Interpellation Sabine Glauser Krug et consorts - Information ou publicité ? Les limites de l'exercice

Transmise au CE, 21.06.2022

Texte déposé

Pro Senectute a organisé une conférence gratuite et sur inscription, qui s’est tenue le 31 mai dernier ayant pour thème « La nutrition pour une vie meilleure ». Elle était donnée par Peter Brabeck-Letmathe, Président émérite de Nestlé S.A. Monsieur Brabeck-Letmathe est diplômé de l’Université du Commerce Mondial de Vienne, où il a obtenu une licence en économie. Il a dirigé le groupe Nestlé de 1997 à 2008, après avoir dirigé des sièges locaux de la même entreprise depuis 1970. Il a conservé la direction du groupe jusqu’en 2017. Il est actuellement membre du Conseil d’administration du Forum économique mondial.

Nestlé a depuis quelques années adopté un discours marketing qui s’oriente vers une amélioration de la santé. Quand, en 2007, le groupe veveysan investissait des centaines de millions de francs pour développer le Nestlé Institue of Health Sciences (NIHS), il ne cachait pas son objectif d’étoffer sa gamme de produits ultra-transformés en « alicaments », ou produits à mi-chemin entre aliments et médicaments. Le but de ces produits : diminuer les risques de diabète ou d’obésité.

Le paradoxe est que les produits ultra-transformés de Nestlé, même suite à une révision des recettes pour réduire les acides gras trans ou la teneur en sucre, ont tendance à créer des déséquilibres nutritionnels, notamment suite au raffinage des composants et à des ingrédients toujours surdosés pour maintenir l’envie de les consommer.

Nestlé a également introduit le Nutri-Score sur l’étiquetage de ses produits, qui permet « d’évaluer le contenu énergétique d’un produit mais également les nutriments à limiter tels que le sucre, les acides gras saturés et le sodium et les ingrédients à favoriser tels que les fibres, les protéines et la proportion de fruits, légumes et noix », donnant l’illusion que les aliments ultra-transformés peuvent répondre aux besoins nutritionnels d’un individu durablement en bonne santé.

Ce nutri-score ne tient en aucun cas compte de l’aspect qualitatif des nutriments et des besoins individuels des consommateurs.

Peter Brabeck-Letmathe, qui, rappelons-le, a une formation en économie et non pas en nutrition ni en médecine, est donc intervenu pour cette fameuse conférence. Nous sommes donc en droit de nous demander si celle-ci vise bien à améliorer les connaissances nutritionnelles de son public (varier les aliments, adopter des modes de préparation préservant les nutriments,…) ou à promouvoir les produits de l’entreprise qui l’a porté (et vice versa) ces dernières décennies.

Ce cas de figure pourrait parfaitement être acceptable dans un cadre publicitaire privé. Mais Pro Senectute, organisatrice de cette conférence, voit 39 % de son budget annuel issu de subventions fédérales, et 26 % de subventions cantonales. Il y a donc lieu de se questionner sur le contenu des propos et sur la pertinence d’un tel coup de publicité, vraisemblablement financé de manière importante par la collectivité.

Ainsi, j’ai l’honneur de poser au Conseil d’État les questions suivantes :

1. Le Canton cautionne-t-il l’organisation d’événements commerciaux indirectement subventionnés, et donc aux frais du contribuable ? Si oui, pour quelles raisons et de quelle manière ?

2. Dans le contexte de crise écologique actuelle, estime-t-il légitime de promouvoir des produits alimentaires avec un impact de production sur l’environnement si important ?

3. Dans quelle mesure estime-t-il légitime de promouvoir les alicaments auprès du public de Pro Senectute, qui plus est par un représentant du monde des affaires plutôt que par un représentant de la recherche ou de la santé ?

4. Le Canton est-il consulté quant aux événements organisés par Pro Senectute et au courant du budget d’organisation d’un tel événement ?

5. Quelles sont les conditions permettant à Pro Senectute de bénéficier des subventions cantonales ?

Conclusion

Ne souhaite pas développer