21_LEG_177 - EMPL Exposé des motifs et projet de loi modifiant le Code de droit privé judiciaire et rapport du Conseil d'Etat au Grand Conseil sur la motion Raphaël Mahaim et consorts - Médiation civile et assistance judiciaire : un couple qui peut faire bon ménage (17_MOT_006) et rapport du Conseil d'Etat au Grand Conseil sur le postulat Nathalie Jaccard et consorts – Médiation civile systématique : favoriser les accords plutôt que les longs procès (18_POS_095) (1er débat).
Séance du Grand Conseil du mercredi 13 décembre 2023, point 9 de l'ordre du jour
Documents
Transcriptions
Visionner le débat de ce point à l'ordre du jourCet exposé des motifs et projet de loi fait suite à deux interventions parlementaires déposées en 2017 par M. le député Mahaim et Mme la députée Jaccard qui ont été renvoyées au Conseil d'Etat. Elles avaient trait, d'une part, à la couverture des frais de médiation par l'assistance judiciaire et, d'autre part, au fait que les magistrats judiciaires peuvent recommander systématiquement la médiation lors de conflits de voisinage ou familiaux. Le Conseil d'Etat a donc répondu que la médiation est prévue dans le Code de procédure civile ; c'est un outil supplémentaire de règlement et de prévention des litiges par rapport à la procédure judiciaire classique. On voit qu’elle prend de plus en plus d'importance dans le contexte social actuel, mais il faut toutefois avoir à l'esprit que le médiateur ne possède aucun pouvoir décisionnel, ce qui place les parties dans un rapport horizontal avec lui.
Aujourd'hui, le Code de procédure civile traite de la médiation aux articles 213 à 218 et 297. Les frais de la médiation sont à la charge des parties, mais la gratuité peut être demandée en droit de la famille, à certaines conditions, comme le prévoit l'article 218, alinéa 2, du Code de procédure civile. On voit que les solutions transactionnelles sont plus durables et plus économiques du fait qu'elles tiennent compte d'éléments qu'un tribunal ne peut retenir. Sur un plan pratique, cela a plusieurs avantages. D'abord, c'est un processus qui garantit une confidentialité absolue. C'est un processus ouvert qui intègre les personnes concernées par le conflit. Et c'est un processus plus rapide et moins coûteux qu'une procédure judiciaire classique. Ainsi, pour répondre à la motion Mahaim, il a été proposé de compléter le Code de droit privé judiciaire (CDPJ) avec un nouvel article 39c qui précise les conditions d'octroi de l'assistance judiciaire, le moment du dépôt de la demande, l'étendue de la couverture, la durée et le principe de remboursement pour les cas de la médiation. C'est limité au cas où une procédure judiciaire est déjà ouverte, sinon cela étendrait de manière trop large les frais de la médiation hors procédure. Cette couverture porterait essentiellement sur les honoraires du médiateur et les frais annexes. De plus, il faut recourir à un médiateur qui est agréé et qui figure sur la liste établie par le Tribunal cantonal. La durée de cette médiation serait fixée à 10 heures, avec des possibilités pour le juge de la prolonger.
En revanche, le Conseil d'Etat n'a pas retenu le fait de pouvoir systématiquement recommander la médiation comme le demandait le postulat Jaccard. En effet, le juge doit pouvoir décider d'une médiation en fonction de la nature du litige et de la position des partis. Lors des travaux de la commission, il a été discuté des points suivants en particulier. Tout d'abord, concernant la question de la gratuité qui existe pour certains cas en droit de la famille, est-ce que cela changera quelque chose et ne touchera pas ce cas-là ? L'assistance judiciaire peut être octroyée, mais il faut quand même préciser que c'est remboursable et ce n'est pas une exonération de frais comme cela est prévu pour le droit de la famille. Qu'en est-il de la médiation pénale ? Elle n'est pas prévue par le Code de procédure pénale, mais cette question reste évidemment d'actualité. Toutefois, ce projet de loi ne concerne pas la médiation pénale.
Il y a eu quelques discussions au sujet de la durée prévue de 10 heures, prolongeable par le juge. Il apparaît que le juge n'a aucun regard sur la procédure, contrairement à une procédure judiciaire ordinaire. Il est donc juste de fixer un premier délai ; en fonction des avancements de la procédure de médiation, le juge pourra le prolonger, cas échéant.
Enfin, on se posait aussi la question de savoir si les deux parties ont le droit à l'assistance judiciaire. Il peut arriver que, dans une procédure ordinaire, par exemple dans le cas d'un divorce, seule une des parties ait droit à l'assistance judiciaire. Cela sera la même chose dans le cadre de la médiation et une nouvelle requête devra être faite. Voilà ce qui ressort des questions principales soulevées en commission.
Le Conseil d'Etat a fait le choix de ne pas aller dans le sens du postulat Jaccard, estimant qu'une recommandation systématique n'était pas forcément profitable, car le Code de procédure civile prévoit de toute façon la médiation et le fait que le juge puisse la recommander s'il l'estime nécessaire. Il n'y avait donc pas lieu d'ajouter un article à ce sujet dans le Code de droit privé judiciaire vaudois. Ce projet de loi et les articles proposés ont été acceptés à une grande majorité de la commission – si ce n'est à l'unanimité dans certains cas.
La discussion sur l’entrée en matière est ouverte.
Je me permets de prendre brièvement la parole pour rapporter la position du motionnaire, notre ancien collègue Raphaël Mahaim. Il s'agit ici de remercier le Conseil d'Etat pour ce projet de loi en tous points conforme à l'esprit de la motion déposée en 2017. La médiation civile revêt passablement d'avantages et cette modification légale permettra de la rendre plus attrayante. En effet, en permettant à la médiation civile d'être prise en charge par l'assistance judiciaire, lorsque les conditions sont remplies, la barrière financière tombe. Cette modification permettra sans nul doute de participer à l'économie des procédures, à la protection des parties, mais également au désengorgement de nos tribunaux. Les cautèles demandées ont également été prises en compte, afin d'éviter que cette procédure de médiation ne puisse être utilisée abusivement comme manœuvre dilatoire. En conclusion, il s'agit ici de soutenir, à l'instar du groupe des Vertes et des Verts, cette modification du Code de droit privé judiciaire vaudois en tous points conforme à l'esprit de la motion déposée.
Le projet de loi sur la médiation civile démontre une compréhension approfondie de l'importance croissante de la médiation civile comme outil complémentaire de résolution et de prévention des litiges. La motion de notre ancien collègue Raphaël Mahaim, comme l'a souligné mon collègue Kilian Duggan, demande d'intégrer la médiation dans le cadre de l'assistance judiciaire, ce qui est primordial. Elle facilite l'accès à la médiation pour celles et ceux qui pourraient avoir des contraintes financières. Cette approche contribue à promouvoir l'utilisation de la médiation en tant qu'alternative plus rapide et moins coûteuse à la procédure judiciaire. La fixation d'une durée maximale de 10 heures pour la médiation, avec la possibilité d'une prolongation sur requête, semble être raisonnable. Cela reflète en tout cas la volonté de prévenir tout usage dilatoire de la médiation, tout en permettant une certaine flexibilité en cas de nécessité.
Ce projet de loi qui vous est soumis aujourd'hui semble être une avancée positive dans la promotion de la médiation comme moyen efficace de la résolution des litiges. Les dispositions liées à l'assistance judiciaire, la durée de la médiation et la nécessité d'un médiateur agréé sont des éléments bien pensés qui renforcent la crédibilité et l'efficacité de la médiation dans le cadre du système juridique vaudois. La proposition d'utiliser la médiation en tant qu'outil de résolution de conflits basé sur l'égalité est bien fondée. La possibilité de distinguer entre les aspects conjugaux et parentaux d'un conflit et de se concentrer sur les intérêts et les solutions pour les enfants, par exemple, est un principe essentiel. Offrir un espace où les parties peuvent pleinement exprimer leurs préoccupations, entendre le point de vue de l'autre partie et travailler vers un compromis mutuellement acceptable est primordial.
Concernant le postulat que j'ai déposé, j'avais transformé la motion en postulat pour que le Conseil d'Etat puisse travailler et réfléchir sans la notion d'obligation à travers le mot « systématique » qui était notifiée dans l'intitulé et qui semblait être une approche plutôt pragmatique sans être liée par une obligation stricte, tout en reconnaissant la valeur de la médiation dans certaines circonstances. Dans sa réponse, le Conseil d'Etat indique qu'imposer la médiation de manière systématique pourrait être contre-productif, arguant la nécessité de laisser une marge de manœuvre pour évaluer la pertinence de la médiation au cas par cas.
Vous l'aurez compris, je regrette que le Conseil d'Etat ait buté sur le mot « systématique » alors que la transformation de la motion en postulat lui laissait des latitudes. Enfin, si je reconnais que chaque situation est unique et que les approches doivent être quelques fois flexibles, il est néanmoins souhaitable que la voie de la médiation soit recommandée aussi souvent que possible. Mais j'ai toutefois confiance en ce nouveau projet de loi.
En conclusion, la médiation civile est une approche prometteuse pour la résolution des conflits. En particulier dans les contextes émotionnels complexes, la recommandation de la médiation, plutôt que son imposition systématique, offre une approche équilibrée qui reconnaît la diversité des situations et la nécessité d'une flexibilité dans la résolution des conflits. Dès lors, je vous recommande d'accepter le rapport du Conseil d'Etat et d'accepter ce projet de loi.
Le groupe socialiste soutient bien évidemment tout processus de médiation. On le voit dans de nombreux conflits conjugaux, le processus de médiation peut souvent permettre de trouver des solutions qui ne pourraient pas être trouvées directement au tribunal. La médiation est souvent utile, notamment dans les conflits de voisinage. Par conséquent, il est évident que les frais de prise en charge de la médiation, notamment pour les personnes qui sont soutenues par l'assistance judiciaire, doivent couvrir cette prise en charge pour permettre à toute personne d'accéder au principe de la médiation. C’est pour cette raison que nous soutenons cette modification.
En ce qui concerne l'idée d'imposer la médiation, si les gens ou les parties ne sont pas prêts à entrer en processus de médiation, cela peut être trop rapide. C'est pour cela je m'étais opposé, en commission, à l'introduction d'une systématique de la médiation. Bien évidemment, la médiation peut être soutenue et proposée aux partis, mais à chaque fois, dans chaque litige privé, dans chaque litige civil, il faut attendre que les personnes soient prêtes à entrer en médiation. Pour ces raisons, le groupe socialiste soutiendra ce projet de loi.
Au nom du groupe PLR, je vous invite également à soutenir la proposition de modification législative, ainsi que les réponses apportées aux postulats Jaccard et Mahaim. En substance, pour le groupe PLR, il apparaît cohérent de soutenir la démarche de la médiation, qui est un outil utile et qui permet de décharger les tribunaux d'un certain nombre de dossiers. Elle permet également de trouver des solutions parfois plus constructives que des jugements qui imposent des solutions justiciables. Dans ce cadre, notamment s'agissant du fait que de nombreux justiciables ont malheureusement besoin de recourir à l'assistance judiciaire, il apparaît cohérent d'étendre la couverture de cette dernière à la procédure de médiation, étant aussi précisé que l'assistance judiciaire n'est pas une prise en charge de l'entier des frais de justice et des frais du médiateur ou de la médiatrice par l'Etat, mais uniquement une avance, puisque les justiciables sont ensuite tenus au remboursement.
La discussion est close.
L’entrée en matière est admise à l’unanimité.
Il est passé à la discussion du projet de loi, article par article, en premier débat.
Article premier. —
Art. 39c. —
En commission, cet article a été accepté par 13 voix et 1 abstention.
L’article 39c est accepté à l’unanimité.
Les articles premier et 2, formule d’exécution, sont acceptés à l’unanimité.
Le projet de loi est adopté en premier débat.
Je demande le deuxième immédiat.
Retour à l'ordre du jourLe deuxième débat immédiat est admis à la majorité des trois quarts (109 voix et 5 abstentions).
Deuxième débat
Le projet de loi est adopté en deuxième débat et définitivement à l’unanimité.
Rapport du Conseil d'Etat au Grand Conseil sur la motion Raphaël Mahaim et consorts - Médiation civile et assistance judiciaire : un couple qui peut faire bon ménage (17_MOT_006)
Décision du Grand Conseil après rapport de la commission
La discussion n’est pas utilisée.
Le rapport du Conseil d’Etat est approuvé à l’unanimité.
Rapport du Conseil d'Etat au Grand Conseil sur le postulat Nathalie Jaccard et consorts – Médiation civile systématique : favoriser les accords plutôt que les longs procès (18_POS_095)
Décision du Grand Conseil après rapport de la commission
La discussion n’est pas utilisée.
Le rapport du Conseil d’Etat est approuvé à l’unanimité.