Point séance

Séance du Grand Conseil du mardi 30 avril 2024, point 6 de l'ordre du jour

Texte déposé

Contexte

 

Le projet de décharge au lieu-dit « Tattes-de-Bogis », communes de Commugny et de Chavannes-des-Bois, figure au Plan Sectoriel vaudois des Décharges Contrôlées (PSDC, no 1-101). Ce site, d’une superficie d’environ 70 terrains de football, fait partie des sites prioritaires désignés par le Canton (PSDC, page 43).

 

Située en zone agricole, cette décharge devrait permettre le stockage durant une dizaine d’années d’environ 2 millions de m3 de matériaux d’excavation de type A (type gravats) et B (matériaux inertes, résidus vitrifiés, déchets de chantier faiblement pollués mais pouvant contenir de l’amiante), sur une hauteur d’environ 9 mètres après excavation.

 

Or, ce site figure à de nombreux inventaires de protection.

 

La fiche descriptive du PSDC indique du reste qu’en terme de contraintes, il y a lieu de « tenir compte du réseau écologique cantonal (REC) : dans un territoire d’intérêt biologique prioritaire (TIBP) un territoire d’intérêt biologique supérieur (TIBS) et une liaison biologique d’importance suprarégional ou régionale ». La « coordination avec le contrat corridor Vesancy-Versoix » y figure également comme remarque, ce corridor faunistique étant de grande importance.

 

En outre, le site des Tattes-de-Bogis se situe entre deux objets figurant dans plusieurs inventaires fédéraux, à savoir :

 

  • le complexe des Marais de la Versoix et, plus en amont, le Marais du Grand Bataillard, véritables écrins de biodiversité qui figurent à l’inventaire des zones alluviales et bas-marais d’importance nationale, et
  • le Bois de Porte qui figure à l’inventaire fédéral des sites de reproduction de batraciens d’importance nationale.

 

Le risque que ces inventaires soient contaminés par le stockage de matériaux inertes légèrement pollués sur le site des Tattes-de-Bogis est bien réel.

 

Sachant qu’on peut raisonnablement s’attendre à un trafic supplémentaire d’environ 75 camions par jour (150 passages par jour) généré par l’activité de la décharge, la problématique du site des Tattes-de-Bogis avait déjà été abordée par la minorité de la CTITM dans son rapport sur l'EMPD 23_LEG_111 concernant les travaux de réhabilitation des RC 3-C-S et 7-C-S qui longent les Tattes-de-Bogis. Pour mémoire, le Grand Conseil a renvoyé cet EMPD au Conseil d’Etat à l’issue de sa séance du 6 février 2024.

 

Alternative

 

Le Canton avait pourtant identifié un autre site, sis à une encablure des Tattes-de-Bogis, au lieu-dit « Trembley » (PSDC, no 1-102).  

 

Le site de Trembley a le double avantage d'avoir une plus grande capacité de stockage de déchets et de ne pas se trouver dans un réseau écologique cantonal, à côté de bas-marais protégés et à proximité d'un site de reproduction des batraciens d'importance nationale.  Par ailleurs, une déchetterie, une compostière et une STEP intercommunale sont déjà situées dans ce périmètre.

 

L'analyse multicritère des deux sites figurant dans le PSDC (page 62 et 64) est sans appel : le site de Trembley est de meilleure qualité et plus favorable que celui des Tattes-de-Bogis.

 

Pourtant, c’est ce dernier qui est retenu au stade actuel de la procédure.

 

Procédure

 

Le projet est encore en phase d’étude et fera l’objet d’un examen préalable par les services cantonaux avant d’être mis à l’enquête, probablement début 2025.

 

 

Coordination au niveau du Grand Genève

 

Indépendamment du choix du site, il est intéressant de relever que le bassin de la Versoix devrait bientôt accueillir trois décharges distantes d'à peine quelques kilomètres les unes des autres : une à Bellevue (GE) pour des matériaux de catégorie A, une à Vesancy (FR) pour une Installation de Stockage de Déchets Inertes (ISDI) et celle de Terre-Sainte (VD) pour des matériaux de catégories A et B.

 

S’il est – malheureusement - inévitable de prévoir des endroits de stockage pour ce type de matériaux, le fait de concentrer géographiquement ces trois sites pose la question de la concertation intercantonale et internationale au niveau du Grand Genève.

 

Cela soulève également des questions relatives à la quantité de matériaux d’excavation produits, aux besoins futurs de stockage de ces matériaux au vu de la plus grande durabilité des nouvelles constructions et des avancées en termes d’économie circulaire des matériaux de construction pouvant être valorisés.

 

Au vu de ce qui précède, j’ai l’honneur de poser les questions suivantes au Conseil d’Etat :

 

(1) Pour quelles raisons une décharge est-elle planifiée sur le site des Tattes-de-Bogis qui figure à de nombreux inventaires cantonaux et fédéraux ?

 

(2) Pour quelles raisons le site des Tattes-de-Bogis est-il préféré à celui de Trembley ?

 

(3) Une pondération des critères de sélection sera-t-elle encore faite entre le site des Tattes-de-Bogis et celui de Trembley ?

 

(4) Quelles études d’impacts sur l’environnement, les nuisances, le trafic et la sécurité ont ou seront menées ?

 

(5) En cas de réalisation de la décharge sur le site des Tattes-de-Bogis, quelles mesures de protection des inventaires cités dans la présente interpellation pourraient être prises ?

 

(6) Quelle est la coordination avec le canton de Genève et les autorités de France voisine sur le choix, l’emplacement et le nombre de décharges dans le Grand Genève ?

 

(7) La création de nouvelles décharges dans le canton tient-elle compte des avancées dans les domaines de la durabilité des nouvelles constructions et de la valorisation des matériaux  (économie circulaire) ?

 

 

 

Conclusion

Souhaite développer

Liste exhaustive des cosignataires

SignataireParti
Séverine EvéquozVER
Théophile SchenkerVER
Géraldine DubuisVER
Sébastien HumbertV'L
Felix StürnerVER
Pierre WahlenVER
Alberto MocchiVER
Yannick MauryVER
Didier LohriVER
David VogelV'L
Oscar CherbuinV'L
Anna PerretVER
Jacques-André HauryV'L
Blaise VionnetV'L
Claude Nicole GrinVER
Laurent BalsigerSOC
Jean-Louis RadiceV'L
Graziella SchallerV'L
Martine GerberVER
Alice GenoudVER
Sylvie PodioVER
Vincent BonvinVER
Yolanda Müller ChablozVER
Valérie ZoncaVER
Aurélien DemaurexV'L

Document

24_INT_82-Texte déposé

Transcriptions

Visionner le débat de ce point à l'ordre du jour
Mme Nathalie Vez (VER) —

La problématique du site des Tattes-de-Bogis sur les communes de Commugny et de Chavannes-des-Bois n’est pas nouvelle. Elle a déjà été abordée en début d’année par la minorité de la Commission thématique des infrastructures liées aux transports et à la mobilité (CTITM) dans son rapport concernant les travaux de réhabilitation de la route cantonale 7-C-S. Pour mémoire, cet objet a été renvoyé au Conseil d’Etat.

L’objet de la présente interpellation concerne cette fois-ci le projet de réalisation d’une décharge sur ce site qui est longé par cette même route cantonale. Cette décharge fait partie des sites prioritaires désignés dans le Plan cantonal de gestion des déchets et figure sur le Plan sectoriel des décharges contrôlées. Concrètement, cette décharge aurait une superficie d’environ 70 terrains de football et impliquerait une excavation d’une hauteur d’environ 9 mètres. En outre, elle engendrerait un trafic supplémentaire quotidien d’environ 75 camions de 40 tonnes – 150 passages par jour – afin de permettre le stockage durant une dizaine d’années d’environ 2 millions de m3 de matériaux d’excavation de type A et B, essentiellement des gravats et déchets de chantier faiblement pollués, mais pouvant néanmoins contenir de l’amiante.

Le problème vient du fait que le site des Tattes-de-Bogis est d’une grande valeur naturelle et figure dans de nombreux inventaires de protection, dont le réseau écologique cantonal. Il fait également partie d’un corridor faunistique de grande importance. En outre, ce site est situé entre deux objets figurant dans des inventaires fédéraux, à savoir : le Bois de Porte d’un côté et, de l’autre, les Marais de la Versoix et le Marais du Grand Bataillard, véritables écrins de biodiversité qui recèlent un nombre exceptionnel d’espèces et d’habitats faunistiques.

Les principaux impacts négatifs d’une décharge à cet endroit sont relativement obvies. Il s’agit avant tout de la pollution des sols et des eaux par infiltration des eaux souterraines se déversant dans la Versoix et in fine dans le lac Léman, ce risque étant accru par la déclivité du terrain. Or, chacun le sait, les ressources en eau doivent impérativement être protégées au vu notamment du stress hydrique qui nous guette de plus en plus. Il s’agit également des nuisances et de la pression que le trafic poids lourds induit par l’activité de la décharge exercerait sur la biodiversité précitée.

Enfin, ce trafic additionnel engendrerait un risque sécuritaire évident, sur une route cantonale où la vitesse autorisée est encore de 80 km/h et qui n’offre aucune infrastructure pour la mobilité active. Si des décharges pour stocker les matériaux d’excavation sont à ce jour un mal nécessaire, on peut se demander pourquoi sélectionner un tel endroit. La question se pose d’autant plus qu’à une encablure des Tattes-de-Bogis un autre site avait été sélectionné dans le Plan sectoriel vaudois des décharges contrôlées, au lieu-dit En Trembley, de l’autre côté du Bois de Portes. L’analyse multicritère montre que ce site est de bien meilleure qualité pour accueillir des matériaux de type A et B. En effet, il a le triple avantage de ne pas figurer dans des inventaires de protection environnementale ; d'avoir une plus grande capacité de stockage ; et d’héberger déjà une déchetterie, une compostière et une STEP intercommunale dans son périmètre.

Dans ces conditions, il est difficile – et c’est un euphémisme – de comprendre pour quelles raisons le site des Tattes-de-Bogis est préféré à celui de Trembley. Je ne suis du reste pas la seule à me poser des questions sur la planification des décharges dans ce secteur. En effet, une interpellation a récemment été déposée au Conseil national, intitulée : « Les Marais de la Versoix, zone alluviale d’importance nationale, aujourd’hui menacée ». De même, une motion a été déposée en 2023 au Grand Conseil genevois, intitulée « Sauvons la Versoix et ses rives ».

Enfin, on assiste à une multiplication et à une concentration géographique des projets de décharges dans le bassin de la Versoix. En effet, pas moins de trois décharges distantes d'à peine quelques kilomètres sont planifiées, à savoir une à Bellevue, dans le canton de Genève, une à Vesancy, en France voisine et celle des Tattes-de-Bogis dans notre beau canton. Cela interroge naturellement sur la concertation intercantonale et transfrontalière au niveau du Grand Genève et sur la collaboration entre les différentes régions qui le composent. En matière d’économie circulaire, ces planifications de décharges soulèvent des questions relatives aux besoins futurs de stockage des matériaux d’excavation au vu des avancées quant à la valorisation des matériaux, de l’encouragement général à rénover plutôt que de détruire et bâtir à neuf, et de la plus grande durabilité des nouvelles constructions.

En conclusion, par cette interpellation, j’ai l’honneur de demander au Conseil d’Etat :

Pour quelles raisons le site des Tattes-de-Bogis est-il sélectionné comme site prioritaire pour une décharge alors qu’il devrait être protégé, et compte tenu du fait qu’une alternative existe ? Quelles mesures le Conseil d’Etat entend-il prendre pour réduire les impacts, les nuisances et les risques sécuritaires engendrés par la réalisation d’une telle décharge si elle devait voir le jour ?

Je remercie enfin le Conseil d’Etat de bien vouloir clarifier la planification des décharges dans le Grand Genève et nous renseigner sur les besoins futurs en décharge, compte tenu des avancées en matière d’économie circulaire.

M. Laurent Miéville (V'L) — Président-e

L’interpellation est renvoyée au Conseil d’Etat qui y répondra dans un délai de trois mois.

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