Point séance

Séance du Grand Conseil du mardi 23 avril 2024, point 24 de l'ordre du jour

Texte déposé

En ces temps de de grande inquiétude sur le climat et la biodiversité, l'abeille a la cote. C'est normal, car l'importance de ce tout petit insecte est inversement proportionnelle à sa taille. En effet l'abeille sert à polliniser. La pollinisation correspond, chez les plantes à fleur, au transport du pollen des organes de reproduction mâle vers les organes de reproduction femelle pour permettre la reproduction sexuée. La pollinisation est une étape préalable à la fécondation dans le cycle de vie de ces plantes. Elle permet donc d'assurer une biodiversité essentielle à notre écosystème, à notre nature et donc à notre survie.

 

Je l'ai dis l'abeille a la cote et c'est donc tout logiquement que nous voyons un véritable essor des ruches urbaines, certaines entreprises s'étant même spécialisées dans l’installation clé en main de ruches à destination des entreprises. L'intérêt des entreprises étant, à n'en pas douter, de faire quelque chose en faveur de l’environnement... à moins qu'il s'agisse de greenwashing ? Finalement l'un ou l'autre c'est égal car le problème reste le même. En installant des ruches un peu partout on augmente fortement le nombre d'abeilles mellifères, ce qui n'est pas sans conséquences. En effet l’abeille à miel (mellifère/domestique) fait de la concurrence à un autre insecte encore plus important pour la pollinisation, l’abeille sauvage.

 

Les abeilles sauvages ne fabriquent pas miel mais sont essentielles à la pollinisation car les abeilles mellifères sont moins efficace en pollinisation, de plus chaque plante a sa sorte d'abeilles sauvage et ne peut être pollinisée que par celle-ci, comme par exemple les tomates. C'est donc en combinant les abeilles domestiques avec les abeilles sauvages qu'on couvre l'ensemble du besoin en pollinisation. Il y a donc un équilibre à trouver.

 

Mais l'équilibre est loin d'être atteint car 40 % des abeilles sauvages sont en danger d'extinction. Ceci étant notamment du à une récente forte augmentation du nombre de ruche d'abeille domestique, comme s'en faisait l’écho le reportage de Mise au Point, RTS, du 28.08.2022. Elles peinent à accéder aux fleurs car elles se retrouvent constamment en compétition avec abeilles à miel en constante augmentation. En découle des problèmes pour la croissance des abeilles sauvages, problèmes qui se répercutent de génération en génération menant à un affaiblissement progressif de toute l'espèce.

 

C'est pourquoi il est urgent de réfléchir à un meilleur encadrement de cette activité pour limiter le nombre de ruche ou mettre une distance entre les différents ruchers car force est de constater que l’essor des ruches d'abeilles domestiques, quelque soit la raison, à un impact sur la biodiversité et il faut agir avant que cette impact n'ait des conséquences fort désastreuses.

 

Le présent postulat demande donc au Conseil d'Etat d'étudier l'opportunité d'encadrer l'installation de ruches d'abeilles mellifères.

Conclusion

Renvoi à une commission avec au moins 20 signatures

Liste exhaustive des cosignataires

SignataireParti
Felix StürnerVER
Joëlle MinacciEP
Didier LohriVER
Sabine Glauser KrugVER
Cendrine CachemailleSOC
Théophile SchenkerVER
Sylvie PodioVER
Oriane SarrasinSOC
Marc VuilleumierEP
Elodie LopezEP
Géraldine DubuisVER
Vincent KellerEP
Vincent BonvinVER
Cédric RotenSOC
Anna PerretVER
Alberto MocchiVER
Martine GerberVER
Valérie ZoncaVER
Thanh-My Tran-NhuSOC
Pierre FonjallazVER
Jean-Louis RadiceV'L
Claude Nicole GrinVER
Hadrien BuclinEP
Nathalie JaccardVER

Documents

Rapport de la commission (22_POS_66) - Nicolas Suter

22_POS_66-Texte déposé

Transcriptions

Visionner le débat de ce point à l'ordre du jour
M. Nicolas Suter (PLR) — Rapporteur-trice

Ce postulat propose d'examiner la possibilité d'un équilibre entre les abeilles sauvages et mellifères. Certains acteurs commerciaux sont à l'origine d'une augmentation du nombre d'abeilles mellifères en installant des ruches dans les entreprises ou sur les toits en ville. Cette tendance laisse moins de place aux abeilles sauvages, qui sont nécessaires, car certaines plantes, comme les tomates, ne sont pollinisées que par les abeilles sauvages. Cette situation est un danger pour le développement des abeilles sauvages qui voient leur espèce s'affaiblir.

Le postulat demande que le Conseil d'Etat examine ce problème et, en cas de besoin, qu'il mette en place des moyens pour réguler les ruches mellifères. Le vétérinaire cantonal explique que la direction des affaires vétérinaires et de l'inspectorat s'occupe du recensement, notamment pour contrôler les épizooties.

Depuis 2010, la traçabilité de l'abeille en tant qu'animal de rente est introduite. Un système de recensement mis en place depuis 2014 permet de garder une vue d'ensemble sur le nombre d'apiculteurs et apicultrices ou de colonies, ainsi que les emplacements de base des ruches. L'apiculture était en déclin, mais depuis quelques années, un engouement est observé dans les centres urbains liés à des prestations fournies par des entreprises qui se spécialisent et se multiplient. Le nombre de ruchers et d’apiculteurs reste stable, mais ces implantations dans les villes explosent – la ville de Lausanne en compte une centaine.

Il n'existe pas de base légale sur le nombre de ruchers sur le territoire vaudois. Toutefois, les apiculteurs ont l'obligation d'annoncer l'installation d'un nouveau rucher, ce qui permet un recensement précis. La chaire de la division biodiversité et paysage ajoute que l'importance des abeilles sauvages n'est reconnue que depuis 2015. Selon certaines estimations, les abeilles sauvages pollinisent 70 à 80 % de l'ensemble des espèces végétales, dont de nombreuses sont consommées par les êtres humains. Ce postulat permettrait d'effectuer une analyse sur la présence des différentes espèces d'abeilles et leur impact sur la biodiversité. Il manque actuellement une base scientifique pour déterminer une limitation de la densité des colonies d'abeilles et pour rendre compte de la concurrence entre les abeilles sauvages et domestiquées.

Ce postulat est souple et le service est compétent pour y répondre afin de préciser l'encadrement permettant aux personnes qui installent des ruches d'agir et de préserver des abeilles sauvages. La commission recommande au Grand Conseil de prendre en considération ce postulat par 11 voix contre 1 et 3 abstentions.

M. Laurent Miéville (V'L) — Président-e

La discussion est ouverte.

Mme Céline Misiego (EP) —

Je remercie le rapporteur de la commission pour ce bon résumé. En ces temps de grande inquiétude concernant le climat et la biodiversité, l'abeille a la cote. C'est normal, car l'importance de ce tout petit insecte est inversement proportionnelle à sa taille. En effet, l'abeille sert à polliniser. Dans la plupart des espèces de plantes à fleurs, la pollinisation, suivie d'une fécondation, est indispensable à la formation des graines et des fruits. Si la pollinisation n'a pas lieu, par exemple en raison d'insuffisance de pollinisateurs spécialisés, la production de fruits et de graines est gravement affectée. Elle permet donc d'assurer une biodiversité essentielle à notre écosystème, à notre nature et donc à notre survie.

L'abeille a la cote et c'est donc logiquement que nous assistons à un véritable essor de ruches à destination des entreprises. Mais cela pose un problème, car en installant des ruches un peu partout, on augmente fortement le nombre d'abeilles mellifères, ce qui n'est pas sans conséquence. Et c’est à ce problème que souhaite répondre mon postulat. En effet, l'abeille à miel, mellifère ou domestique, fait de la concurrence à un autre insecte encore plus important pour la pollinisation : l'abeille sauvage. Les abeilles sauvages ne fabriquent pas de miel, mais elles sont essentielles à la pollinisation, car elles sont plus efficaces. De plus, chaque plante a sa sorte d'abeille sauvage et elle ne peut être pollinisée que par celle-ci – par exemple, les tomates. Selon certaines estimations, les abeilles sauvages pollinisent 70 à 80 % de l'ensemble des espèces végétales dont de nombreuses sont consommées par les êtres humains.

C'est donc en combinant les abeilles domestiques ou mellifères avec les abeilles sauvages qu'on couvre l'ensemble du besoin en pollinisation. Il y a donc un équilibre à trouver. Mais cet équilibre est loin d'être atteint actuellement, car 40 % des abeilles sauvages sont en danger d'extinction ; cela est notamment dû à une récente pollinisation des abeilles domestiques. Elles peinent à accéder aux fleurs, car elles se retrouvent constamment en compétition avec les abeilles à miel. En découlent des problèmes pour la croissance des abeilles sauvages, problèmes qui se répercutent de génération en génération et qui mènent à un affaiblissement progressif de toute l'espèce.

L'apiculture nécessite beaucoup de compétences. Lorsqu'elle s'implante en agglomération, elle est souvent prise en charge par des personnes n'ayant pas l'aptitude ou le temps nécessaire, ce qui mène à des situations qui dégénèrent. Sensibilisation et formation paraissent donc indispensables. C'est pourquoi il est urgent de réfléchir à un meilleur encadrement de cette activité pour limiter le nombre de ruches ou mettre une distance entre les différents ruchers, car force est de constater que l'essor des ruches d'abeilles domestiques a un impact sur la biodiversité. Il faut donc agir avant que cet impact n’entraîne des conséquences désastreuses. Mon postulat demande donc au Conseil d'Etat d'étudier l'opportunité d'encadrer l'installation de ruches d'abeilles mellifères.

M. Loïc Bardet (PLR) —

Le groupe PLR remercie la postulante d'avoir amené la discussion sur les abeilles sauvages. Le principal problème pour la survie des abeilles sauvages ne se trouve pas, comme on l’entend régulièrement à la campagne, dans les pratiques agricoles, mais plutôt dans le développement trop important des ruchers urbains. De ce fait, la majorité du groupe PLR va soutenir la prise en considération du postulat. Toutefois, il y aura aussi des abstentions au sein de notre groupe, afin que la mise en œuvre de ce postulat puisse être la plus souple possible.

M. Alberto Mocchi (VER) —

Sans grande surprise, le groupe des Vertes et des Verts soutiendra ce postulat qui pose de bonnes questions. Je déclare mes intérêts : je suis secrétaire général de Pro Natura Vaud, qui s'occupe notamment de défense de la biodiversité en ville et de la protection des abeilles sauvages. A un certain moment  – dans les années 2000-2010 – je pense qu’on a fait fausse route en imaginant qu'en implantant des ruchers en ville, on allait améliorer la biodiversité et permettre davantage de pollinisation ; en fait, c'est tout l'inverse qui s'est passé, malheureusement, et il est temps aujourd’hui de revenir en arrière.

Je ne rejoins pas mon collègue Bardet quand il dit que le problème majeur des abeilles sauvages est la concurrence des abeilles mellifères en ville ; il y a d'autres problèmes à la campagne, sur lesquels on pourrait discuter longuement, mais on sait que, en milieu urbain, ce problème de concurrence existe. Il est urgent de prendre des mesures pour y remédier et de revenir en arrière sur ce qui était très clairement une fausse bonne idée.

M. Laurent Balsiger (SOC) —

Le groupe socialiste remercie notre collègue Céline Misiego pour ce postulat important, ainsi que le président de la commission pour son excellent rapport. Il rappelle que la vie et la diversité de celle-ci se développent dans le cadre d'un fragile équilibre souvent malmené par nous, les êtres humains, parfois d'ailleurs sans le vouloir et partant de bonnes intentions. Nous vous invitons à soutenir ce postulat pour veiller à ce que les abeilles sauvages puissent continuer à jouer leur rôle unique et irremplaçable. Elles jouent un rôle clé pour la pollinisation de certaines espèces, notamment les tomates.

Mme Séverine Evéquoz (VER) —

Je ne pouvais pas ne pas prendre la parole pour soutenir ce postulat ; il est temps de se rendre compte qu’il y a deux catégories d'abeilles : l'abeille domestique européenne que l’on connaît bien et 615 espèces d'abeilles sauvages, en Suisse, qui sont très discrètes parce qu’elles ne produisent pas de miel ; elles ne sont donc pas aussi visibles que la très symbolique abeille mellifère. La plupart de ces petites abeilles sont sauvages, solitaires et ne vivent pas très longtemps – 4 à 6 semaines. Ensuite, elles construisent leur nid et nourrissent leurs larves ; plus d'un tiers de ces abeilles, en Suisse, sont liées à certaines plantes récoltant exclusivement le pollen d'une espèce, d'un genre ou d'une famille de végétaux. Par conséquent, elles ne peuvent se développer qu’aux endroits où de telles fleurs sont disponibles en abondance.

Ne faisons pas un débat ville-campagne ; ces abeilles sauvages sont présentes en zone agricole, mais aussi en ville. Elles ont simplement besoin de lieux de nidification tels que des surfaces non exploitées, étendues, ouvertes, des haies ou encore des tas de pierres, des lieux présents autant en campagne qu'en ville. Dès lors, on peut aménager des espaces pour ces petites abeilles sympathiques et ne pas céder à un débat ville-campagne. Il faut simplement soutenir toute démarche qui permettrait de laisser le plus de chances possible à ces petites abeilles, puisque de nombreuses espèces sont sur la liste rouge. Vous trouvez nombre d'autres informations sur le site de la Confédération que je représente ; j'annonce mes intérêts, je travaille pour l'Office fédéral de l'environnement et vous invite à soutenir ce postulat.

M. Laurent Miéville (V'L) — Président-e

La discussion est close.

Le Grand Conseil prend le postulat en considération avec plusieurs avis contraires et abstentions.

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