Le système suisse de formation favorise les parcours atypiques
Une scolarité en voie générale ou en voie prégymnasiale laisse toutes les portes ouvertes grâce à des passerelles entre les filières professionnelle et académique. Témoignage.
Guillaume Massy, 35 ans, connaît le système de formation par cœur: il en a expérimenté la richesse et la souplesse rendant possible l’accès aux hautes écoles universitaires après un apprentissage ou aux hautes écoles spécialisées après une maturité gymnasiale. Cet ancien élève de VSO (voie secondaire à options, aujourd’hui supprimée) a construit son parcours petit à petit, et a pris en main sa formation après y avoir trouvé du sens. «La clé, nous confie ce chargé d’enseignement à la Haute École pédagogique vaudoise, c’est de trouver quelque chose qui plaise. On a de la chance avec notre système de formation actuel, car tout est possible!»
Son parcours en est une illustration. «Enfant, je lisais beaucoup, j’étais dans mon monde. Du moins, c’est ce que j’entendais autour de moi», sourit Guillaume Massy, qui poursuit: «Je n’étais pas un élève excellent, car je ne voyais pas pourquoi j’étais à l’école. Je faisais ce qu’on me demandait de faire, mais je n’en comprenais pas la finalité... J’ai été orienté en VSO.»
Trouver du sens
Arrivé en fin de scolarité, il lui a fallu se poser la question de la suite. Très bon élève en travaux manuels, il était plutôt attiré par les métiers artisanaux. «On a des hobbies, se souvient Guillaume Massy, mais est-ce qu’on veut en faire son métier? J’ai fait un stage en boulangerie... J’ai aimé le contact avec la nourriture, mais ce n’était pas une passion.»
C’est lors d’un stage chez un ébéniste que Guillaume Massy a eu le déclic. «Je me suis retrouvé dans ce côté manuel, mais c’était très tard pour postuler.» À défaut de trouver une place d’apprentissage, il est entré à l’OPTI (aujourd’hui École de la transition). Tout en poursuivant ses postulations en entreprise, il a fait un stage à l’École technique–École des métiers de Lausanne (ETML) et choisi de suivre sa formation en école à plein temps. Son CFC d’ébéniste obtenu en 2008, il a enchaîné avec la maturité professionnelle, sur examen. «C’est pendant cette année que j’ai commencé à trouver du sens à ma formation, surtout dans certaines disciplines.»
Du CFC à la Haute École pédagogique
Porté par son élan et sa motivation pour les études, le jeune homme envisage alors de devenir enseignant en travaux manuels (aujourd’hui activités créatrices et manuelles ACM). Après s’être renseigné sur les conditions d’admission à la formation en ACM, il comprend qu’il doit au préalable obtenir un bachelor en enseignement primaire, et que la maturité professionnelle ne permet pas d’entrer à la Haute École pédagogique (HEP). Il sait aussi que le système de formation suisse prévoit un examen Passerelle (familièrement appelée passerelle Dubs) à l’intention des titulaires d’une maturité professionnelle souhaitant accéder à des études universitaires et pédagogiques. Guillaume Massy s’y est préparé en six mois, avec succès. «Je voulais avoir toutes les cartes en mains. C’était aussi un défi personnel», explique le jeune enseignant. Une fois son bachelor pour l’enseignement primaire en poche, Guillaume Massy a à nouveau pris du recul et s’est demandé: «Et si, un jour, l’enseignement ne me plaisait plus?» Aussi, en parallèle à un poste d’enseignant généraliste dans l’Ouest lausannois, a-t-il enchaîné avec un master en sciences et pratiques de l’éducation, puis avec une thèse de doctorat sur certains aspects de la créativité, en cours d’élaboration.
Rassurer les parents
Guillaume Massy a souvent raconté son parcours à des parents d’élèves inquiets par la décision d’orientation concernant leur enfant. «Chacun doit trouver sa voie. Il y a des passerelles.» Récemment nommé chargé d’enseignement pour la didactique des ACM à la HEP, Guillaume Massy travaille aujourd’hui à 80% à la HEP et a conservé 20% d’enseignement à l’école secondaire, comme prof ACM. «Je me sens connecté à la réalité du terrain. En classe, j’essaie des choses, je teste. Avec ma thèse, j’aimerais favoriser et soutenir certaines pratiques enseignantes.»
Tout au long de son parcours, d’ébéniste à doctorant, Guillaume Massy a su franchir les étapes pour construire un parcours cohérent. Il s’est également donné les moyens nécessaires pour les atteindre, travaillant tout au long de ses études le soir et le week-end. «C’est d’ailleurs mon activité pour un institut de sondage qui m’a donné le goût de la communication!» se souvient-il, heureux de ses choix et de ses expériences.
Corinne Giroud
Office cantonal d’orientation scolaire et professionnelle
Publié dans le 24 heures du 26 janvier 2023