Motion Pierre Kaelin et consorts - Pour un système de perception de la taxe pour l'équipement communautaire équitable et respectueux du principe de la légalité

Auteur

Pierre Kaelin

Date du dépôt

06.12.2023

Département pilote

DITS

Département en appui

DITS, DFA

Identifiant

23_MOT_34

Commission

24_107

Délais réponse du CE

-

Dernière décision du GC

Renvoyée à commission, 12.12.2023

Texte déposé

 

Motion Pierre  Kaelin

 

Pour un système de perception de la taxe pour l’équipement communautaire équitable et respectueux du principe de la légalité

 

0. Préambule

 

La Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne précise, à l’article 17, Droit de propriété, alinéa 1 : « Toute personne a le droit de jouir de la propriété des biens qu’elle a acquis légalement, de les utiliser, d’en disposer et de les léguer ». En résumé, toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens.

 

En Suisse, dans la Constitution fédérale, la propriété figure au nombre des droits fondamentaux garantis au citoyen.

 

La Chambre Vaudoise Immobilière a signalé que certains propriétaires de terrains se voyaient imposer une taxe d’équipement communautaire, par exemple lors de l’élaboration d’un nouveau plan d’affectation, ceci même en l’absence de projet de construction ou de vente de terrain.

 

1. Enjeux

 

La taxe pour l’équipement communautaire, régie par les articles 4b et suivants de la loi cantonale sur les impôts communaux (LICom), est en vigueur depuis le 4 avril 2011. Cette taxe peut être prélevée par les communes à la suite du classement d’un terrain en zone à bâtir ou d’une augmentation des droits à bâtir sur un terrain déjà colloqué en zone constructible.

 

Cette taxe a été initiée par la motion 08_MOT_031. Déposée au Grand Conseil le 1er avril 2008, elle s’intitule « Pour permettre aux communes de financer leurs frais d’infrastructure en cas d’adoption d’un plan d’affectation ». Le texte de la motion relève notamment que la proposition constitue « une solution dans l’intérêt tant des propriétaires, qui peuvent ainsi valoriser leur terrain, que de la collectivité qui peut financer les frais engendrés par ces nouveaux logements et habitants ».

 

Introduite dans bon nombre de communes, la taxe pour l’équipement communautaire suscite diverses interrogations et critiques juridico-politiques notamment à la suite de nombreuses décisions de taxation notifiées par la Ville de Prilly au printemps 2022.  

 

En vertu de la LICom, la taxe peut être perçue dès que la mesure de classement d’un terrain en zone à bâtir ou celle visant à augmenter les droits à bâtir sur un terrain constructible est en vigueur, c’est-à-dire avant même que le propriétaire n’ait bénéficié de la plus-value réelle sur le plan financier.

 

 

 

 

 

2. Principales bases légales

 

L’article 4b, alinéa 1, de la LICom prévoit que « les communes peuvent prélever une taxe pour couvrir les dépenses d'équipement communautaire communal ou intercommunal lié à des mesures d'aménagement du territoire ».

 

L’article 4c, alinéa 1, de la LICom prévoit que « les mesures d'aménagement du territoire doivent augmenter sensiblement la valeur d'un bien-fonds et peuvent prévoir notamment : a. le classement d'une zone inconstructible en zone à bâtir ou en zone spéciale ; b. la modification des prescriptions de zone engendrant une augmentation des possibilités de bâtir ».

 

L’article 4e, alinéa 1, de la LICom prévoit que « la décision fixant la taxe est notifiée dès l'entrée en vigueur de la mesure d'aménagement du territoire (…) ». L’alinéa 2 ajoute que « par voie conventionnelle, la commune peut différer la perception de la taxe ou accorder un plan de paiement avec ou sans intérêts de retard ».

 

3. Problèmes

 

3.1. Aspect inéquitable et confiscatoire

 

Selon le système prévu actuellement par la LICom, le propriétaire dont le terrain fait l’objet d’une décision de classement en zone à bâtir ou d’augmentation des droits à bâtir doit payer la taxe pour l’équipement communautaire dès l’entrée en vigueur de cette décision même si aucun projet de construction ou de vente du terrain n’est prévu.

 

En d’autres termes, le paiement de la taxe est exigé même lorsque l’augmentation des droits à bâtir n’est d’aucune manière valorisée par le propriétaire. Ainsi, le propriétaire peut se retrouver dans la situation de devoir s’acquitter d’une taxe, pouvant le cas échéant porter sur plusieurs dizaines de milliers de francs, sans qu’il bénéfice d’une quelconque rentrée financière. Cela vaut même pour les propriétaires d’appartements, c’est-à-dire les propriétaires de lots dans un immeuble constitué en propriété par étages situé sur un terrain bénéficiant d’une augmentation des droits à bâtir.  

 

Les modalités de perception de la taxe pour l’équipement communautaire telles que prévues par la LICom présentent à l’évidence un caractère inéquitable et confiscatoire dans la mesure où le propriétaire d’un terrain (ou les copropriétaires d’un terrain dans le cas d’une propriété par étages) peut être amené à devoir s’endetter - pour autant qu’il trouve un prêteur disposé à lui fournir les liquidités nécessaires - pour payer une taxe liée à une mesure d’aménagement du territoire ne produisant aucun effet concret pour lui.

 

Certes, la LICom prévoit la possibilité pour la commune de différer la perception de la taxe au travers d’une convention conclue avec le propriétaire du terrain. Cette possibilité ne résout toutefois en rien le problème de base : en effet, il n’y a aucune obligation de prévoir dans la convention que la taxe n’est exigée qu’au moment où les droits à bâtir sont valorisés (au travers d’un permis de construire) ou que le terrain est vendu. 

 

3.2. Non-respect du but de la taxe

 

Les modalités de perception de la taxe telles que prévues dans la LICom sont contraires au but même de la taxe pour l’équipement communautaire. Comme le rappelle le texte de la motion qui est à l’origine de cette taxe, celle-ci a pour objectif d’amener les propriétaires dont les terrains bénéficient d’un classement en zone à bâtir ou d’une augmentation des possibilités de bâtir à contribuer au financement des infrastructures publiques (écoles, crèches, espaces publics, etc.) dont le développement est rendu nécessaire par l’augmentation du nombre de logements et d’habitants. Or, tant que les droits à bâtir supplémentaires ne sont pas valorisés par un propriétaire, ceux-ci n’amènent aucun nouvel habitant et n’engendrent aucune activité économique additionnelle nécessitant l’adaptation des équipements communautaires.

 

3.3. Incompatibilité avec le système de perception de la taxe sur la plus-value

 

Lorsque le Parlement fédéral a décidé, le 15 juin 2012, d’instaurer dans la loi fédérale sur l’aménagement du territoire (LAT) une taxe sur la plus-value applicable dans tous les cantons, il a fixé des principes de perception équitables, contrairement à ce qui est prévu dans la LICom en lien avec la taxe pour l’équipement communautaire. En effet, le texte de la LAT précise que la taxe sur la plus-value ne peut être exigée qu’au moment où un terrain est construit ou aliéné (article 5, alinéa 1bis). Soit à des moments où le propriétaire du terrain bénéficie d’une rentrée financière réelle. Le Grand Conseil a mis en œuvre ce système de perception de la taxe sur la plus-value à l’article 69 de la loi cantonale sur l’aménagement du territoire et les constructions (LATC).

La taxe communautaire d’équipement pourrait être perçue, par exemple, à la délivrance d’un permis de construire ou à la vente d’un terrain, et ceci éviterait de pénaliser les petits propriétaires. De plus, comme le font certaines communes, le montant de la taxe peut être indexé sur la base de l’indice des prix à la consommation et, avec une inscription au registre foncier.

 

3.4. Illégalité

 

Dans un récent article juridique intitulé « L’exigibilité de la taxe d’équipement communautaire », deux spécialistes reconnues, le professeur Yves Noël et Me Matthieu Carrel, arrivent à la conclusion suivante : « Le système vaudois de perception de la taxe pour l’équipement communautaire, dont l’exigibilité est laissée à la libre appréciation de l’autorité, viole, à notre sens, le principe de la légalité et de l’égalité de traitement. On ne peut par ailleurs pas exclure qu’il viole également la règle d’exigibilité posée à l’article 5, alinéa 1bis, de la loi fédérale sur l’aménagement du territoire, dès lors que la taxe pour l’équipement communautaire est calquée quant à son objet et son fait générateur sur la taxe sur la plus-value (…) ». (Cahiers des droits réels et de la propriété, CdDR avril 2023, Propriétaires Services SA).

 

 

 

 

 

 

4. Conclusion

 

Nous demandons au Conseil d’Etat de proposer une modification de la LICom, en particulier à l’article 4e, pour que la taxe pour l’équipement communautaire ne puisse être exigée qu’au moment où le terrain est construit ou aliéné. Le Conseil d’Etat pourra, le cas échéant, s’inspirer des modalités de perception de la taxe sur la plus-value dans le canton de Vaud (article 69 LATC).

 

Conclusion

Renvoi à une commission avec au moins 20 signatures

Documents

LienType
 23_MOT_34-Texte déposé Intervention parlementaire

Séances dont l'objet a été à l'ODJ

DateDécision
12.12.2023 -
06.12.2023 -

Liste exhaustive des cosignataires

SignataireParti
Guy Gaudard PLR
Aurélien Demaurex V'L
Marion Wahlen PLR
José Durussel UDC
Fabrice Moscheni UDC
Jean-Louis Radice V'L
Pierre-Alain Favrod UDC
Jean-François Thuillard UDC
Laurence Cretegny PLR
Florian Despond PLR
Stéphane Jordan UDC
Thierry Schneiter PLR
Josephine Byrne Garelli PLR
Marc Morandi PLR
Pierre-François Mottier PLR
Pierre-André Romanens PLR
Philippe Germain PLR
John Desmeules PLR
Regula Zellweger PLR
Mathieu Balsiger PLR
Jean-François Cachin PLR
Jean-Daniel Carrard PLR
François Cardinaux PLR

Partager la page

Partager sur :