Détail objet

Auteur

Céline Misiego

Date du dépôt

25.06.2024

Département pilote

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Département en appui

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Identifiant

24_POS_35

Commission

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Délais réponse du CE

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Dernière décision du GC

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Texte déposé

L'accès à un logement stable, avec son nom sur la porte, est l'un des droits fondamentaux les plus élémentaires qui soient. C'est le socle sur lequel se construit toute vie en société, un pilier de la dignité humaine. Malheureusement, dans notre canton de Vaud et ailleurs en Suisse, l'itinérance et le sans-abrisme de longue durée sont des réalités qui touchent de nombreuses personnes, les privant de cette sécurité et de cette stabilité.

La Constitution suisse, dans son article 41.e, énonce clairement que "toute personne en quête d’un logement puisse trouver, pour elle-même et sa famille, un logement approprié à des conditions supportables". Il est essentiel de rappeler ce fondement juridique, car il proclame sans équivoque que l'accès au logement est un droit fondamental inaliénable, accessible à tous, quelle que soit leur situation économique ou sociale. La simple idée de pouvoir disposer de son propre logement avec son nom sur la porte ne devrait donc pas être un privilège, mais un droit pour chaque individu. Nous considérons qu'il est grand temps de faire du "Logement d'Abord" une priorité dans notre politique sociale, économique et humanitaire.

Malheureusement la réalité est toute autre. Aujourd'hui, dans notre canton de Vaud, un nombre considérable de personnes lutte pour trouver un logement stable. Certaines parcourent des années, voire des décennies, à la recherche d'un endroit où poser leurs valises de manière permanente. L'itinérance n'est pas simplement une absence de toit. Elle a des conséquences dévastatrices sur la vie des personnes touchées. Tout d'abord, elle complique considérablement la recherche et le maintien d'un emploi stable, perpétuant ainsi le cycle de la précarité. De plus, l'itinérance a un impact grave sur la santé mentale et physique des individus, tout en détruisant leurs relations familiales et sociales. Les coûts sociaux qui en résultent, tels que les frais de santé, les hospitalisations, les interventions des prestataires sociaux et les procédures judiciaires, sont exorbitants. Pour illustrer, loger une personne dans un hôtel coûte le double du prix que la collectivité devrait supporter si cette même personne vivait dans son propre appartement.



 

L'Europe a été témoin de l'émergence d'une approche révolutionnaire en matière de lutte contre l'itinérance de longue durée. Depuis 2008, la Finlande a mis en place un programme national ambitieux visant à fournir un logement à des personnes sans-abri, sans aucune condition préalable. Cette approche novatrice considère le logement comme une ressource fondamentale qui permet à la personne de mieux exercer ses droits et devoirs, ainsi que de développer son identité. Contrairement à une approche graduelle, qui espère que l'hébergement d'urgence mène à la stabilité, le "Logement d'Abord" offre dès le départ un chez-soi.Grâce à cette approche, la Finlande a réussi à diviser par deux le nombre de personnes sans logement personnel en moins de 15 ans. De plus, la situation sociale, sanitaire et économique de la majorité de ces personnes s'est nettement améliorée. Le gouvernement finlandais a investi initialement 240 millions d'euros pour construire et acquérir des logements, mais il économise maintenant 10 000 euros par an et par personne relogée. Cette approche démontre que l'investissement initial dans le logement abordable est non seulement humaniste, mais également économiquement pragmatique.

Dans le canton de Vaud, plusieurs établissements, dont La Fondation du Levant et l'établissement psycho-social du Rôtillon (Fondation de l’Orme), ont entrepris des projets de "Logement d'Abord" inspirés des modèles existants. Ces initiatives sont intégrées au pôle santé mentale et addiction de la DGCS et ont démontré des résultats prometteurs en termes d'amélioration de la situation socio-économique des personnes concernées.

- Fondation du Levant 
Le projet pilote « D’abord chez soi ! » a été lancé depuis 2018, soutenu par la Direction générale de cohésion sociale (DGCS) du Canton de Vaud et en collaboration avec la Fondation ABS et le Service de psychiatrie communautaire du CHUV. Basé sur le modèle housing first ou « Logement d’abord » le programme « D’abord chez soi ! » a pour but d’offrir un logement stable comme préambule à toute autre démarche visant à stabiliser l’état de santé de personnes qui remplissent les critères suivant : souffrir de problèmes d’addiction à des substances, être sans logement stable ou sur le point de le perdre, avoir entre 18 et 65 ans, être de nationalité suisse ou au bénéfice d’un permis de séjour valable. Dans une perspective de réduction des risques, l’abstinence n’est pas un prérequis à la participation au programme. propose un logement a des personnes. L’objectif est de favoriser l’autonomie et le rétablissement par l’accès à un logement individuel. L’accompagnement est assuré par une équipe mobile et réactive. Actuellement plus de 53 personnes sont suivies dans ce programme.

 

- EPSM Le Rôtillon 
A l'avant-garde dans la mise en œuvre du modèle du "Logement d'Abord" dans notre canton. Depuis 2012, l'EPSM Le Rôtillon a collaboré avec des gérances locales pour faciliter l'accès au logement autonome et pérenne pour des personnes en grande précarité psychosociale. Ils ont créé une gérance et conclu des baux à loyer avec d'autres gérances, offrant ainsi des contrats de sous-location aux personnes concernées. Ce modèle a déjà montré son efficacité dans l'amélioration de la vie de nombreuses personnes. Les taux de maintien en logement sont supérieurs à 80 %, et il y a une stabilisation de l'état de santé des bénéficiaires, réduisant ainsi leur recours aux services d'urgence.

De plus, les coûts directs du programme sont nettement inférieurs à ceux des établissements psycho-sociaux, ce qui en fait une approche économiquement viable. La revue médicale suisse a publié une évaluation du dispositif Housing first mise en place par l'EPSM du rotillon1. Les résultats sont plus que probant. L’évaluation de l’utilisation des services de soins aigus dans l’année qui précède et celle qui suit l’intégration dans le programme révèle les éléments suivants : la durée totale d’hospitalisations psychiatriques est passée d’en moyenne 81 jours les douze mois précédant le programme « chez soi d’abord » à 15 jours les douze mois suivant le programme.

Le nombre total d’hospitalisations psychiatriques a également diminué, passant d’en moyenne 1,31 les 12 mois précédant Housing first à 0,44 les 12 mois suivants.

L'évaluation économique compare les coûts directs entre le programme « chez soi d’abord » et un hébergement dans un établissement psycho-social de la filière psychiatrique. Le coût annuel moyen pour des prestations par personne en EMS psychosocial est de 76'000 à 118'000 francs par an. Ce coût en établissement de type housing first est de 50'000 francs par an. Le coût direct du programme est donc inférieur de 30 à 60 % à un hébergement en établissement psycho-social. 

L'efficacité du modèle "Logement d'Abord" est démontrée par une série de résultats convaincants qui témoignent de son impact positif sur les individus ainsi que sur la société dans son ensemble.

1. Taux de Maintien en Logement : L'un des indicateurs clés du succès du "Logement d'Abord" réside dans les taux de maintien en logement. Ces taux mesurent la capacité des bénéficiaires à rester dans leur logement à long terme, ce qui est essentiel pour leur stabilité. Les données montrent que les taux de maintien en logement dépassent généralement les 80 % dans les programmes "Logement d'Abord." Cela signifie que la grande majorité des personnes relogées par ce biais parviennent à maintenir leur logement de manière stable, mettant ainsi fin à leur situation d'itinérance.

2. Stabilisation de l'État de Santé : Le "Logement d'Abord" contribue également à la stabilisation de l'état de santé des bénéficiaires. Les personnes sans logement fixe sont souvent confrontées à des problèmes de santé graves, physiques et mentaux, qui sont exacerbés par leur précarité. En leur fournissant un logement stable, avec un accès à des soins de santé adéquats, le "Logement d'Abord" contribue à améliorer la santé des individus. Cela se traduit par une réduction significative des hospitalisations et des recours aux services d'urgence.

3. Réduction des Coûts Sociaux : Le "Logement d'Abord" s'accompagne d'une réduction notable des coûts sociaux pour la collectivité. Les personnes en situation d'itinérance ont tendance à recourir fréquemment aux services de santé, aux services sociaux, et à se retrouver impliquées dans des procédures judiciaires coûteuses. En leur offrant un logement stable, le programme réduit ces coûts en limitant le besoin de services d'urgence et en favorisant l'accès aux soins de santé préventifs. Par exemple, la durée totale d'hospitalisations psychiatriques diminue de manière significative, passant de plusieurs mois à quelques semaines seulement.

4. Contribution à l'Insertion Sociale : L'accès à un logement stable avec le "Logement d'Abord" favorise également l'insertion sociale des bénéficiaires. Les personnes sans logement fixe ont souvent du mal à maintenir des relations familiales et sociales stables. Le fait d'avoir un chez-soi leur permet de renforcer leurs liens familiaux, de retrouver un certain équilibre dans leur vie et de s'engager plus activement dans la société. Cela peut se traduire par une meilleure intégration professionnelle et une participation plus active à la vie communautaire.

5. Économiquement Rentable : Enfin, il est important de souligner que le "Logement d'Abord" s'avère économiquement rentable pour la collectivité. Bien que des investissements initiaux soient nécessaires pour créer ou acquérir des logements, les économies réalisées à long terme sont significatives. En conséquence, la collectivité économise des ressources précieuses tout en offrant une solution plus efficace et humaine aux personnes en situation d'itinérance.

En somme, les résultats du "Logement d'Abord" montrent que cette approche n'est pas seulement altruiste, mais également rationnelle d'un point de vue économique. Elle améliore la vie des individus, réduit les coûts sociaux et contribue à la stabilité sociale.


Partant de ces résultats plus que probant, tant du point de vue social, médical et économique, le présent postulat demande de passer à une phase de développement durable du housing first, avec un accès au programme d’une vingtaine de personnes par an, la professionnalisation du soutien à l’accès au logement, la pérennisation de l’équipe mobile et la poursuite d’une collaboration avec une palette large de partenaires du réseau socio-sanitaire.
 

 

1Revue médicale suisse, 2017 : « Chez soi d’abord » : se rétablir chez soi d’un trouble psychique sévère

 


 

Conclusion

Renvoi à une commission avec au moins 20 signatures

Documents

LienTitre
  24_POS_35-Texte déposéIntervention parlementaire

Liste exhaustive des cosignataires

SignataireParti
Jean-Louis RadiceV'L
Sébastien CalaSOC
Cendrine CachemailleSOC
Yves PaccaudSOC
Vincent BonvinVER
Claude Nicole GrinVER
Pierre ZwahlenVER
Patricia Spack IsenrichSOC
Nathalie VezVER
Hadrien BuclinEP
Joëlle MinacciEP
Vincent KellerEP
Sébastien KesslerSOC
Muriel ThalmannSOC
Valérie ZoncaVER
Yolanda Müller ChablozVER
Géraldine DubuisVER
Claire Attinger DoepperSOC
Martine GerberVER
Kilian DugganVER
Alexandre DémétriadèsSOC
Carine CarvalhoSOC
Elodie LopezEP
Marc VuilleumierEP
Sylvie PodioVER
Andreas WüthrichV'L

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