19_MOT_093 - Motion Léonore Porchet et consorts - Agression homo/bi/trans-phobes : des chiffres indispensables !.
Séance du Grand Conseil du mardi 19 janvier 2021, point 20 de l'ordre du jour
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Visionner le débat de ce point à l'ordre du jourUne motion a été déposée au niveau fédéral. Le Conseil fédéral a indiqué, entre autres, qu’il s’agissait d’une prérogative cantonale, d’où le dépôt de Mme la députée Porchet. Selon le Conseil d’Etat, notre police est formée pour ce type de plaintes. Lors d’un dépôt de plainte, il n’existe pas de case spéciale avec la mention « orientation sexuelle » ou « agression d’origine homophobe ». Si une telle question était posée de manière systématique, cela reviendrait à ce que la police entre dans l’intimité de la personne plaignante. En effet, tout le monde ne veut peut-être pas faire son coming-out.
Tous les commissaires sont d’accord pour dire que ces agressions sont inadmissibles, mais pour les identifier comme homophobes, c’est plus compliqué, car nous n’avons que la version du plaignant et pas celle de l’agresseur. On ne peut pas établir une statistique fiable sur les suppositions de la partie plaignante, car il est difficile de savoir si cette agression est due à son genre LGBTQI+. La police est très réticente quant à cette façon de procéder, non pas parce qu’elle ne souhaite pas collaborer, mais elle craint qu’on lui reproche rétrospectivement un comportement caricatural ou un manque de tact. Mme la cheffe du département s’est engagée à inscrire cette problématique à l’ordre du jour de la Conférence latine des chefs des Départements de justice et police (CLDJP). Cet objet fera donc l’objet d’une discussion au cours de cette conférence.
La commission propose la transformation de la motion en postulat, sans l’accord de la motionnaire, par 8 voix contre 7. Le postulat a ensuite été accepté par 13 voix contre 2.
La motionnaire rejoint la démarche de députés d’autres cantons — parmi lesquels Neuchâtel, le Jura, le Valais, Fribourg, Berne et Zurich — qui souhaitent que les polices cantonales tiennent un recensement des agressions envers les personnes visées par le titre de cet objet parlementaire. Elle rappelle qu’à ce jour, les seuls chiffres connus, s’agissant des agressions homo/bi/trans-phobes, sont fournis par des associations privées comme Pink Cross ou Vogay, alors que ce rôle devrait être tenu par une institution publique. Sans statistique, il n’est pas possible de réaliser la gravité du problème, ni de le dénoncer, ni de le combattre. Les jeunes qui ne sont pas exclusivement hétérosexuels ont une santé physique et mentale bien moins bonne, un taux de suicide particulièrement élevé, voire parfois une consommation de drogue beaucoup plus importante que le reste de la population. Il serait donc opportun que le système judiciaire et la Police cantonale mentionnent désormais le caractère spécifiquement homo/bi/trans-phobe d’une agression. La récolte de ces chiffres légitimerait la mise en place d’une véritable politique publique en faveur d’une réduction des discriminations à l’égard de ces personnes et permettrait ainsi de savoir dans quelle proportion ces agressions évoluent.
Enfin, la motion demande aussi à ce que les formations de base ou continues soient proposées à l’ensemble de la hiérarchie. Aujourd’hui, elles sont facultatives, mais la motion souhaiterait qu’elles deviennent obligatoires. Cette motion traite donc des agressions subies par la communauté LGBTQI+. Nous avons affaire à des agressions spécifiques d’une catégorie d’individus qui ne supportent pas la manière de vivre et l’orientation sexuelle de personnes appartenant à cette communauté. Il convient de préciser que de nombreuses victimes ne déposent pas plainte, car il s’agit d’une épreuve supplémentaire. L’objectif n’est donc pas de catégoriser les personnes, mais de trouver des réponses adéquates, adaptées, et d’autres manières de réagir, telle que la justice réparatrice — l’exemple a été mentionné — qui éviterait que de tels actes ne se produisent ou ne se reproduisent. La police doit savoir si le motif de l’agression est à caractère homo/bi/trans-phobe, comme cela se fait déjà dans d’autres cantons avec le racisme ou le sexisme. Il s’agit aussi de lutter contre les outrages ou les insultes féroces portés à l’encontre d’adolescents qui, même s’ils ne font pas partie de cette communauté, subissent de telles insultes. Toutes les associations cantonales et quelques faîtières nationales reconnues dans le domaine se sont réunies autour de cette problématique et ont déposé une demande semblable dans treize cantons.
Face à la demande de transformer cette motion en postulat, nous rappelons que sans base légale, aucune avancée ne pourra être mise en place. Dès lors, afin d’obtenir ces chiffres, il convient de créer une nouvelle saisie de motifs dans le cadre d’un dépôt de plainte, suite à une agression, dans les documents policiers. Faute de quoi, seuls les chiffres des associations seront à disposition, lesquels seront toujours soumis à la critique. Pour toutes ces raisons, par 7 voix contre 8, la minorité de la commission vous recommande de ne pas accepter la transformation de cette motion en postulat. Elle vous recommande donc de maintenir le texte déposé par la motionnaire sans modification et de le renvoyer au Conseil d’Etat.
A l’issue de la discussion, il nous faudra d’abord voter sur la transformation de cette motion en postulat. Une fois que nous aurons déterminé la forme de ce texte, motion ou postulat, nous voterons ensuite sur le renvoi éventuel de cet objet au Conseil d’Etat.
La discussion est ouverte.
Je prends la parole au nom de notre ancienne collègue Léonore Porchet. Sa motion demande une base légale afin que les agressions basées sur l’orientation sexuelle et sur l’identité et/ou l’expression de genre soient répertoriées dans le canton et que ces données soient analysées dans un rapport, une base légale pour qu’une formation de base, tout comme des formations continues, sur la gestion des agressions à caractère homo/bi/trans-phobe soient proposées à toute la hiérarchie de la Police cantonale, de la police communale et du pouvoir judiciaire.
Le 9 février 2019, la population suisse a voté, à 63,1 %, en faveur d’une meilleure protection contre les discriminations homophobes, en incluant l’orientation sexuelle. Dans le canton de Vaud, 80,19 % de la population s’y est déclarée favorable. Afin de répondre à cette demande claire, il est nécessaire de disposer de statistiques officielles. Il s’agit d’une compétence cantonale. C’est ce que demandent les associations sur le terrain. Cela démontre bien qu’il s’agit d’un besoin réel pour lutter contre ce type d’agression.
Je voudrais encore appuyer l’importance de ce texte sous sa forme de motion, par besoin d’une base légale, afin que la formation soit inscrite dans la loi et pour que des statistiques pérennes servant d’outils de mesure soient établies. Ces statistiques pourront aussi, en temps voulu, évoluer pour déterminer s’il s’agit d’un autre type d’agression, par exemple des agressions racistes, du harcèlement sexuel ou des agressions basées sur les convictions des victimes. Pour éviter le caractère invasif du questionnaire, la formulation pourrait être travaillée de manière à laisser le choix à la victime de répondre ou pas. D’ailleurs, il ne faut pas oublier qu’une personne exclusivement hétérosexuelle peut également être victime d’une telle agression.
Dans la mesure où des formations sont déjà organisées dans notre canton et où la mise en place consiste donc essentiellement à ajouter une question et une case dans un formulaire, cette motion ne coûte pas grand-chose. En revanche, sa transformation en postulat ne fait pas de sens, car c’est précisément une base légale qui est nécessaire et demandée par la motionnaire et les associations. Le groupe des Verts soutiendra donc le texte de notre ancienne collègue sans modification ; il suivra le rapport de minorité et vous invite à en faire de même.
Je faisais partie de la commission qui a traité de cet objet. Si, sur le fond, le texte est tout à fait louable et digne de soutien, sur la forme, il ne me paraît pas adéquat. En effet, passer par une motion et inscrire ces demandes dans la loi va poser un problème aux personnes sur le terrain, à la gendarmerie et aux policiers qui devront intervenir directement. En plus, cela va à l’encontre de ce que l’on recherche aujourd’hui, puisqu’on tend à ne plus créer de groupes spécifiques de personnes. Or, avec cette motion, ce risque est encouru. D’ailleurs, certaines d’entre elles ne sont peut-être simplement pas prêtes à répondre à la question « faites-vous partie de tel ou tel groupe ». C’est la raison pour laquelle j’appuie la transformation de cette motion en postulat.
Il en va de ce thème comme des autres thèmes en matière d’égalité : il est nécessaire d’avoir des statistiques pour progresser. Il est indispensable de pouvoir quantifier la taille d’un phénomène pour pouvoir mettre en place des mesures. En effet, nous avons vécu une situation identique dans le cadre des violences domestiques – ou dans d’autres domaines ‑ qui n’étaient pas spécifiquement recensées. Ce n’est que lorsqu’on peut quantifier le phénomène que des mesures peuvent être prises, avancer et montrer qu’il y a effectivement un problème contre lequel il faut lutter. Je vous appelle donc à soutenir le rapport de la minorité de la commission.
On entend souvent que nulle nécessité n’existe d’entreprendre quoi que ce soit en l’absence de chiffres ; or, lorsqu’on en demande…il n’y en a pas besoin ! Nous sommes à deux doigts de penser que vous ne voulez pas prendre en compte ce problème. Quant à votre sollicitude sur notre vie privée, nous vous en remercions chaleureusement, mais ne pensez-vous pas qu’il serait plus judicieux de nous écouter ? Les associations qui s’occupent de ces personnes le demandent, elles savent bien mieux que vous ce qui est bon pour notre vie privée. Merci, mais non merci ! Ces chiffres sont importants, car ils permettent de mettre en lumière les discriminations et agressions que nous subissons, simplement à cause de notre orientation sexuelle. Nous soutenons donc ce texte sans modification, à savoir sous sa forme de motion.
Vous connaissez bien la locution latine verba volant, scripta manent, les paroles s’envolent, les écrits restent. Lorsqu’on parle d’homophobie, de transphobie, de LGBTI-phobie, les paroles ne sont pas des paroles « normales et attendues », ce sont de véritables agressions. On parle effectivement aussi d’agression par la parole, pas seulement par des coups. Si vous êtes sur un quai de gare et que vous dites au revoir à votre conjointe ou à votre conjoint et qu’une personne à côté de vous vient vous dire : « saloperie de pédé, il faudrait tous les cramer », ce n’est pas une possibilité qu’on vous offre, ce n’est pas un bon message qu’on vous donne mais une véritable agression.
Dans ce contexte, la nécessité d’avoir des statistiques et une formation — parce que la motion comprend bien ces deux éléments — est un élément central, spécifiquement pour la thématique des LGBTIQ+. En effet, vous l’avez lu dans le message qui vous a été envoyé hier, les agressions de type homophobe et LGBTIQ-phobe sont une réalité en pleine croissance. En 2019, il y a eu, en tout cas, une telle agression par mois annoncée et répertoriée. C’est là que réside le point central : nous parlons d’agressions annoncées et répertoriées, car seuls 10 à 20 % des agressions de ce type le sont effectivement, parce que les personnes ne les relèvent pas, parce qu’elles sont trop fréquentes ou parce que les victimes craignent de devoir aller porter plainte et d’être intégrées dans un système judiciaire que l’on sait difficile.
Le sujet est également sensible, parce que les victimes elles-mêmes se trouvent souvent déjà dans une position de faiblesse et de crainte par rapport au « monde extérieur ». C’est un point particulier des personnes LGBTIQ+, en comparaison avec d’autres thématiques tout aussi importantes que peuvent être la race, la religion ou d’autres critères. En effet, une personne LGBTIQ+ est malheureusement trop souvent isolée dans sa sphère intime, par rapport à sa famille ou son cercle amical. C’est-à-dire qu’une personne victime d’une agression LGBTIQ+ ne pourra pas forcément se tourner vers sa famille ni vers ses amis, parce que sa famille et ses amis ne le savent peut-être pas ou ont des positions négatives par rapport à cette personne. Ces personnes se retrouvent donc isolées, ce qui explique une prédominance des suicides, de l’utilisation de drogue, ou de dépression. Cela impose de pouvoir disposer de statistiques sur ce thème et de renforcer la formation sur ces points.
En ce qui concerne la protection des données, cela a été magnifiquement dit par ma préopinante. En effet, il est extrêmement malvenu d’opposer la protection des données à des associations et des personnes qui font spécifiquement partie des groupes qui demandent cette mention, en arguant qu’on cherche à les protéger contre elles-mêmes, parce qu’elles se refuseraient à donner ces informations. Personne ne demande à ce que ces personnes soient obligées d’inscrire qu’il s’agit d’une agression homophobe ou LGBTI-phobe, il s’agit d’une possibilité et d’une nécessité de tenir cette statistique. Dans ce cadre, la référence à la protection des données est simplement fausse et extrêmement malvenue.
En ce qui concerne la forme de ce texte, la motion est également nécessaire, parce qu’il est urgent d’intervenir. Nous savons que de telles agressions sont malheureusement en croissance ; elles risquent encore de l’être avec certains thèmes qui vont intervenir dans l’agenda politique cette année encore, notamment avec l’ouverture du mariage. Nous savons que c’est un sujet qui allume les pensées de certaines personnes et que, malheureusement, cela entraîne parfois des agressions. Finalement, lorsque vous considérez ces éléments uniquement statistiques, pensez que, derrière cette demande et derrière ces statistiques, il y a des gens qui sont potentiellement vos enfants, vos frères et sœurs ou vos amis. Rendez-vous compte du poids de votre vote et de la nécessité qu’on le sache.
Je m’exprime en mon nom propre et non au nom de la commission. Comment voulez-vous qu’une statistique soit fiable basée sur les seuls faits du plaignant et non pas de l’agresseur ? Selon moi, pour que la statistique soit fiable, il faudrait attendre le jugement pour savoir s’il s’agit d’une agression due au genre. En effet, le plaignant peut penser qu’il s’agit d’une agression due au genre, alors que l’agresseur n’a peut-être pas du tout pensé à cela. Certains cas sont sûrement avérés…
En commission, nous nous sommes aussi demandé si cette statistique ne risquait pas d’être un autogoal, parce que les associations augmentent les statistiques qu’elles tiennent par rapport aux vraies statistiques tenues par l’Etat. En outre, nous nous sommes aussi demandé où s’arrêter. Si vous voulez savoir le genre, j’aimerais savoir l’ethnie, la religion, le pays d’origine, etc. Pour que l’on puisse faire quelque chose, au niveau politique, nous devons savoir s’il s’agit de « bons Suisses », comme on dit, ou de personnes qui viennent de l’extérieur, qui sont plus agressives, s’il s’agit plutôt du Vaudois ou du Zurichois… Selon moi, cette statistique sera faussée. Faites attention à l’autogoal. En effet, si une statistique recense 100 personnes agressées à cause de leur genre, et qu’une autre statistique n’en donne 10, que va-t-on faire avec cela ? On dira que c’est marginal et qu’il ne faut rien faire du tout. Personnellement, je fais confiance au Conseil d’Etat. Quelqu’un nous a garanti — c’est inscrit dans les notes de séance — que la formation des policiers et des gendarmes a déjà lieu. Mme la conseillère d’Etat s’est engagée à en parler dans le cadre de la CLDJP ; je pense que nous pouvons lui faire confiance. Je ne vois pas pourquoi il faudrait inscrire cela dans la loi. Je pense qu’un postulat suffit, qu’il n’y a pas besoin d’une motion pour cela.
Je voulais réagir aux propos du député Volet. Monsieur le député, vous venez nous parler de statistiques, du fait qu’il faudrait être sûr du type d’agression que l’on souhaite répertorier. Je pense que vous avez tout faux. En effet, les statistiques que nous possédons concernent les plaintes pénales et les condamnations. Néanmoins, cela ne veut pas dire que l’infraction pénale a été réalisée, pourtant ce sont bien les chiffres dont nous disposons chaque année et qui sont publiés, notamment par la Confédération et le canton. J’ai un peu de peine à vous suivre sur le fait qu’il faudrait finalement disposer de ces chiffres en particulier.
De manière générale, on laisse la personne libre de répondre ou pas. Je traite passablement d’affaires relatives au droit pénal et je peux vous dire que, sur le plan des informations demandées à certaines victimes, on va beaucoup plus loin dans l’intimité. Je pense que c’est un faux problème. Effectivement, si la personne ne souhaite pas répondre, elle ne répondra pas. Je crois que nous avons expliqué les raisons pour lesquelles nous avions besoin, sur un plan indicatif, de tenir ces chiffres pour faire de la formation, mais aussi de la prévention. Franchement, j’ai de la peine à comprendre votre opposition fondamentale à l’obtention de ces chiffres, à moins que vous ne reconnaissiez pas qu’il s’agit d’un problème grave pour notre société et que nous devons lutter contre ce problème… C’est par le biais de ces chiffres que nous obtiendrons une meilleure vision de cette problématique et de la prévention qu’il y aura lieu d’appliquer par la suite. C’est la raison pour laquelle nous tenons aussi des statistiques en matière de violence conjugale. En conclusion, il est important d’avoir ces chiffres pour les praticiens du droit, mais aussi pour les praticiens de la prévention.
Une agression verbale ou physique est inadmissible, quelle que soit la personne visée. Arrêtons de mettre les gens dans des cases. Un postulat s’impose, et je vous remercie de vous en tenir à cette solution.
Je vais répéter, en substance, ce qu’a dit M. Mattenberger. En effet, il s’agit de saisir un motif qui peut être ajouté au rapport de police lors du dépôt d’une plainte. La récolte de ces chiffres permettrait ainsi de savoir dans quelles proportions les agressions évoluent. En effet, grâce à ces données une politique pourra voir le jour en la matière, de manière beaucoup plus ciblée, pour répondre aux agressions inadmissibles qu’un certain nombre de personnes subissent, sans que nous puissions réellement les défendre. Je vous recommande de soutenir la forme de la motion et de la renvoyer au Conseil d’Etat.
Je peine aussi à comprendre cette opposition d’une partie du plénum. Nous entendons qu’il s’agit d’une position sur la forme, alors que tout le monde partage le constat du nombre de plus en plus élevé et fréquent d’agressions envers une catégorie de la population. Il en va de notre responsabilité et de notre devoir de trouver des solutions pour protéger cette population. La proposition qui nous est faite d’avoir un renseignement statistique renforcera la visibilité de ce problème, permettra ensuite d’adapter les outils et les mesures à mettre en œuvre pour mieux protéger cette partie de la population. C’est ce qui est demandé avec cette motion. La forme de cette demande paraît tout à fait pertinente, puisque nous sommes compétents pour légiférer, pour voter des lois. C’est précisément ce que nous demandons au Conseil d’Etat aujourd’hui.
Nous avons entendu les engagements pris pour renforcer les échanges avec les autres cantons, pour renforcer la formation et la sensibilisation auprès des agents de police, mais nous estimons qu’il faut aller beaucoup plus loin, qu’il faut intégrer dans notre législation différents outils qui nous permettront d’avoir un véritable suivi pour prendre les mesures adéquates pour lutter contre ce fléau. C’est notre responsabilité, c’est notre rôle de députés, de voter des motions et de demander au Conseil d’Etat de légiférer.
J’avoue que je n’avais pas prévu de prendre la parole dans ce débat, mais j’ai été tellement outrée par ce que j’ai entendu que je me devais de réagir. Lorsque j’entends dire que ce n’est pas ce que pense ou ressent la victime, qui est important, mais qu’il faudrait demander à son agresseur ce qu’il avait en tête, je pense qu’on dépasse les limites… Je rappelle que la Loi fédérale sur l’aide aux victimes d’infractions (LAVI) indique que le droit à l’aide aux victimes existe que l’auteur de l’infraction ait été découvert ou non et qu’il ait agi intentionnellement ou par négligence. Cela postule bien que c’est finalement le ressenti de la victime qui est important. Pour que les victimes soient reconnues, il faut que le problème soit reconnu par la population. Et, pour qu’il soit reconnu, il faut que nous puissions chiffrer ces violences. C’est la raison pour laquelle je vous invite toutes et tous à accepter la motion telle qu’elle nous a été présentée.
Je ne peux que m’élever contre les propos tenus par M. Volet. Ses arguments ne tiennent pas dans le cadre d’un dépôt de plainte. Ce que demande M. Volet devrait se faire dans tous les cas qui sont pourtant possibles aujourd’hui. Vous imaginez, si on enregistrait le motif de plainte, comment une femme violée, victime de violence ou de harcèlement, aurait été jugée ? Et ceci, sans compter la problématique liée à l’enregistrement rétroactif qui relève carrément de l’impossibilité, car cela serait une vraie usine à gaz. Relevons qu’il s’agit également d’une demande relayée par une organisation qui défend ces victimes, qui émane de personnes victimes de cette problématique. S’il vous plaît, écoutez-les !
Une précision encore par rapport à ces statistiques. En effet, dire que l’on aurait pu et que l’on peut tirer des statistiques par rapport aux jugements est faux, pour toutes les raisons déjà évoquées, mais également parce que le droit suisse ne connaît pas, contrairement au droit français, des circonstances aggravantes spécifiées dans la loi par rapport au motif d’une agression, notamment l’agression homophobe. Cela fait que si vous vouliez dresser ce genre de statistiques, la seule possibilité que vous auriez serait de passer en revue l’entier des jugements qui sont rendus, en prenant l’entier des textes, et de sortir l’éventualité qu’une de ces agressions ait été qualifiée par le jugement, dans le cadre du développement, comme étant de nature LGBTIQ-phobe. Pratiquement, cela est impossible. C’est pour cela que la statistique au moment du dépôt de la plainte est importante, non pas parce que cela relève d’un ressenti ou d’une émotion sur le moment, mais bien parce que c’est à ce moment que l’on peut obtenir ces statistiques.
Bien entendu, le Conseil d’Etat s’en remettra à votre autorité. Je vous indique néanmoins que la Police cantonale travaille d’arrache-pied avec les associations pour mettre sur pied des cours. Depuis 2019, nous en avons déjà instauré à l’Académie de police de Savatan, mais nous améliorons encore ces cours en travaillant avec les associations, notamment avec Dialogai et le Pôle Agression & Violence (PAV). Nous prenons donc cette problématique très au sérieux.
Par ailleurs, un officier de police a choisi de faire son travail de fin d’études sur ce sujet. Cela permettra encore d’améliorer la prise en charge des victimes. Ce travail sera publié ce printemps, il en découlera des recommandations que nous intégrerons ensuite dans la prise en charge des victimes.
Enfin, la CLDJP aura lieu à la fin du mois de mars. A cette occasion, je demanderai un bilan des autres pratiques cantonales. Cela a été dit par l’un d’entre vous, cette motion a en effet été déposée dans plusieurs cantons. Je sais que certains d’entre eux ont accepté la motion en totalité, quand d’autres ont accepté la formation, mais pas la statistique, d’autres encore, ont accepté la statistique, mais pas la formation. Par conséquent, des acceptations partielles ou globales. Nous tirerons un bilan au printemps et nous verrons, dans le cadre de cette conférence, comment traiter la question de la base légale de la statistique, parce qu’il nous faut trouver le bon outil et le bon siège de la matière. Evidemment, cette problématique est prise en considération par la Police cantonale de manière très sérieuse. Encore une fois, nous ferons ce que votre autorité décidera.
La discussion est close.
La transformation de la motion en postulat est refusée par 69 contre 67 et 3 abstentions.
Je demande le vote nominal.
Retour à l'ordre du jourCette demande est soutenue au moins 20 députés.
Celles et ceux qui acceptent la transformation de la motion en postulat votent oui, celles et ceux qui la refusent votent non ; les abstentions sont possibles.
Au vote nominal, la transformation de la motion en postulat est refuséepar 71 voix contre 69 et aucune abstention.
*introduire vote nominal
Le Grand Conseil prend la motion en considération partiellement par 81 voix contre 50 et 8 abstentions.