Accéder à une formation HES après la maturité gymnasiale tout en travaillant
Quelques bachelors HES du domaine technique sont accessibles par une formation alliant théorie et pratique. Explications et témoignage.
Dans le cadre d’un projet pilote lancé en 2015 par la Confédération en collaboration avec les cantons et les entreprises pour combattre la pénurie de personnel dans le domaine technique, il est désormais possible aux titulaires d’une maturité gymnasiale intéressés par des études HES de les entamer directement à l’issue du gymnase. L’offre PiBS (Bachelor intégrant la pratique) de la HES-SO se concentre sur les domaines relevant des MINT (mathématiques, informatique, sciences naturelles et technique), soit l’informatique et les systèmes de communication, l’informatique de gestion, les technologies de l’information et les sciences du vivant, avec un axe fort sur l’informatique. Selon ICT, l’association professionnelle nationale dans les technologies de l’information et de la communication, il va manquer environ 36’000 informaticiens et informaticiennes à l’horizon 2028. Le programme PiBS est l’une des mesures mises en place pour fournir des spécialistes au monde du travail transformé par le numérique et la digitalisation des organisations. Jusqu’à présent, les titulaires d’une maturité gymnasiale qui aspiraient à suivre une formation dans le domaine des MINT (ou d’une autre filière) en dehors d’une des deux Écoles polytechniques fédérales (EPF) pouvaient étudier dans une Haute école spécialisée (HES), mais leur admission était subordonnée à l’acquisition d’une expérience pratique d’une année, que ce soit sous forme d’un stage préprofessionnel ou d’une année préparatoire en école.
Stage intégré
La particularité du programme PIBS tient au partenariat étroit entre les écoles et les entreprises qui accueillent les étudiants et étudiantes en stage deux jours par semaine pendant quatre ans. Vincent Peiris, chef du département des technologies de l’information et de la communication (TIC) à la Haute École d’ingénierie et de gestion du canton de Vaud (HEIG-VD), souligne l’engagement des milieux économiques dans ce projet. «Le réseau des entreprises partenaires PiBS de la HEIG-VD comporte une vingtaine d’entreprises de profils assez variés. On y trouve des grandes industries, des PME et des start-up dans divers domaines industriels où l’informatique et la numérisation sont des enjeux technologiques majeurs.» Quant au profil des étudiants et étudiantes de cette première volée vaudoise, le chef de projet PiBS de la Haute école du Nord vaudois apprécie sa diversité. «Ce qui les a attirés, c’est le côté professionnalisant du programme PiBS et le lien avec les entreprises qui se positionnent comme entreprises formatrices. La plupart des étudiants sont titulaires d’une maturité gymnasiale ou similaire, l’un dispose d’une maturité professionnelle dans un domaine hors des filières d’apport usuelles pour l’informatique. Certains ont eu des parcours hors du domaine informatique après leur maturité, parfois avec une expérience professionnelle de plusieurs années, avant de saisir l’opportunité PiBS pour se réorienter vers l’informatique car le domaine les intéressait depuis quelque temps.»
De la musique à l’informatique
Emilie Bressoud s’est tournée vers l’informatique après avoir obtenu son bachelor en musique à la Haute École de musique. «J’ai toujours fait de la musique, et au gymnase, je n’étais pas sûre de ce que je voulais étudier. Je suis donc partie à la HEMU. J’ai plutôt apprécié la formation, mais elle est trop orientée vers l’enseignement… Je suis curieuse, et je suis plus motivée à apprendre qu’à enseigner.» La jeune femme, aujourd’hui âgée de 22 ans, décide alors de changer de domaine. «L’informatique m’a toujours intéressée, et je me suis renseignée sur les possibilités de formation.» L’EPFL lui paraissait trop théorique. Quant aux HES, au moment de ses recherches, seuls les cantons de Neuchâtel et de Genève avaient déjà lancé un programme PiBS en informatique de gestion. «J’étais entrain de chercher une entreprise où faire un stage préprofessionnel d’un an quand j’ai appris que la HEIG-VD allait également proposer cette modalité à la rentrée 2021 pour la filière informatique et systèmes de communication.» Après les six premiers mois, la jeune femme est enthousiaste, même s’il lui a fallu travailler d’arrache-pied pour combler des lacunes. «Je n’avais plus fait de maths pendant trois ans, et je n’avais jamais fait de programmation. Il y a un sacré rythme à prendre, une nouvelle matière est introduite chaque semaine. Il vaut mieux ne pas prendre de retard.» Pour elle, le fait de travailler pendant les études est un avantage sur les études universitaires. Dans l’entreprise Nagravision du groupe Kudelski où elle effectue son stage intégré, elle est suivie par le manager de son groupe. «Mes tâches sont très variées. On me confie de petits projets.» Son avenir, elle y réfléchit déjà: «Robotique? Systèmes embarqués? Cybersécurité? Développement d’applications? Le domaine se développe énormément, on ne s’ennuie jamais.» Selon le groupe d’évaluation de la première phase du projet pilote, le PiBS est reconnu comme une alternative à l’année préparatoire pré-HES, et la combinaison de la théorie avec la pratique est jugée attractive pas les étudiants et étudiantes comme par les entreprises qui peuvent recruter les futurs spécialistes correspondant à leurs besoins.
Corinne Giroud
Office cantonal d’orientation scolaire et professionnelle - Vaud
Publié dans le 24 heures du 28 avril 2022