu des baisses concernant les frais de garde qui touchent quand même une partie de la population et pas seulement les personnes aisées. Pour les revenus modestes, il y a aussi eu des éléments à la baisse prévus dans le budget de cette année. Ensuite, il y a quelque chose de paradoxal : une stagnation des rentrées fiscales, mais si nous proposions des baisses fiscales, que ce soit pour les entreprises – je l’ai dit plus tôt, cela conduit à des augmentations – ou pour les contribuables, c'est-à-dire sur le revenu ou sur la fortune, cela toucherait l'ensemble de la population et cela ne vous plaît pas. Mais la catégorie des personnes que vous n’appréciez guère, c'est-à-dire les personnes aisées – et je me garderai de donner les autres termes peu enviables que vous citez dans cet hémicycle – il faut les garder. Il faut les garder dans le canton parce que, malheureusement, même si vous ne les aimez pas, ce sont ceux qui peuvent le plus facilement partir. Et quand ils partent, ce n’est peut-être qu’un petit groupe de personnes, mais ce sont ceux qui contribuent le plus aux rentrées du canton.

Et puis, il y a la catégorie de la classe moyenne, dont je me garderai bien de donner une définition, vu qu’elle est impossible à faire. Néanmoins, ce sont ceux qui paient le plus d'impôts et qui ont le moins de soutien de l'Etat. Au lieu d'inventer des politiques publiques dont on ne sait pas forcément qui elles touchent, si elles sont vraiment pertinentes, si elles aident vraiment, le plus simple moyen d'arriver à leur apporter une aide, en évitant de faire des politiques publiques, c'est de baisser les impôts. Et là, il y a quelque chose qui pourrait rentrer de manière sonnante et trébuchante et qui permettrait précisément d'améliorer le pouvoir d'achat des personnes.

J'entends certaines critiques émises dans les deux rapports de minorité, mais il n'y a pas de thésaurisation. Le Canton fait son travail et je ne suis pas certain qu'au vu des préoccupations du monde de l'économie, soit de ceux qui créent des emplois – parce que c'est quand même cela l'important dans le canton pour la majorité de la population – cela soit une thésaurisation. Ce n'est pas du tout le cas. Je pense que ces comptes sont dans la droite ligne de ceux qui ont été présentés les années précédentes, mais on va peut-être avoir des surprises les années qui viennent. Le meilleur moyen de doper le Canton, d'attirer des contribuables et de soulager la classe moyenne dans son pouvoir d'achat reste de faire des baisses d'impôts. Et je le maintiens haut et fort !

M. Fabrice Moscheni (UDC) —

Ce débat est très intéressant sur le sujet « est-ce que le Canton ponctionne trop ou est-ce qu’il ne dépense pas assez finalement ? » Il y a une certaine somme d'argent qui a été accumulée et on se pose la question maintenant : est-ce qu'il faut continuer sur cette route et que faire de cet argent ? Pour l'UDC, par rapport à cette question, la réponse est clairement oui. Et dans ce débat qui est basé sur une logique politique, je voudrais amener quelques chiffres ; pour les gens qui ne sont pas au fait de ce qu’est la pression fiscale, je vais fournir des informations. Le 24heures a publié certains tableaux intéressants. Par exemple, si l'on prend la fiscalité, donc la pression fiscale qui est imposée à quelqu'un de la classe moyenne, soit un couple avec deux enfants qui gagne 100’000 francs de revenus par an, la pression à Lausanne est de 9’081 francs par année, alors qu’à Zurich, elle est de 4'715 francs, donc à peu près la moitié. Est-ce que Zurich a une moins bonne situation que Lausanne ? Est-ce que les services de l'Etat sont moins bons pour un Zurichois que ceux pour un Lausannois ? Je ne le crois pas. Etant allé quelques fois à Zurich, je pense même que certaines choses sont meilleures.

On voit donc très bien qu'il y a une grosse pression fiscale au niveau du canton de Vaud et il faut vraiment la réduire. Quand la gauche vient nous expliquer que l'Etat a besoin d'argent et que l'Etat n'en fait pas assez, je crois qu'il faudrait aller un petit peu au-delà des frontières vaudoises pour voir ce qui se passe dans d'autres cantons, des cantons qui sont tout aussi bien armés pour amener une certaine qualité de vie à leurs citoyens. De plus, par rapport au sentiment qu'il y a dans notre population, est-ce que les gens sont d'accord de continuer à payer autant pour l'Etat ? La réponse est non, puisqu'il y a eu une initiative – que vous connaissez toutes et tous – des associations patronales qui, en un temps record, a récolté 12’000 signatures pour une baisse d'impôt non pas de 5, 6, ou 7, mais de 12 %. Il y a donc effectivement un ras-le-bol dans ce canton par rapport à l’effective pression fiscale. Toutes les comparaisons qui sont faites par tous les instituts et toutes les organisations de statistiques montrent que le Canton de Vaud est bien trop oppressant pour non seulement les personnes aisées, mais également pour les gens de la classe moyenne que nous prétendons tous ici défendre. Il faut avoir la vérité devant les yeux et la pression fiscale doit baisser dans ce canton. Alors, oui, baissons les impôts et oui, le canton ponctionne trop les Vaudoises et les Vaudois.

M. Didier Lohri (VER) — Rapporteur-trice de minorité 2

Je rebondis sur les propos de M. Miauton concernant les préfinancements. C'est la première fois qu'on a cette fameuse liste des préfinancements et vous avez vu la possibilité d'interprétation que le Conseil d'Etat en fait puisque de 300 millions décrétés pour le Covid, 200 millions sont affectés dans d'autres secteurs sans que vous ayez le droit de faire un référendum sur cette possibilité. Cette diminution de notre démocratie provoque justement tout ce débat qui entraîne une position sur la baisse d'impôts, etc. Gouverner, c'est prévoir. On a des charges importantes à faire passer en matière de climat et d'autres objets. Je rappelle que le déficit de démocratie est un élément qu'il faut corriger. Je me permets quand même de relever la recommandation 8.2 de MCH2 qui est claire : avec le MCH2 et le recours aux amortissements linéaires fondés sur la durée d'utilisation, ces charges initiales élevées n'existent plus. Les préfinancements ne devraient donc plus être utilisés. Du point de vue du principe de l'image fidèle – d'où la problématique soulevée par notre collègue Zwahlen : la sincérité du budget – les préfinancements doivent être clairement écartés. Ils vont à l'encontre d'un financement respectueux, de l'équité intergénérationnelle. La génération actuelle ne devrait pas financer des projets d'investissement par le biais du financement. Donc on est déjà dans le faux avec ce principe, et vous voulez affecter des baisses d'impôts sans avoir une vision de ce qu'il faut soutenir principalement et prioritairement. Je pense sincèrement qu'il y a déjà eu un effort assez conséquent du Conseil d'Etat de nous fournir cette liste des préfinancements. Ce n'est qu'une étape, et je vous demande de bien réfléchir, de voter une abstention pour que ces préfinancements soient abandonnés le plus rapidement possible et qu'on ait une politique claire de fonds affectés au climat et aux différentes politiques qui sont vitales pour notre population, et qu'on ait des impôts qui soient justifiés pour l'avenir. Il faut arrêter de débattre sur la problématique des impôts en votant des comptes qui ne correspondent pas forcément à l'image fidèle de la situation de notre canton. Je réitère donc ma demande d'avoir quelques personnes qui soutiennent une abstention, parce qu'on est en train de mettre le doigt sur un élément important, ave ces préfinancements.

Mme Florence Gross (PLR) — Rapporteur-trice de majorité

Pour être factuelle, en tant que présidente de la majorité de la commission, les préfinancements réalisés par le Conseil d'Etat suivent une loi et notamment une base légale – entre autres, la Loi sur les finances. Je ne pense pas qu'une abstention sur les comptes mènera à un changement de loi. Mais nous sommes législateurs et c'est peut-être notre rôle de changer les lois, si nécessaire ; toutefois, la majorité de la commission vous recommande d'accepter ces comptes et, dès lors, ne souhaite peut-être pas forcément changer les lois. J'ai entendu beaucoup de chiffres que je me permets peut-être de corriger rapidement, notamment sur le fameux préfinancement Covid qui a été réattribué : on demande de mettre plus pour le climat et, dans ces 300 millions qui étaient prévus pour Covid, ce sont 200 millions – soit plus de la moitié – réattribués pour le climat. Pourquoi aurait-on gardé un préfinancement Covid alors qu'on voit que les charges Covid baissent et qu'on n'a plus besoin de ces montants ? Le Conseil d'Etat l'a réattribué en majeure partie au climat pour suivre les idées déjà émises lors du Programme de législature. Aujourd'hui, dans cet hémicycle, comment ne peut-on pas comprendre qu’un montant qui n'avait plus lieu d'être soit réattribué au climat ? Cela me paraît quand même fort de café. L'Etat n'est pas non plus assis sur des milliards ; cessons de confondre budget de trésorerie et budget d'exploitation. Les milliards qu'on peut lire dans les journaux et que vous lisez de manière brute sur une ligne de votre brochure jaune sont compris dans un grand nombre de projets, un grand nombre des projets de décrets que nous avons déjà votés ici. C'est important, on ne peut pas prendre un chiffre en disant c'est un tas de milliards ; on n'est pas chez Picsou. J'espère vous rassurer ainsi.

Je ne peux pas entendre non plus que l'Etat a fait un milliard de recettes, d'excédents ou de bénéfices comme j'ai pu l'entendre. Il faut éviter de compter deux fois les 300 millions qui ont été réattribués, parce qu'une réattribution n’équivaut pas à compter deux fois ce montant. Il faut aussi baser les discussions sur des chiffres exacts.

M. Alexandre Berthoud (PLR) —

La bonne nouvelle, c'est qu'il y a deux rapports de minorité ; cela diminue l'effet d'un rapport de minorité. C’est très bien pour la gauche, parce qu'on parle des deux sujets. J'aimerais surtout parler à mon collègue Lohri, qui est relativement obnubilé par les préfinancements. Je comprends, mais ce que je ne peux pas entendre avec lui, c'est le déficit de démocratie. Dans le fond, aujourd'hui, la Loi sur les finances permet au gouvernement vaudois de librement utiliser les résultats, les excédents de revenus – on ne parle pas que des déficits, mais des excédents de revenus. Ils ont quelques méthodes pour y arriver ; c'est effectivement ce qu’il s'est passé parfois – ils ont mis de l'argent dans un fonds pour le climat une fois. Ils peuvent utiliser ce montant pour diminuer de l'endettement – cela s'est passé il y a quelques années dans les EMS. Les cautionnements tombaient, ce qui permettait d'avoir, dans le cadre du Département de la santé et de l’action publique, et de la Direction générale de la cohésion sociale, de la liberté dans le budget. C'était une manière de réaliser.

Et il y a l'autre méthode : les préfinancements. Je ne peux pas vous entendre, monsieur Lohri, dire qu’il s’agit d’un déficit de démocratie parce que vous faites partie des 150 personnes dans ce canton souverain qui peuvent déposer un texte pour modifier cette manière de travailler. Je comprends que cela vous pose un problème, parce qu'on va utiliser de l'argent pour d'autres éléments dans le futur, mais cet argent est là. On ne peut pas le mettre à capital ; cela s'est passé notamment dans le cadre des communes, où il y a un montant qui est mis à disposition. Si cette méthode de travail vous pose un problème, monsieur Lohri, modifiez la Loi sur les finances, faites une motion, faites passer votre texte en plénum, et on modifiera la manière de réaliser. Cela ne s'appellera plus préfinancement, mais charge future ou je ne sais quelle méthode.

Je ne comprends pas pourquoi vous demandez à vos collègues de s’abstenir sur le vote du budget, parce que le Conseil d'Etat utilise les moyens qu'il a pour mettre de l'argent à disposition des éléments futurs – l'argent qu'ils ont gagné, que le Canton a gagné, des excédents de revenus. Il n'y a pas 150 méthodes pour y arriver. Je ne vois pas ce qu'ils peuvent faire. Une redistribution ? Ils ne peuvent pas le faire, car ils doivent le passer par le Parlement. Dès lors, aujourd'hui, il y a des millions qui ont été mis à disposition pour des éléments futurs.

Monsieur Buclin, par rapport à vos méthodes, je me rappelle qu'en décembre dernier, vous nous disiez que la Banque nationale suisse (BNS) allait nous verser de l'argent. Eh bien, on ne l'a pas vu ! Or, nous disions l'inverse. Donc, en termes de méthodologie, je ne crois plus du tout à la vôtre. On en avait presque parié, je crois, si on reprend les débats.

Concernant les collègues de la Commission des finances qui s'expriment encore et qui mettent dans les revenus excédentaires la diminution de l'endettement, je suis très inquiet au niveau de leurs compétences. Si on ne comprend pas la différence entre un flux de trésorerie et un flux d'exploitation, je suis désolé, mais je ne peux plus rien faire pour vous.

M. Pierre Dessemontet (SOC) —

Je ne sais pas si je me profile pour être livré à la vindicte de mon collègue Berthoud en osant intervenir, quand bien même je suis membre de la Commission des Finances. Je voulais revenir sur certaines choses qui ont été dites, notamment par les députés Moscheni et Miauton, concernant quelques comparaisons qui ont été faites entre le canton de Zurich et le canton de Vaud. Tout d’abord, comparer Zurich et Vaud, ce n’est pas forcément comparer exactement la même chose. Le canton de Zurich est un canton relativement riche, comme Genève, en tout cas beaucoup plus riche que le canton de Vaud. Cela signifie qu'à résultat fiscal égal, il n'a pas besoin de la même ponction fiscale. Dès lors, la ponction fiscale inférieure peut suffire, dans un canton riche, pour obtenir le même résultat, et donc pour avoir finalement une base fiscale plus solide. C'est important de le rappeler.

Depuis de nombreuses années, la Suisse occidentale a une fiscalité qui est un peu plus forte que celle de la Suisse centrale et la Suisse orientale, notamment, et de Zurich en particulier. Sur les 20 dernières années, c'est aussi cette région du pays qui a eu les taux de croissance tant au niveau démographique qu'économique les plus forts. Nonobstant évidemment la situation fiscale qui est censée nous être défavorable, il y a quand même quelque chose qu'on doit faire juste. C'est là que j'ai une divergence de fond, notamment avec le député Miauton, sur ce qui fait le dynamisme et le succès d'un canton comme le nôtre. Il croit, et c'est vraiment son droit, à la baisse d'impôts comme moteur de cela. Moi, je crois au contraire aux conditions-cadres, et notamment aux conditions-cadres données par les services publics. Pour cette raison, dans le cadre de ce débat, on ne nous mettra jamais d'accord.

M. Philippe Jobin (UDC) —

Je ne sais pas si je me profile pour être livré à la vindicte de mon collègue Berthoud en osant intervenir, quand bien même je suis membre de la Commission des Finances. Je voulais revenir sur certaines choses qui ont été dites, notamment par les députés Moscheni et Miauton, concernant quelques comparaisons qui ont été faites entre le canton de Zurich et le canton de Vaud. Tout d’abord, comparer Zurich et Vaud, ce n’est pas forcément comparer exactement la même chose. Le canton de Zurich est un canton relativement riche, comme Genève, en tout cas beaucoup plus riche que le canton de Vaud. Cela signifie qu'à résultat fiscal égal, il n'a pas besoin de la même ponction fiscale. Dès lors, la ponction fiscale inférieure peut suffire, dans un canton riche, pour obtenir le même résultat, et donc pour avoir finalement une base fiscale plus solide. C'est important de le rappeler.

Depuis de nombreuses années, la Suisse occidentale a une fiscalité qui est un peu plus forte que celle de la Suisse centrale et la Suisse orientale, notamment, et de Zurich en particulier. Sur les 20 dernières années, c'est aussi cette région du pays qui a eu les taux de croissance tant au niveau démographique qu'économique les plus forts. Nonobstant évidemment la situation fiscale qui est censée nous être défavorable, il y a quand même quelque chose qu'on doit faire juste. C'est là que j'ai une divergence de fond, notamment avec le député Miauton, sur ce qui fait le dynamisme et le succès d'un canton comme le nôtre. Il croit, et c'est vraiment son droit, à la baisse d'impôts comme moteur de cela. Moi, je crois au contraire aux conditions-cadres, et notamment aux conditions-cadres données par les services publics. Pour cette raison, dans le cadre de ce débat, on ne nous mettra jamais d'accord.

M. Didier Lohri (VER) — Rapporteur-trice de minorité 2

Je remercie M. Berthoud de revenir sur ces préfinancements. Vous avez compris mon intégrisme et surtout ma vision assez carrée de cette utilisation du préfinancement. Monsieur Berthoud, je comprends votre croyance vis-à-vis du canton, qui est libre de faire comme il désire, mais permettez-moi quand même d'avoir un petit doute quand je vois certaines utilisations de cette autonomie dans d'autres domaines, comme les marchés publics qui ne sont pas respectés à la lettre. Je ne sais pas de quelle loi on parle à ce moment-là. Et puis surtout, ayant été de longues années dans une commune, le canton a juré que le MCH2 était sa Bible. On devait arriver à l’application de cette règle de transparence comptable. Or, je constate que MCH2 précise à l'article 10 que c'est le Parlement qui décide d'un référendum facultatif ou obligatoire. Dès lors, la problématique de la thésaurisation est une application de MCH2 avec des vaudoiseries et cette vaudoiserie ne permet pas d'être visionnaire, car plutôt que de m'inciter à déposer une motion perdue inutilement, je préférerais pouvoir voter un règlement permettant au Conseil d'Etat d'affecter immédiatement les 200 millions du Plan climat dans un fonds affecté au climat que le Parlement déciderait de voter en même temps que les comptes, de telle manière à ce que nous ayons une garantie d'utilisation de ce fonds. Je rappelle que le fonds climat n'a rien à voir avec un préfinancement, puisque le fonds climat est pérenne ; le préfinancement est à très court terme et donc pas pérenne du tout. Il y a une nuance importante entre les deux et il serait quand même préférable et logique – je ne vais pas en faire une affaire d'Etat – que le Parlement puisse avoir un fonds affecté au climat dès aujourd'hui ou dès la rentrée scolaire, pour avoir ces 200 millions à disposition en cas d'urgence.

M. Philippe Miauton (PLR) —

Monsieur Lohri, j'ai compris que vous préféreriez un fonds affecté, quelque chose de pérenne, mais 200 millions c'est toujours cela de pris sur l'ennemi. C'est toujours de l'argent qui va être investi. Je comprends votre démarche sur la procédure, la gouvernance, mais en argent sonnant et trébuchant, c’est une somme qui a été réfléchie. Dès lors, le Conseil d'Etat va dans le sens des politiques demandées dans une grande partie de cet hémicycle.

Concernant les propos de notre collègue sur la croissance, le canton de Vaud a certes une grande croissance au niveau des entreprises, croissance qui s'est effectuée ces X dernières années. Il est important aujourd'hui qu'on maintienne cette croissance, parce que les signaux que j'ai évoqués précédemment ne sont pas forcément excellents. C'est par la fiscalité qu'on va réussir à maintenir ce développement économique.

Concernant la croissance de la population, on peut regarder la typologie de cette croissance, mais la baisse fiscale pour l'ensemble de la population permettrait de garder ceux qui paient le plus d'impôts et qui permettent ensuite de payer les politiques publiques mais surtout d'en attirer plus encore, peut-être selon ce modèle zurichois. Ces deux cantons sont comparables avec une université, avec une école polytechnique fédérale, avec un hôpital cantonal, avec certes une population plus grande du côté de Zurich, mais des territoires qui se ressemblent quand même. Dès lors, la comparaison de ces deux cantons est assez intéressante. Et il y a une comparaison qui m'interpelle : du côté de Zurich, la part des emplois de l'Etat par rapport à l'ensemble des emplois du canton est d’environ 23 % ; dans le canton de Vaud, on est un passé au-dessus de 30 %. Je ne crois pas que le canton de Zurich soit un désert social, un désert étatique. Les comparaisons sont peut-être bonnes à faire, mais il faut prendre l'ensemble des chiffres. La croissance que vous soulignez, qui est juste dans le canton de Vaud, doit être maintenue avec ceux qui produisent des emplois, les entreprises, et avec ceux qui gonflent les chiffres des revenus du canton pour ensuite pouvoir faire les politiques publiques.

M. Jean Tschopp (SOC) —

Je suis quand même surpris par l'absence de faculté de la majorité de ce Parlement à prendre l'ensemble des éléments de la comparaison pour essayer de voir ce que vit la population actuellement. Il y a cette espèce de mantra de la baisse d'impôts coûte que coûte, inconditionnelle, avec une pression inouïe des milieux patronaux – il faut le dire – qui est aussi bien représentée par certains élus dans ce Parlement. A un moment donné, il y a la question du pouvoir d'achat. Quelles sont les mesures utiles de ce point de vue ? Mme Amélie Cherbuin l'a bien dit dans son intervention, il y a un manque, il y a des lacunes qui ressortent et qui sont mises en évidence dans ces comptes en termes de mesures de soutien au pouvoir d'achat pour la majorité de la population. Je ne vais pas refaire le débat de la semaine dernière, mais j'attendais quand même un peu plus de répondant de la majorité de ce Parlement sur la question de savoir pourquoi c'était une mauvaise idée de soutenir des rabais d'impôts qui favorisaient 90 % des ménages pour une famille de quatre personnes et dans deux tiers des cas une personne seule par rapport aux baisses d'impôts. Nous devons avoir ces discussions et ces débats. Nous les aurons encore sur l'initiative de notre collègue Sébastien Cala qui propose de relever les plafonds de déduction pour contribuable modeste dont on a vu qu'elle bénéficiait à deux tiers de la population. Nous l'aurons encore avec la motion de notre collègue Jessica Jaccoud qui propose des allocations énergie qui concernent et qui peuvent s'appliquer aux 70 % de locataires qui composent la majorité de la population de ce canton.

Quand vous parlez de baisse d'impôts, il n'y a jamais un mot pour un autre impôt qui est incontournable et dont on sait qu'il va augmenter encore massivement en 2024 : les primes d'assurance-maladie. Vous venez régulièrement avec des critiques importantes sur ces primes d'assurance-maladie, sur les contours des bénéficiaires, mais il faut redire – si on a le courage de voir la situation dans son ensemble – que cela constitue souvent le deuxième poste de dépense pour une très large partie des Vaudoises et des Vaudois. Il s'agit là aussi d'un impôt qui augmente année après année. Face à cette situation, avec les subsides LAMal, nous avons une sorte de bouclier fiscal qui protège une large partie de la classe moyenne. Donc de deux choses l'une : soit il y a cette obsession de la seule et unique mesure de baisse d'impôt dont on sait qu'elle bénéficie d'abord aux très hauts revenus, soit il y a le courage d'être conséquent, de vraiment s'attaquer aux enjeux de défense de la classe moyenne, au risque qu'une partie de cette classe moyenne bascule face à une hausse massive de tous les postes de dépenses incompressibles, qu'une large partie de cette classe moyenne bascule aussi dans une forme de précarité, soit il y a la capacité de ce Parlement à recentrer le débat autour de ces questions. Les questions d'inflation ne vont pas en s'améliorant avec les hausses importantes non seulement des primes d'assurance-maladie, mais aussi des tarifs pour les frais d'électricité, des loyers. On pourrait en parler de longs moments. Dans ce Parlement, j’aimerais un peu moins de dogme et un peu plus de discussions factuelles sur les mesures qui peuvent réellement bénéficier à la majorité de la population.

M. Didier Lohri (VER) — Rapporteur-trice de minorité 2

Monsieur Miauton, je comprends votre position. Malheureusement, ce que vous expliquez ne correspond pas à la réalité. Prenons le fonds Covid : pourquoi les dépenses liées à cette problématique ne sont-elles pas compensées par l’utilisation du préfinancement Covid, puis réaffectées par le Grand Conseil ? Etes-vous certain qu’en 2024, lors du bouclement des comptes 2023, le préfinancement climat sera assuré ? Etes-vous sûr que le préfinancement des communes sera assuré si la situation financière se dégrade, voir l’article 164 de la Constitution qui supprimerait tout soutien du Conseil d’Etat aux communes pour régler les 55 millions de la péréquation ? Je tenais à répéter ces éléments. Pour moi, un préfinancement ne garantit pas que l’argent sera à disposition et utilisé selon la volonté du Parlement.

Mme Florence Bettschart-Narbel (PLR) —

J’aimerais apporter quelques éléments de réponse à notre collègue Tschopp. D’abord, vous n’avez pas le monopole de la représentation de la population devant ce Grand Conseil. Vous dites que la population est comme ceci, comme cela, mais nous entendons aussi une grande partie de la population – celle qui a voté pour nous majoritairement l’année passée aux élections cantonales – se plaindre auprès de nous qu’elle paie trop d’impôts dans ce canton. C’est ce que nous entendons. Vous nous parlez aussi de subsides pour l’assurance-maladie : ces personnes ne touchent pas ces subsides. Elles ne sont pas ultra-riches, elles travaillent, ont parfois deux revenus et paient une masse d’impôts ; elles n’ont aucun logement subventionné, aucun droit à des subsides. Par conséquent, à la fin du mois, elles ne se trouvent pas forcément dans une situation plus facile que ceux qui sont aidés.

Ainsi, soyez attentif à préciser que vous représentez une partie de la population, non toute la population. La partie que nous représentons, à droite, attend un geste du Conseil d’Etat en faveur d’une véritable baisse d’impôt ; c’est ce qu’on entend sans cesse. Je peux vous le prouver par les dizaines de courriels que nous recevons chaque semaine.

M. Philippe Miauton (PLR) —

Vos propos dénotent une véritable absence de faculté de comparaison, monsieur Tschopp. Nous avons la même obsession, mais elle a un spectre différent. De votre côté, vous voulez des rabais d’impôts ciblés ; de notre côté – et du mien comme directeur de la Chambre vaudoise du commerce et de l’industrie (CVCI) – avec cette initiative, nous voulons que l’ensemble de la population profite de la baisse d’impôt. Selon vous, l’initiative est une pression monstrueuse de la part d’organisations économiques. Ce n’est pas le cas, monsieur Tschopp : c’est une pression monstrueuse des 28’500 citoyens qui l’ont signée, qui ne sont pas uniquement des entrepreneurs. Il y a des citoyens, même à Lausanne, même Sous-Gare. C’est impressionnant. Certes, l’initiative ne touche pas uniquement la catégorie que vous souhaitez, mais c’est un jackpot dans le fond. En effet, d’un côté, elle touche cette catégorie de personnes concernant le pouvoir d’achat et, de l’autre, elle permet de garder les contribuables qui génèrent les plus gros revenus de l’Etat et de mener les politiques publiques que vous souhaitez. Nous avons exactement la même obsession, c’est le ciblage qui ne correspond pas.

J’entends bien : les primes explosent, mais ce ne sont pas des impôts et le Canton prévoit des aides avec les subsides LAMal de presque 900 millions de francs. Cela fonctionne donc. Le système créé répond à votre crainte. En plus, ces subsides ne sont pas « compressés » et il n’y a pas énormément de cautèles. Le chiffre est clair. La question qui se pose maintenant concerne davantage les coûts de la santé que le système que l’on veut pour soutenir les populations. Nous avons exactement la même obsession ; simplement, le ciblage est totalement différent, monsieur Tschopp. Et cela n’a rien à voir avec une faculté de comparaison.

M. Fabrice Moscheni (UDC) —

Je suis comme M. Tschopp et je le rejoins sur cet aspect-là : il ne faut pas avoir de dogmes, mais regarder les choses en face. Pour cette raison, j’aimerais connaître son opinion claire sur les raisons qui font que, dans le canton de Zurich – qui n’est pas un désert social et a un niveau de vie tout à fait comparable à celui du canton de Vaud – une famille de la classe moyenne paie deux fois moins d’impôts que dans notre canton. Comment explique-t-il que dans ce canton, qui certes parle allemand, l’on arrive à faire mieux que dans le nôtre ? Y a-t-il une explication rationnelle ? Regardons les choses en face, monsieur Tchopp. Vous parlez de choses, de chiffres, d’assurance-maladie, de coûts, mais comment se fait-il que le canton de Zurich parvienne à faire bien mieux ou aussi bien avec moins d’argent ponctionné sur les gens de la classe moyenne ? Avez-vous une explication ? J’aimerais vous entendre sur cet aspect-là, puisque vous faites de grandes déclarations de principe sur des aspects politiques.

En regardant la réalité en face, on se rend compte que le canton de Vaud, sur le plan du fonctionnement fiscal, dysfonctionne en tout cas envers la classe moyenne. Je ne vais pas intervenir concernant les gens avec de hauts revenus, parce que vous le savez très bien, ils sont importants pour minimiser les impôts de la classe moyenne. En effet, en moyenne, je crois qu’une personne riche, avec un important revenu, paie à peu près les revenus fiscaux d’une trentaine de personnes de la classe moyenne. Certes, dogmatiquement, vous n’aimez pas les riches, mais la classe moyenne, également au centre de notre cible, regroupe des personnes comme nous, qui essayent de vivre grâce au fruit de leur travail. Comment expliquez-vous que dans le canton de Zurich, elle paie deux fois moins d’impôts qu’ici ?

M. Julien Eggenberger (SOC) —

On en était au débat sur le bouclement des comptes, mais manifestement, le débat s’est un peu élargi. D’abord, j’aimerais répondre à M. Miauton, puisque j’étais rapporteur de minorité, il n’y a pas longtemps, sur cette question fiscale. Vous parlez de l’obsession de la gauche à baisser les impôts. Vous n’avez pas dû comprendre ce que nous avons déclaré ces dernières semaines. Nous n’avons pas d’obsession à baisser les impôts, nous avons l’obsession d’offrir aux Vaudoises et aux Vaudois les meilleures prestations publiques et des mécanismes de redistribution qui préservent leur pouvoir d’achat. Cela dit, ce Parlement ayant accepté une motion qui vise à baisser les impôts, nous proposons, dans ce cadre, des alternatives pour mieux cibler les baisses d’impôt. Il ne faut pas confondre les obsessions des uns et des autres.

Deuxièmement, monsieur Moschini, comme d’habitude, vous énoncez des chiffres dans tous les sens sans présenter ni source ni contexte. Ce n’est évidemment pas ainsi que nous pouvons mener un débat. Si vous souhaitez discuter du type de prestations à la population, faites-le dans le cadre du budget. Déposez des motions, des postulats, mais s’il vous plaît, laissez-nous maintenant traiter des comptes.

M. Jean Tschopp (SOC) —

Je suis interpellé par notre collègue Moschini. Même s’il fait les questions et les réponses, je vais lui donner ma réponse. D’abord, il y a les précisions qu’a données notre collègue Pierre Dessemontet sur les différences entre Zurich et Vaud voire Lausanne, puisque vous restreignez au maximum les éléments de votre comparaison en les sortant de leur contexte. Puisque vous parlez de Lausanne, 42 % de sa population touchent les subsides LAMal. C’est un des éléments de dépense incompressible qui bénéficie à une large partie de la population et que vous devez aussi intégrer dans votre équation. Quant à la baisse d’impôt versus rabais d’impôt ou baisse d’impôt avec des alternatives, relèvement des déductions pour contribuables modestes, on a apporté la démonstration et on le fera encore, que ces mesures favorisent la majorité de la population. On a ce souci. On ne considère pas uniquement le segment des bénéficiaires des subsides LAMal, mais de façon plus large, on propose des mesures plus efficientes qui donnent plus de pouvoir d’achat à la classe moyenne dans son ensemble. Or, vous refusez cela. C’est le sens de mon intervention et des débats de ces prochains mois, parce que la question est la suivante : voulons-nous aider et soulager la majorité de la population ou une minorité ? Cela relève de choix politiques et de débats qui devront avoir lieu ici. Nos propositions soulagent la majorité de la population.

Mme Valérie Dittli (C-DFA) — Conseiller-ère d’Etat

Tout d’abord, je vous remercie pour vos différentes prises de parole. Nous n’allons pas conduire maintenant les débats qui nous attendent sur la fiscalité. Au nom du Conseil d’Etat, je tiens à remercier la Commission des finances et surtout sa présidente Florence Gross, ainsi que le secrétaire de commission pour le travail fourni et l’examen attentif des comptes 2022. C’est aussi l’occasion de remercier l’équipe du Service d’analyse et de gestion financière (SAGEFI), à mes côtés, et tous les services pour leur travail.

J’aimerais donner quelques perspectives sur les comptes 2022. Comme cela a été répété, les comptes 2022 sont bouclés avec un excédent, ce qui ne surprendra personne au vu des résultats des comptes des autres cantons suisses. Le canton de Vaud ne constitue pas une exception en cela. Les finances cantonales demeurent solides, mais sont soumises à de nouvelles contraintes budgétaires. En effet, les comptes de l’Etat de Vaud s’inscrivent dans un contexte économique très volatile. Pour 2023, il faut s’attendre à une situation moins favorable qu’en 2022 ; je puis déjà l’affirmer. En revanche, la situation économique en Suisse demeure très robuste, si on la compare à d’autres pays. La Suisse n’est pas en récession. Le marché du travail est solide. Cependant, nous devons rester attentifs à l’évolution des indicateurs économiques et boursiers. Pour les finances cantonales, le non-versement de bénéfices par la BNS, les effets de la guerre en Ukraine et l’augmentation des prix énergétiques – traités ce matin en Commission des finances que je remercie pour sa flexibilité – ont des effets significatifs qui font l’objet d’un suivi attentif par mon département et le Conseil d’Etat. Le résultat positif de l’exercice 2022 s’explique en grande partie par le versement des quatre tranches supplémentaires de la BNS correspondant à 250 millions, soit la moitié de l’excédent des revenus de 494 millions avant l’écriture des bouclements. Pourquoi 494 ? Je dois corriger deux ou trois prises de paroles, ainsi que 24heures pour une légère faute. En effet, à 494 millions, il est erroné d’ajouter les dépenses pour le COVID et l’Ukraine, qui ne sont pas des décisions du bouclement. Il est tout aussi erroné d’ajouter les 300 millions de COVID que l’on a mis dans un autre préfinancement et la dette. J’ignore comment l’on peut ajouter la dette à cet excédent de revenus. L’excédent avant les écritures de bouclement était de 494 millions, pas davantage. Au total, la BNS a versé en 2022 quasiment 300 millions, alors qu’en 2023, ce sera zéro – on le sait déjà – un élément auquel il faut aussi prêter attention. La stagnation des recettes fiscales n’aide évidemment pas à cette évolution. Il s’agit alors d’évaluer les raisons de cette inflexion de la courbe de tendance. S’agit-il d’une tendance à long terme ou d’un événement ponctuel à la suite de différentes explications entendues dans cette salle ? L’analyse sera effectuée dans le cadre du suivi budgétaire 2023 et de l’établissement du projet de budget 2024.

Les comptes 2022 bouclent sur un résultat meilleur que celui budgétisé, en raison principalement de recettes extraordinaires non prévisibles et non pérennes comme celles de la BNS. Ces recettes extraordinaires réalisées en 2022 permettent d’attribuer des montants au financement des projets importants de la législature, notamment le Plan climat, et d’atténuer les conséquences de l’absence de versement de la BNS en 2023-2024, parce qu’en effet, gouverner, c’est prévoir, monsieur Lohri.

Concernant le préfinancement, il y a de fortes chances que ce soit le mot de l’année. J’aimerais ajouter quelques éléments concernant le bouclement et les préfinancements. En effet, il s’agissait de trouver un équilibre entre les différents besoins. Le Conseil d’Etat a décidé d’attribuer plusieurs montants dans le cadre du bouclement, soit des attributions au fonds de soutien à l’innovation, à l’industrie et pour la protection des jeunesses. Enfin, le Conseil d’Etat a décidé d’attribuer un montant de 250 millions aux autres capitaux propres pour pallier le risque de non-distribution du bénéfice de la BNS, ces prochaines années. Cette stratégie est nécessaire pour 2023. Concernant les préfinancements, comme relevé par le rapport de la majorité de la Commission des finances, le Conseil d’Etat a décidé que dorénavant, les préfinancements seraient uniquement destinés à couvrir les futurs investissements. Comme mentionné par Mme la députée Cherbuin, le détail de ces préfinancements figure dans ce livre jaune pour éviter que ceux-ci engendrent des charges pérennes, parce que ce n’est pas une gestion des finances durables. Conformément à son programme de législature, le Conseil d’Etat renforce ses actions en matière climatique. Nous avons donc décidé d’attribuer 200 millions au Plan climat, une réattribution partielle du préfinancement COVID de 300 millions. Le Conseil d’Etat présentera ces mesures demain lors d’une conférence de presse. Ensuite, selon la procédure habituelle, vous aurez le devoir de vous exprimer sur différentes mesures réparties par les départements au sein de ce gouvernement, car il s’agit toujours de trouver des équilibres : 100 millions pour les effets de la guerre en Ukraine et du plan Ostral sont réattribués du préfinancement COVID, 55 millions pour le rééquilibrage financier des communes et 20 millions aux sites stratégiques de développement d’activités dites sur des sites stratégiques de développement d’activités (SSDA), 50 millions pour le renouvellement informatique du CHUV et 38 millions pour l’adaptation des arrêts de bus aux personnes à mobilité réduite.

Pour répondre à M. Lohri, certes, ces préfinancements ne sont pas des garanties ultimes. En revanche, en grande partie, ce sont des projets de lois et de décrets que vous avez votés. Finalement − j’ose le dire − c’est une garantie si les finances de l’Etat vont plus mal. Selon moi, dans la vie de toute façon, il n’y a généralement pas de garanties.

Les finances cantonales demeurent saines et solides, mais il s’agira de faire preuve de prudence tout en donnant les impulsions nécessaires ; c’est notamment le cas pour le pouvoir d’achat dont nous avons parlé. Les comptes 2022 maintiennent des finances cantonales saines et permettent de renforcer la capacité du Conseil d’Etat à intervenir pour défendre le pouvoir d’achat. Le gouvernement y sera attentif et, conformément à ce qui a été annoncé dans son programme de législature concernant la fiscalité des personnes physiques, il viendra prochainement avec des mesures ciblées. L’argent ne va pas disparaître, mais sera réinjecté dans l’économie. Nous aurons ce débat au moment venu, bientôt je l’espère. Au nom du Conseil d’Etat et comme le recommande la majorité de la Commission des finances, je vous invite à approuver les comptes 2022 et vous remercie pour votre attention.

Mme Séverine Evéquoz (VER) — Président-e

La discussion générale est close.

Département des institutions, du territoire et du sport

La discussion n’est pas utilisée.

Département de l’enseignement et de la formation professionnelle

La discussion n’est pas utilisée.

Département de la jeunesse, de l'environnement et de la sécurité

La discussion n'est pas utilisée.

Département de la santé et de l’action sociale

La discussion n’est pas utilisée.

Département de l’économie, de l’innovation, de l'emploi et du patrimoine

La discussion est ouverte.

M. Laurent Balsiger (SOC) —

Ma question porte sur le règlement d’application de la Loi du 7 mars 2006 sur l’aide aux requérants d’asile et à certaines catégories d’étrangers. D’après les informations que j’ai reçues de Mme la conseillère d’Etat Isabelle Moret, ces aides n’ont pas été indexées au 1er janvier 2022 ni, comme j’ai cru le comprendre, au 1er janvier 2023. J’aimerais savoir si c’est le cas et dans quel compte figurent ces aides. Je viens d’entendre Mme la conseillère d’Etat Dittli affirmer que l’Etat avait les moyens de défendre le pouvoir d’achat. J’espère qu’on aura les moyens de le faire pour les plus démunis. Je vous remercie par avance pour votre réponse.

Mme Valérie Dittli (C-DFA) — Conseiller-ère d’Etat

Je vous remercie beaucoup pour votre question. Effectivement, vous avez déjà obtenu la réponse de la part de ma collègue, Mme Moret : ces montants n’ont pas été indexés en 2022 et 2023.

Mme Séverine Evéquoz (VER) — Président-e

La discussion est close.

Département de la culture, des infrastructures et des ressources humaines

La discussion n’est pas utilisée.

Département des finances et de l’agriculture

La discussion n’est pas utilisée.

Ordre judiciaire

La discussion n’est pas utilisée.

Grand Conseil

La discussion n’est pas utilisée.

La discussion finale n’est pas utilisée.

Les comptes de fonctionnement et d’investissement pour l’année 2022 sont acceptés par 93 voix contre 7 et 22 abstentions.

Les éventuelles réponses aux observations de la Commission des finances interviendront ultérieurement.

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