"En tant que femme, j’apporte un nouveau regard sur mon métier"
Anne-Caroline Modoux aime transmettre sa passion pour son métier, dont elle est experte sur le terrain comme au bureau. Portrait d’une femme branchée.
À la tête d’un bureau technique d’électricité depuis bientôt dix ans, Anne-Caroline Modoux exerce un métier où les femmes sont encore peu représentées. Un choix qui paraissait naturel à cette fille et petite-fille d’électriciens, qu’elle a souvent accompagnés sur les chantiers lorsqu’elle était enfant. C’est pourtant après une première étape à l’école de maturité qu’elle a bifurqué vers l’apprentissage de monteuse-électricienne (aujourd’hui installatrice-électricienne). Cette transition répondait surtout à un profond besoin d’être en accord avec ses valeurs: «J’avais l’impression de perdre mon temps au gymnase, je voulais donner du sens à ce que je faisais. » Malgré sa motivation, il n’a pas été facile pour Anne-Caroline Modoux de trouver une place d’apprentissage. «C’est l’électricien du village qui a accepté de m’engager, raconte-t-elle, mais il n’avait pas assez de travail pour assurer l’intégralité de la formation.» C’est donc pour pouvoir acquérir l’ensemble des compétences inhérentes au métier qu’elle se forme dans deux entreprises distantes de 30 kilomètres l’une de l’autre, acceptant les inconvénients des trajets, mais appréciant la richesse de la situation. «Mes formateurs avaient le souci de m’apprendre le métier. Oui, il y a des tâches qui demandent de la force, comme le gainage. J’ai surtout développé des compétences poussées dans les travaux précis et minutieux, par exemple le câblage des armoires de téléphonie. Je ne m’en lassais pas! »
Davantage d’apprenties
Il y a vingt ans, on comptait une apprentie électricienne tous les quatre ans. Aujourd’hui, les écoles professionnelles en accueillent une par année en moyenne. «L’apprentissage est un solide point de départ», assure Anne-Caroline Modoux. L’électricienne déplore le manque d’intérêt des femmes pour son métier, dont elle souligne la polyvalence, comme en témoignent son CV et ses expériences dans plusieurs entreprises spécialisées: «J’ai passé de poste en poste presque tous les deux ans, ça correspondait à mon envie d’évoluer.» Une fois son CFC en poche, elle a encadré des préapprentis dans une structure de transition pendant une année, puis a cherché un poste correspondant à ses qualifications. «Je cherchais un emploi à 50% pour pouvoir m’occuper de ma fille, mais je n’ai pas trouvé, le temps partiel étant alors peu répandu dans ce domaine très masculin.» C’est comme secrétaire technique dans une grande entreprise d’électricité lausannoise qu’elle a commencé sa carrière. Curieuse et passionnée, Anne-Caroline Modoux n’a cessé de se perfectionner en suivant des formations professionnelles supérieures. Aujourd’hui titulaire du brevet fédéral de conseillère en sécurité électrique, du brevet fédéral de cheffe de projet en installations et sécurité et du diplôme fédéral d’installatrice-électricienne, elle a mis ses formations au service de ses différents employeurs, en occupant des fonctions variées, de technicienne à Project manager.
Former la relève
Anne-Caroline Modoux s’est engagée dans la formation professionnelle dès le début de son parcours, allant jusqu’à envisager de suivre la formation de maîtresse socioprofessionnelle alors qu’elle occupait un emploi de formatrice dans un centre de formation et de réorientation professionnelle. «J’y ai renoncé, car il m’était difficile de prendre du recul par rapport aux situations, la distance émotionnelle me manquait.» Elle trouve cependant son compte comme formatrice d’adultes préparant le CFC d’installateur-électricien et comme experte aux examens de CFC et de brevet fédéral. Elle fait en outre partie de la commission en charge de la réorganisation des cours interentreprises, ce dont elle est fière. «On est venu me chercher: en tant que femme, j’apporte un nouveau regard sur le métier.»
Cheffe d’entreprise
Forte de ses expériences accumulées au cours de sa carrière, elle a monté son entreprise en 2012. «J’avais envie de faire quelque chose qui me ressemble, avec mes propres idées. J’ai pu démarrer mon bureau technique grâce à un gros mandat.» Reconnaissante, elle s’épanouit dans un métier qui lui donne l’occasion d’exercer des activités tant sur le plan technique que sur celui de la formation professionnelle supérieure et continue. «Aujourd’hui, je ne fais plus d’installations techniques chez les clients, mais de la conception de projets, par exemple pour un centre commercial ou une chaîne hôtelière. Je commence à avoir un réseau féminin composé d’architectes et de managers, avec des compétences complémentaires. En tant que femmes, nous avons une vision de l’entreprise différente de celle des hommes.»
Corinne Giroud
Office cantonal d’orientation scolaire et professionnelle - Vaud
Publié dans le 24 heures du 13 février 2022