21_POS_62 - Postulat Rebecca Joly et consorts au nom Les Vert-e-s vaudois-e-s - Pour que le Canton de Vaud rejoigne l’appel du Rhône.
Séance du Grand Conseil du mardi 2 mai 2023, point 45 de l'ordre du jour
Texte déposé
L'Appel du Rhône est une mobilisation citoyenne, populaire et transnationale pour la reconnaissance d'une personnalité juridique du Rhône (de son glacier à son delta). Elle part du constat que la protection du Rhône, compris comme un ensemble d’écosystèmes fondamental à la fois pour les populations locales, pour la nature et pour le climat, est actuellement insuffisante. En témoignent les atteintes massives que subit tout le bassin du Rhône depuis des décennies, qui s’aggravent avec le temps: fonte du glacier, pollutions des eaux, déchets plastiques, aménagements qui portent atteinte aux biotopes, etc.
L’Appel du Rhône constate que “Les règles de protection, d’aménagement et d’utilisation du Rhône sont fragmentées entre un grand nombre d’instruments juridiques de part et d’autre de la frontière entre la Suisse et la France, et sont ainsi d’une grande complexité. Le caractère transfrontalier du Rhône renforce la nécessité d’une mise en œuvre d’une nouvelle norme fondamentale garantissant une réponse immédiate et efficace aux défis auxquels la survie du fleuve est confrontée”.
Il y a divers précédents ailleurs dans le monde : la rivière Vilcabamba, en Equateur (2011), le fleuve Atrato, en Colombie (2016) ou encore le fleuve Whanganui, en Nouvelle-Zélande (2017). Ces démarches ont permis, de diverses manières, d’améliorer la prise de conscience des impératifs écologiques concernant ces cours d’eau, tout en favorisant l’émergence de nouveaux
instruments de protection.
Concrètement, l’Appel du Rhône vise à encourager toutes les démarches permettant d’élargir les mécanismes de protection du Rhône par des nouveaux mécanismes de protection (droits de recours). L’Appel vise aussi évidemment à améliorer la prise de conscience de le nécessité d’améliorer la protection du Rhône et de toutes ses composantes naturelles.
L’Appel du Rhône a déjà été signé par un très grand nombre de particuliers, d’associations et de collectivités publiques, à l’image de la Ville de Lyon. Peu d’organismes en Suisse ont toutefois fait le pas à ce jour.
Par le présent postulat, les député.e.s soussigné.e.s demandent au Conseil d’Etat d’entreprendre toutes les démarches utiles pour que le Canton de Vaud soit signataire de l’Appel du Rhône.
Conclusion
Renvoi à une commission avec au moins 20 signatures
Liste exhaustive des cosignataires
Signataire | Parti |
---|---|
Sylvie Podio | VER |
Yannick Maury | VER |
Alice Genoud | VER |
Muriel Thalmann | SOC |
Pierre Zwahlen | VER |
Alberto Cherubini | SOC |
Didier Lohri | VER |
Anne Baehler Bech | |
Jean-Claude Glardon | SOC |
Pierre Fonjallaz | VER |
Yves Paccaud | SOC |
Jean-Marc Nicolet | |
Vassilis Venizelos | |
Olivier Epars | |
Felix Stürner | VER |
Elodie Lopez | EP |
Cendrine Cachemaille | SOC |
Sabine Glauser Krug | VER |
Séverine Evéquoz | VER |
Claude Nicole Grin | VER |
Nathalie Jaccard | VER |
Documents
Transcriptions
Visionner le débat de ce point à l'ordre du jourLa commission s’est réunie le mardi 5 avril 2022 en présence de Mme Béatrice Métraux ; M. Fabrice Lambelet a rédigé les notes de séance, nous le remercions pour son travail. Une demande d’audition, formulée par l’Association « id eau » a été acceptée par la commission. Représentée par M. Frédéric Pitaval, son directeur, et par Mme Deborah Glejser Lindlau, sa chargée de communication, l’association a échangé pendant quarante-cinq minutes avec les personnes présentes.
L’Appel du Rhône ne vise pas au dépôt d’une pétition ou d’une initiative populaire ; il s’agit d’une démarche pour la reconnaissance d’un statut juridique du fleuve, de son glacier à son delta. Démarche transnationale, populaire, citoyenne et ancrée dans les territoires locaux que le Rhône traverse. Elle a été construite autour de quatre axes :
- impliquer la population,
- mettre sur pied des événements,
- fédérer les acteurs en lien avec la défense du Rhône,
- proposer de nouvelles initiatives.
Cette initiative n’est pas unique dans le monde. Depuis une trentaine d’années, des démarches ont abouti à la reconnaissance du statut juridique d’éléments naturels, dont une trentaine actuellement en Europe, comme des cours d’eau, des glaciers, etc. Cet appel est un modèle de co-construction avec toutes les parties prenantes du Rhône – les habitants et les riverains du bassin versant, les associations environnementales, les collectivités publiques, les chefs d’entreprises, les milieux économiques et les membres d’organes législatifs – dans un processus démocratique appelé « assembléiste ». Il repose sur l’élément territorial pour ces parties prenantes qui auront la main sur ce processus et pourront ainsi émettre des recommandations, afin d’aboutir à une reconnaissance. Dans la législation suisse, les droits cantonal et municipal sont le point de départ. Il est donc fondamental que le canton de Vaud signe cet appel, parce que le Rhône le concerne – par le Chablais et le lac Léman – tout comme il concerne les cantons du Valais et de Genève. En France, la Ville de Lyon et la Métropole du Grand Lyon ont déjà signé cet appel.
Selon un commissaire, il existe suffisamment de protection de la nature avec des associations comme le World Wide Fund for Nature (WWF), Pro Natura ou la Commission internationale pour la protection des eaux du Léman (CIPEL). Si cette protection est importante, il souhaite plutôt la soutenir à travers la mise en place de stations d’épuration (STEP) filtrant les micropolluants par exemple. Il demande ce que cette association apporterait de plus. Le directeur de l’association indique qu’autant le droit français que suisse n’ont pas permis – ne permettent pas et ne permettront pas – de répondre à plusieurs urgences : les pesticides, les déchets plastiques, la baisse du débit du Rhône, les changements climatiques et le dépassement des limites planétaires. Avec cette reconnaissance des droits de la nature, il ne s’agit pas simplement d’imaginer une préservation du Rhône tant les enjeux sont bien supérieurs, mais d’ouvrir un nouveau champ des possibles, en composant avec les écosystèmes de ce fleuve et non plus contre eux.
La postulante indique qu’il n’est pas recherché de soutien financier. Dans la position du Conseil d’Etat, Mme la conseillère d’Etat a rappelé que rejoindre l’Appel du Rhône revient à effectuer un geste symbolique avec aucune obligation à la clé. Dans le plan d’action de la CIPEL, il y a la mesure suivante « explorer la capacité à donner une personnalité juridique au Léman » : cette démarche de la CIPEL pourrait être reprise dans le cadre du Rhône. Il y a des atteintes massives dans le bassin versant du Rhône depuis longtemps ; cela s’aggrave au fil du temps avec la fonte du glacier, la pollution et la prolifération des déchets plastiques. Le canton de Vaud se rend compte que les règles de protection, d’aménagement et d’utilisation du Rhône sont fragmentées et plusieurs cours d’eau sont déjà dotés d’une personnalité juridique dans le monde : en Colombie, en Equateur, en Nouvelle-Zélande, au Québec et en Inde.
Plusieurs commissaires expriment leur scepticisme face aux objectifs de cet appel et plus généralement face à cet objet. Certains se sentent gênés par la signature de certains collectifs écologistes, d’autres rappellent que si les cours d’eau ont été canalisés, c’est parce que l’humanité a été confrontée à des problèmes sanitaires du fait de la présence de marais. Il a fallu gagner des terres productives pour nourrir la population.
Il s’agit de savoir si le politique veut soutenir ou non cet appel qui continuera de toute manière son chemin. Il serait donc opportun que le canton de Vaud soutienne symboliquement cette démarche citoyenne venant du bas et visant un idéal à ne plus canaliser indéfiniment la nature, parce que celle-ci finira par se rebeller.
Après les prises de positions exprimées sur cet objet, la discussion se concentre sur le sort que lui réserve la commission. Certains pensent que la transmettre permettrait au Conseil d’Etat de proposer une réponse circonstanciée, alors que d’autres expriment leur souci d’une réponse tranchée – oui ou non – à la signature de l’Appel du Rhône.
La commission recommande au Grand Conseil de prendre en considération ce postulat par 4 voix contre 4 et aucune abstention – donc avec la voix prépondérante de la présidente – et de le renvoyer au Conseil d’Etat.
Au nom des commissaires représentés dans ce rapport de minorité et en remplacement de notre ancien collègue Pierre Volet – qui a rédigé le rapport de minorité – je me permets de revenir sur certains points préalablement évoqués dans le rapport de majorité. En premier lieu, il est important de rappeler que l’Appel du Rhône est une association avec une démarche transnationale qui a pour but de défendre le Rhône et de proposer de nouvelles initiatives conjointement avec les deux pays traversés par le fleuve, soit la Suisse et la France, mais également par les collectivités locales, soit deux départements français, trois cantons suisses, mais aussi 554 communes, ce qui ne facilite de loin pas les choses ni n’incite à trouver les synergies communes. L’avis de la minorité de la commission est qu’il existe déjà plusieurs associations reconnues, principalement dans notre canton – comme le WWF ou Pro Natura – qui s’occupent déjà de ces questions en lien avec la protection du milieu naturel. Il ne nous semble donc pas opportun de soutenir une autre démarche, au risque de s’éparpiller encore plus et de brouiller le message final, ceci d’autant que l’Appel du Rhône ne propose rien de nouveau par rapport aux démarches des autres associations ayant le même but et que leur présentation faite en commission est restée, à notre avis, particulièrement floue. Nous rappelons également qu’à ce jour, le canton ne s’est pas prononcé sur l’Appel du Rhône.
Les efforts devraient être mis sur les moyens permettant de diminuer la pollution de nos cours d’eau, comme la mise sur pied et l’évolution de nos STEPS filtrant les micropolluants. Il est également à rappeler que plusieurs milliards vont être dépensés dans la troisième correction du Rhône et que ces travaux tiendront compte de la préservation des milieux naturels. Vous l’aurez compris, la minorité de la commission est sensible à la préservation des eaux du Rhône, mais est d’avis que beaucoup de choses sont déjà entreprises et que rejoindre l’Appel du Rhône n’amènerait rien de nouveau, surtout vu sa complexité évoquée en début de rapport et ses engagements aux propositions restées floues lors de la présentation en commission. Enfin, je rappelle que le postulat n’a été accepté que grâce à la voix prépondérante de la présidente, je vous invite donc à le refuser.
La discussion est ouverte.
Mon postulat demande effectivement que le canton de Vaud rejoigne l’Appel du Rhône. Comme l’a dit Mme la rapportrice de majorité, cette démarche est plutôt symbolique ; c’est un soutien à une démarche profondément citoyenne. Ce matin, nous avons eu un débat sur la désobéissance civile et la façon – réprouvée par certains – d’exprimer en tant que citoyen son désaccord avec des politiques publiques. Ici, nous avons une démarche citoyenne qui est plutôt positive, qui cherche à être extrêmement constructive, à tisser des ponts entre différentes collectivités publiques au niveau international. C’est une démarche de participation citoyenne autour de ce cours d’eau mythique de notre continent, le Rhône. C’est l’un des grands fleuves d’Europe : il prend sa source en Suisse, traverse toute la Suisse romande – puisque du glacier du Rhône en Valais jusqu’à ce qu’il quitte le territoire suisse, il aura traversé le Valais, le canton de Vaud via le lac Léman, puis le canton de Genève – avant de partir en direction de la France. Son premier delta est bel et bien dans le canton de Vaud, puisqu’il s’agit de la réserve des Grangettes. Ce cours d’eau est donc intrinsèquement lié à l’histoire de notre pays et de notre canton.
Aujourd’hui, ce que nous proposons – et que je vous invite à suivre avec la majorité de la commission – c’est un geste symbolique de la part d’une collectivité publique en soutien à une démarche citoyenne constructive pour faire évoluer notre regard sur le Rhône. Cette démarche pourrait avoir des impacts positifs importants sur notre vision de l’environnement. Ce qui est intéressant dans l’Appel du Rhône et dans cette démarche citoyenne, c’est justement d’essayer de dépasser les frontières, qu’elles soient locales ou nationales. En effet, la nature se moque bien de nos frontières étatiques ou même de nos frontières internes. Le Rhône se moque bien de savoir dans quel pays il coule ; sa biodiversité est importante pour tout l’écosystème qui gravite autour de lui et la protection dont il doit faire l’objet doit elle aussi dépasser les clivages nationaux, cantonaux et/ou communaux. Au fond, c’est l’esprit de cet Appel du Rhône et c’est dans cet esprit que Mme la conseillère d’Etat, à l’époque, était intervenue dans la commission en rappelant les différentes institutions nationales et internationales qui existent –notamment le Conseil du Léman – et qui visent le même genre d’objectifs.
Cette question d’offrir une personnalité juridique à des objets naturels, ce n’est pas une question que nous nous posons seuls dans notre coin ; cette question dépasse les frontières de ce canton et de ce pays et mérite une pleine et entière réflexion qui pourrait faire l’objet d’une réponse à ce postulat. C’est dans cet esprit de reconnaissance constructive d’une démarche citoyenne positive que je vous invite à suivre le rapport de majorité et à renvoyer ce postulat au Conseil d’Etat.
J’ai entendu à l’instant Mme la postulante faire l’apologie de son texte. De ce côté de l’hémicycle, on aurait peut-être parlé d’un postulat « qui ne mange pas de foin ». Exactement, me dit-elle… Néanmoins, j’y vois certains risques. Tout d’abord, je précise mes liens d’intérêts : vous le savez, je suis syndic d’Aigle et, en tant que député du Chablais, je suis particulièrement attaché à cette thématique. J’aime à dire que je fais de la politique, parce que la troisième correction du Rhône existe. Cela fait malheureusement déjà 17 ans que cette dernière est en cours et nous sommes à bout touchant par rapport à cette thématique.
Du côté du Chablais, le Rhône, jusqu’à son embouchure dans le lac Léman, est considéré comme un fleuve alpin ; il a des missions qui sont, de fait, très différentes. Je ne suis pas hydrogéologue ou hydraulicien, mais ce fleuve a effectivement un but très différent dans la Vallée du Rhône que celui qu’il a ensuite, sur la partie genevoise, puis française, jusqu’à son embouchure dans la mer. Il a ce rôle de fleuve alpin ; ce rôle de charriage et de collecte de différents sédiments ou de différentes autres rivières qui sont, ici ou là, renaturées.
Madame la présidente, je ne sais pas si c’était un lapsus, mais une prononciation rapide vous a fait dire « la paix du Rhône ». Effectivement, nous cherchons la paix du Rhône, mais l’Appel du Rhône qui nous intéresse ici concerne des formules liées à la préservation et à la prévention, ce qui est assez louable pour ce qui se trouve en aval de notre canton, à la sortie du lac Léman, mais aussi pour ce que l’on mettrait dans le lac Léman.
Depuis de nombreuses années, j’ai le sentiment que le canton travaille énormément – et je valorise ici le travail des services cantonaux et des différents chefs de département qui se sont succédé – sur la protection du milieu hydraulique. Nous avons vu, ici ou là, des renaturations de cours d’eau. À titre personnel, j’ai participé et je participe encore à la renaturation de la Grande-Eau. En tant que commune, nous avons même fait des propositions pour élargir le champ du possible sur des missions d’accueil au bord du cours d’eau, des missions de renaturation ou différents éléments cités dans les quatre axes de l’Appel du Rhône. Ces dernières années, d’énormes investissements ont également été consentis dans le cadre des STEPS locales ou régionales. Là aussi, j’ai participé et je participe encore à un projet de STEP régionale avec les communes d’Ollon, de Leysin, d’Yvorne, de Corbeyrier et d’Aigle pour faire beaucoup mieux. Traiter des micros polluants me paraît être une base, mais il y a tout le reste de ce projet qui va dans le sens d’une diminution des rejets et donc de la pollution de l’eau. Ceci, sans parler de toute la thématique de la protection de l’eau potable. Là aussi, en particulier dans le Chablais, un énorme travail a été fait, en marge de Rhône III, sur le réseau d’approvisionnement en eau potable et les différentes zones de protection.
Tout cela pour dire que je considère que nous sommes déjà relativement exemplaires. J’y vois un risque de complications – vous me direz que c’est peut-être un peu égoïste, parce que le Chablais fait son travail – pour le futur. Précisément, parce que ce processus avancé a déjà intégré bon nombre de milieux de protection de la nature, en particulier le WWF et ProNatura, mais d’autres également. Différents milieux – à l’époque, j’ai présidé l’Association de défenses du sol agricole – et différentes représentations ont déjà collaboré, de même que des riverains et différents acteurs mentionnés dans l’Appel du Rhône. En ce qui concerne notre région en tout cas, nous voyons aujourd’hui que c’est un projet qui est à bout touchant. J’ose le prétendre, nous avions travaillé avec Mme Métraux et plus récemment avec M. Venizelos pour faire avancer ce projet, mais ce sont plutôt nos amis valaisans, de l’autre côté du Rhône, qui mettent un peu des coups de frein, avec des enjeux extrêmement importants pour le canton de Vaud et pour ma commune, dans le sens des mesures actuelles très contraignantes qui sont concernées. Ces milieux ont déjà été intégrés. Je conçois l’aspect symbolique de ce projet, mais j’ai le sentiment que nous sommes en présence de la parfaite « fausse bonne idée » – avec toute la sympathie que j’ai pour Mme la postulante – avec cette proposition très franco-française. Vous le savez, je suis aussi proche des Français. Je comprends le but de cette démarche, en France ; je comprends la nécessité de pouvoir accompagner ces milieux aquatiques. De notre côté, ne soyons pas plus royalistes que le roi. Je vous encourage à éviter ce risque de complications pour le futur, alors même que nos réglementations fédérales, cantonales et même communales sont déjà restrictives – à juste titre – et permettent précisément de garantir un milieu aquatique sain. En mon nom personnel, mais aussi au nom du groupe PLR, je vous remercie de suivre la minorité de la commission et de classer ce postulat.
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