Point séance

Séance du Grand Conseil du mardi 19 mars 2024, point 35 de l'ordre du jour

Texte déposé

Selon le site internet de l’EPFL[1], « le secteur de la construction contribue à 39% des taux d’émission de gaz à effet de serre au niveau mondial, dont 11% résultent directement de la fabrication de matériau de construction tels que l’acier, le ciment et le verre. Le recours systématique au béton représente actuellement l’un des principaux freins à la réduction de ce lourd bilan carbone. Changer cette pratique est ainsi devenu la priorité de nombreuses et nombreux architectes et ingénieurs sensibilisés à cet enjeu ». Le béton est indispensable pour des nombreux chantiers, notamment dans la mobilité (ponts, tunnels, etc.) ou les énergies renouvelables (barrages, éoliennes, etc.) ; l’enjeu est donc de l’utiliser à bon escient, lorsque c’est indispensable, et de chercher à le remplacer par des matériaux plus durables partout où c’est possible.

 

Dans le cadre de son travail de master en architecture à l’EPFL présenté le 30 septembre 2022 à Genève lors de la Quinzaine de l’Urbanisme, Jeremy Morris s’est intéressé à l'utilisation du béton et de la terre crue : il dévoile les complexités d’un système et de ressources limitées. Il a identifié trois mesures qui ouvrent des pistes pour réduire l’usage du béton en favorisant celui de la terre crue.

 

Premièrement, l'architecte propose de changer le statut juridique du matériau excavé, afin de le faire passer de «déchet» à «ressource». «La terre crue peut être construite et déconstruite, ce qui est plus difficile pour le béton, dont l’usage devrait vraiment se limiter aux éléments structurels des bâtiments et aux infrastructures de génie civil», commente le diplômé sur le site internet de l’EPFL.

 

Comme deuxième mesure, le jeune architecte suggère un soutien étatique à ce type de construction, jusqu’à ce qu’une véritable économie circulaire se mette en place. En effet, le recours à la terre crue est toutefois onéreux face au béton, qui reste la solution la meilleure marché, malgré son lourd impact environnemental. «La France construit près de 400 logements en terre crue provenant d’excavations faites à Paris grâce à un soutien européen», explique l’architecte toujours sur le site internet de l’EPFL. De trop rares exemples existent aussi dans notre Canton, comme la Maison de l’Environnement.

 

La troisième mesure vise à encourager la formation continue en pisé et en terre crue, deux techniques qui recourent à l’usage de matériaux durables et renouvelables, pour réduirel’utilisation systématique du béton. Elle demande aussi logiquement une intégration pleine et entière de cette formation aux cursus académiques suisses des métiers de la construction ainsi qu’un soutien financier à la recherche dans cette technique, afin d’en améliorer encore le potentiel. En effet, un changement radical au niveau de la vision et de la philosophie de la pratique architecturale et constructive doit être opéré.Jeremy Morris, architecte dipl. EPFL, en est bien conscient : «Je ne suis pas naïf, je sais que ces mesures exigent beaucoup d’efforts. Mais un changement radical au niveau de la vision et de la philosophie de la pratique architecturale et constructive doit être opéré, en mettant en place des processus plus coopératifs entre les systèmes, afin d’atteindre une économie plus circulaire».

 

Au vu des enjeux importants de réduire notre consommation de béton le plus rapidement possible, en cherchant à le remplacer par des matériaux plus durables partout où c’est possible, tant pour le climat que pour notre environnement (moins de besoins de gravière, etc.), et des révisions en cours des lois sur l’énergie et sur la gestion des déchets, les membres du Grand Conseil soussignés ont l’honneur de demander au Conseil d’Etat d’étudier la possibilité de :

  • changer le statut juridique du matériau excavé normé, afin de le faire passer de «déchet» à «ressource» ;
  • subventionner l’utilisation de la terre crue ou de tout autres matériaux durables et locaux se substituant au béton, que ce soit dans les nouvelles constructions ou rénovations ;
  • proposer et soutenir des formations en pisé, en terre crue, et en bois tant dans les formations de base des métiers de la construction que dans des formations continue ;
  • que la notion d’exemplarité soit respectée pour toutes les nouvelles constructions et rénovations du Canton, notamment :
    • en étant conforme au Standard de construction durable suisse (SNBS)[2] et
    • en s'assurant que les appels d’offres de génies civil soient équitable entre les modes de construction, c’est-à-dire que les études de statique, les cahiers des charges, et le tableaux de chiffrage soient de même niveau de détail pour toutes les variantes.

 

[1] Cf. https://actu.epfl.ch/news/favoriser-la-terre-crue-au-lieu-du-beton-pour-chan/#:~:text=C'est%20le%20cas%20de,celui%20de%20la%20terre%20crue.

[2] Cf. https://www.kbob.admin.ch/kbob/fr/home/themen-leistungen/nachhaltiges-bauen/standard-nachhaltiges-bauen-schweiz.html

Conclusion

Renvoi à une commission avec au moins 20 signatures

Liste exhaustive des cosignataires

SignataireParti
Hadrien BuclinEP
Sébastien HumbertV'L
Valérie InduniSOC
Sylvie PodioVER
Nathalie JaccardVER
Olivier GfellerSOC
Laurence CretegnyPLR
Oscar CherbuinV'L
Claude Nicole GrinVER
Daniel RuchPLR
Yolanda Müller ChablozVER
Elodie LopezEP
Jacques-André HauryV'L
Romain PilloudSOC
Nathalie VezVER
Alexandre RydloSOC
Felix StürnerVER
Patricia Spack IsenrichSOC
Julien EggenbergerSOC
Yves PaccaudSOC
Cendrine CachemailleSOC
Alice GenoudVER
Joëlle MinacciEP
Alberto CherubiniSOC
Muriel ThalmannSOC
Sébastien CalaSOC
Denis CorbozSOC
Aurélien DemaurexV'L
Isabelle FreymondSOC
Carole SchelkerPLR
Cédric RotenSOC
Monique RyfSOC
Rebecca JolyVER
Théophile SchenkerVER
Sandra PasquierSOC
Guy GaudardPLR
Pierre FonjallazVER
Cloé PointetV'L
Pierre WahlenVER
Marc VuilleumierEP
Sylvie Pittet BlanchetteSOC
Vincent JaquesSOC
Yannick MauryVER
David VogelV'L
Blaise VionnetV'L
Vincent BonvinVER
Mathilde MarendazEP
Graziella SchallerV'L
Martine GerberVER
Carine CarvalhoSOC
Oriane SarrasinSOC

Documents

Rapport de la commission - RC 23_POS_39 - Nicolas.Suter

23_POS_39-Texte déposé

Transcriptions

Visionner le débat de ce point à l'ordre du jour
M. Nicolas Suter (PLR) — Rapporteur-trice

Mme Sylvie Chassot et M. Cédric Aeschlimann ont tenu les notes de séance, qu’ils en soient remerciés.

Ce postulat s’inscrit dans le cadre de l’enjeu important de décarboner le domaine de la construction. Si le béton, l’acier et le verre sont des matériaux indispensables, ce sont aussi des ressources précieuses qu’il faut utiliser à bon escient, notamment pour des infrastructures énergétiques et de transport. Pour éviter le gaspillage, le postulat s’appuie sur trois propositions de mesures, à savoir :

  • un changement de statut juridique du matériau excavé et normé, afin de le faire passer de déchet à ressource ;
  • un subventionnement de l’utilisation de la terre crue ou de tout autre matériau durable et local se substituant au béton ;
  • un soutien aux formations visant à l’utilisation de matériaux alternatifs au béton.

L’exemplarité de l’Etat est également mise en avant.

Voici quelques chiffres qui concernent le canton :

  • consommation annuelle de granulats naturels 1,8 millions de m;
  • production annuelle de matériaux d’excavation : 2,1 millions de m3
  • production annuelle de terre crue : 5000 m3 .

La terre crue représente clairement un marché de niche ayant un potentiel de développement important, néanmoins freiné par les coûts, par l’absence d’infrastructures industrielles pour le développement et la production de ce type de matériaux, et aussi par un faible niveau de connaissances ou encore un manque de standards et de normes. Le Conseil d’Etat a annoncé, dans son Programme de législature, sa volonté d’être un canton pionnier de l’économie circulaire des matériaux. Différentes révisions législatives sont en cours, dans lesquelles s’inscrivent les constats posés à travers ce postulat. Le contre-projet direct à l’initiative « Sauver le Mormont » inclut le principe de l’économie circulaire des matériaux en s’inspirant de ce qui a été fait dans le canton de Zurich. L’article 35 de la Loi sur l’énergie révisée prévoit de favoriser l’usage durable des matériaux de construction. En outre, les services de l’administration planchent sur la révision de la Loi sur l’aménagement du territoire et les constructions (LATC) qui devrait répondre à la motion prévoyant de favoriser l’usage des matériaux alternatifs dans la construction. Enfin, la révision de la Loi cantonale sur la gestion des déchets est aussi engagée et les mécanismes financiers qui pourraient répondre notamment à la motion Volet « Graviers et déchets minéraux » sont en réflexion. Ils permettraient d’aller dans le sens d’une économie circulaire des matériaux.

La commission passe en revue les différents chantiers législatifs en lien avec ce postulat, et discute des utilisations possibles de la terre crue et de tout autre matériau alternatif au béton, ainsi que des freins à leur utilisation. Il s’avère que le coût, le manque de connaissances, ainsi que des propriétés mécaniques moins adaptées sont les principaux freins à l’utilisation des alternatives au béton. Lorsque le bilan du soutien à la filière bois sera disponible et permettra de savoir si la politique de subventionnement a réellement favorisé le recours à ces techniques, il sera éventuellement envisageable d’élaborer une politique similaire pour les autres filières de matériaux de construction locaux. Étant donné l’importance de ce domaine, les enjeux de la construction et les faisceaux de travaux dans ce domaine qui sont en cours, la commission soutient la prise en considération du postulat, par 13 voix et 2 abstentions.

M. Laurent Miéville (V'L) — Président-e

La discussion est ouverte.

M. Laurent Balsiger (SOC) —

Je remercie le président de la commission, notre collègue Nicolas Suter, pour son excellent rapport. J’aimerais encore mettre en avant quelques points qui me semblent importants. Le béton est indispensable à la réalisation d’infrastructures, notamment les ponts, les tunnels, les barrages, qui sont des ouvrages clés pour la nouvelle mobilité, pour l’énergie et pour la transition énergétique. Il est beaucoup trop précieux pour être gaspillé et doit donc être remplacé par d’autres matériaux locaux et durables, partout où c’est possible. A ce propos, je me réfère à un article publié dans Bilan le 12 septembre dernier, intitulé « Construction : l’ONU part en croisade pour décarboner le bâtiment ». Pour rappel, le bâtiment est responsable de 37 % des émissions mondiales de CO2 et doit engager une véritable révolution pour arriver à la neutralité d’ici 2050. De fait, la part de béton dans la construction mondiale devrait être réduite de moitié entre 2020 et 2060 pour que la décarbonation du bâtiment soit effective ; c’est ce qu’indique le rapport publié par le service environnement de l’ONU (PNUE), en lien avec une étude faite en lien avec l’Université américaine de Yale et une soixantaine de chercheurs dans le monde.

Ce sujet est aussi traité au niveau fédéral par de nombreuses interventions et cela me réjouit, ainsi que le fait que ce postulat ait été largement soutenu. Cela a été rappelé : le postulat se base sur le travail de master d’un étudiant en architecture de l’EPFL. J’aimerais mettre l’accent sur deux points qui me semblent fondamentaux pour les changements auxquels nous aspirons. Premièrement, il s’agit de soutenir – notamment par des subventions, mais pas seulement – l’utilisation de la terre crue, ou tout autre matériau durable et local se substituant au béton, que ce soit dans les nouvelles constructions ou dans les rénovations. Les subventions dont nous avons largement parlé au point précédent de notre ordre du jour ont démontré leur importance pour faire émerger de nouvelles technologies et habitudes ; on peut penser notamment aux panneaux photovoltaïques et aux pompes à chaleur. Deuxièmement, il s’agit des formations. En effet, si les professionnels n’ont pas les éléments nouveaux qui leur permettent de dimensionner et réaliser des projets de construction sans béton ou avec des procédés différents, cela ne se fait pas ; on reste dans les habitudes de ce qu’on a appris à l’école. Il est donc indispensable d’avoir des cours sur l’utilisation de ces matériaux locaux et durables, au niveau des formations continues et aussi de base. Pour conclure, je suis très reconnaissant qu’une thématique aussi stratégique pour décarboner le secteur de la construction soit cosignée par plus de 50 d’entre vous, de tous bords politiques, et qu’elle soit soutenue par la Commission énergie et environnement. Je vous invite à en faire autant.

M. Laurent Miéville (V'L) — Président-e

La discussion est close.

Le Grand Conseil prend le postulat en considération avec 6 avis contraires et quelques abstentions.

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