Postulat Sébastien Cala et consorts - Violences domestiques : une prise en charge appropriée aux besoins des victimes
Sébastien Cala
05.11.2024
DJES
DITS, DEIEP
24_POS_49
-
Renvoyé à commission, 12.11.2024
Texte déposé
Les violences domestiques touchent en moyenne 2 personnes pour 1'000 habitant·e·s et engendrent quatre interventions policières quotidiennes sur le territoire cantonal[1]. Depuis 2015, le nombre de cas a augmenté de 20%[2]. Comme le mentionnait à juste titre le Conseiller d’Etat Vassilis Venizelos dans un quotidien vaudois, « les violences domestiques sont un fléau »[3].
Le Grand Conseil a récemment discuté de plusieurs textes en lien avec cette problématique ou sera amené à le faire. La motion Minacci (23_MOT_9) concernant la séquestration des armes à feu dans les cas de violences domestiques ou encore les postulats Thalmann (22_POS_4) et (22_POS_57) relatifs au suivi des auteurs de violences domestiques ou celui (24_POS_41) relatif à la mise en place d’un numéro d’urgence accessible par des applications de messagerie classiques.
Au préalable, diverses mesures ont été mises en place ces dernières années par le Conseil d’Etat, notamment un plan stratégique en 2011 et, en 2015, les emblématiques mesures « Qui frappe, part ! » visant à renforcer les expulsions du domicile conjugal ou familial des auteurs de violences[4].
Au niveau fédéral, Le Conseil fédéral a récemment annoncé la mise en consultation d’une modification de la Loi fédérale sur l’aide aux victimes d’infractions (LAVI) relative à la prise en charge des victimes de violences domestiques et sexuelles. L’avant-projet vise à assurer l’accès à une aide médico-sociale qu’il y ait dépôt de plainte ou non et souhaite assurer aux victimes l’accès à un service spécialisé. Ce dernier étant de compétence cantonale[5].
Un récent témoignage spontané auprès du soussigné amène les soussignées et soussignés à s’interroger quant à la prise en charge actuelle des victimes de violences domestiques dans le Canton. La victime a fait état de plusieurs prises de contacts avec la gendarmerie pour « des voies de fait, destruction d’objets, comportements agressifs »[6] durant son mariage. A chaque reprise, les éléments ont été, selon ses dires, « pris à la légère »[7].
En septembre dernier, la victime, mère d’une enfant mineure, a contacté le 117 en pleine nuit après avoir fui le domicile conjugal avec sa fille suite à une violente dispute où elle a reçu de nombreux coups et a été menacée de mort. Blessée physiquement et en état de choc, cette mère de famille a été dirigée vers le poste de gendarmerie de la Blecherette à 30 min environ du lieu d’où elle avait téléphoné. Arrivés sur place, mère et enfant ont attendu environ 30 min supplémentaires dans une salle obscure avant que quelqu’un ne les accueille malgré deux nouveaux appels au 117. Deux gendarmes ont ensuite pris la déposition de la victime, en présence de son enfant, ce qui n’est pas le plus approprié à la situation.
A la fin de la déposition, il a été précisé à la victime que c’était à elle de déposer plainte « mais que cela ne [l’]aiderait ni pour le divorce, ni pour la réconciliation et qu’ils [les gendarmes] ne pouvaient rien de plus pour [elle] »[8]. Dans le cadre d’un couple marié, les voies de fait réitérées, les menaces (art. 180 al 2 lettre a et abis CP), les lésions corporelles simples (art. 123 al 2 CP) se poursuivent pourtant d’office. Les gendarmes lui ont par ailleurs conseillé de trouver un logement d’urgence et de contacter l’Unité de médecine des violences (UMV) du CHUV dans les prochains jours. Aucune documentation ne lui a été transmise. La victime a dû trouver elle-même un logement pour la nuit pendant que son mari était au domicile conjugal. Elle est donc ressortie ainsi malgré les blessures et l’état de choc, avec sa fille mineure.
Cette mère de famille précise avoir par la suite été très bien prise en charge à l’UMV, par le Centre Malley Prairie et le Centre LAVI Vaud où elle a reçu l’accompagnement psychologique et social nécessaire mais regrette, à juste titre, le manque d’appui et de considération lors de sa prise en charge par la gendarmerie.
Il est clair qu’un unique exemple ne peut refléter le travail quotidien des forces de l’ordre face aux violences domestiques. La victime ajoute d’ailleurs avoir été bien reçue quelques jours plus tard dans un autre poste de gendarmerie. Suite à sa seconde déposition, une dénonciation pénale a été enregistrée.
A la lecture de ce cas, il ressort toutefois un manque de compétences parmi les gendarmes qui ont reçu cette victime de violence domestique. A ce titre, et en lien avec la consultation fédérale en cours, il apparait judicieux d’étudier quels sont les besoins et attentes des victimes au moment de leur prise en charge par la gendarmerie. Il serait également intéressant d’évaluer quelles sont les obligations et quels sont les besoins de la gendarmerie pour renforcer la prise en charge des victimes de violences domestiques. Les polices de Lausanne, Yverdon-les-Bains et Région Morges ont mis en place des unités avec du personnel spécifiquement formé pour la gestion des violences domestiques[9] et un processus de suivi particulier pour de telles type de violence.
Ce type d’approche devrait aussi être développé à l’échelle cantonale. Les unités pourraient être complétées ou soutenues en cas de besoin par des psychologues et/ou des assistantes et assistant sociaux afin d’accompagner au mieux les victimes.
Au vu de ce qui précède, les soussignées et soussignés ont dès lors l’honneur de demander au Conseil d’Etat de :
- Débuter un projet pilote visant à mettre en place une unité spécialisée dans la prise en charge des cas de violences domestiques à l’échelle cantonale et un processus d’accueil et de suivi particulier ;
- De documenter les résultats de ce projet pilote par une étude prenant en considération la perception des victimes de violences domestiques quant à leur prise en charge par l’unité susmentionnée.
[1] Bureau de l’égalité entre les femmes et les hommes-BEFH. (2023). Les chiffres de la violence domestique. Années 2015-2022. (N°3). Lausanne : BEFH, p. 9.
[2]Ibidem.
[3] Simone Honneger, « Les chiffres ne reflètent pas le ressenti du terrain », 24Heures, 07.10.2024.
[4]https://www.vd.ch/etat-droit-finances/egalite-entre-les-femmes-et-les-hommes/violence-domestique (Consulté le 27.10.2024).
[5]Avant-projet de révision partielle de la loi sur l’aide aux victimes LAVI, « Rapport explicatif en vue de l’ouverture de la procédure de consultation », 09.10.2024
[6] Témoignage spontané et anonymisé du 25 septembre 2024 recueilli par S. Cala
[7]Ibidem
[8]Ibidem
[9] Maxime Schwarb, « La police morgienne se met à l’écoute de toutes les victimes », 24Heures, 20.09.2024 https://www.prm-vd.ch/victimes/ (Consulté le 3.11.2024)
Conclusion
Renvoi à une commission avec au moins 20 signatures
Documents
Lien | Type |
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24_POS_49-Texte déposé | Intervention parlementaire |
Séances dont l'objet a été à l'ODJ
Date | Décision |
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12.11.2024 | - |
05.11.2024 | - |
Liste exhaustive des cosignataires
Signataire | Parti |
---|---|
Hadrien Buclin | EP |
Théophile Schenker | VER |
Cédric Echenard | SOC |
Julien Eggenberger | SOC |
Marc Vuilleumier | EP |
Sandra Pasquier | SOC |
Vincent Jaques | SOC |
Cendrine Cachemaille | SOC |
Patricia Spack Isenrich | SOC |
Denis Corboz | SOC |
Céline Misiego | EP |
Laure Jaton | SOC |
Anna Perret | VER |
Laurent Balsiger | SOC |
Carine Carvalho | SOC |
Martine Gerber | VER |
Muriel Thalmann | SOC |
Circé Fuchs | V'L |
Sébastien Pedroli | SOC |
Yves Paccaud | SOC |
Géraldine Dubuis | VER |
Cédric Roten | SOC |
Sébastien Kessler | SOC |
Alexandre Rydlo | SOC |
Aude Billard | SOC |
Sylvie Podio | VER |
Romain Pilloud | SOC |
Thanh-My Tran-Nhu | SOC |
Vincent Keller | EP |
Sylvie Pittet Blanchette | SOC |
Felix Stürner | VER |
Olivier Gfeller | SOC |
Yannick Maury | VER |
Vincent Bonvin | VER |
Elodie Lopez | EP |
Valérie Zonca | VER |