Après l’enquête de M. Claude Rouiller sur l’affaire X., le Conseil d’État agit pour renforcer la protection de l’enfance
Communiqué du Conseil d'Etat
Rapport d'enquête de Claude Rouiller
Publié le 24 septembre 2018
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A la suite de la procédure pénale qui a conduit, ce printemps, à la condamnation, en première instance, des époux X., le Conseil d’État a mandaté le professeur Claude Rouiller, ancien président du Tribunal fédéral, pour qu’il diligente une enquête administrative sur la prise en charge de cette famille par l’État de 2001 à 2015. Le Conseil d’État prend acte des résultats de ses investigations. En décortiquant les actions socio-éducatives et les décisions judiciaires prises envers cette famille, l’expert a établi une série de manquements qui ont empêché de prévenir et de détecter la maltraitance et les abus commis sur les enfants. Le Conseil d’État exprime ses profonds regrets pour les défaillances constatées. Il accepte toutes les recommandations de l’expert, s’engage à les mettre en œuvre et décide d’un plan d’action dans ce sens, dont il attend un renforcement de la capacité de protection de l’enfance dans le canton.
Le mandat donné à Claude Rouiller soulève la question de la capacité de l’État à exercer sa mission de détection des comportements attentatoires au bien-être des enfants ainsi que celle de son aptitude à les protéger contre de tels abus. L’expert a pu enquêter en toute indépendance. Il a procédé à une cinquantaine d’auditions et a pu accéder à tous les dossiers administratifs pertinents. Le Tribunal cantonal, qui a estimé ne pas avoir à s’associer à cette enquête, lui a tout de même remis, à sa demande, un certain nombre de documents lui permettant d’évaluer le comportement des justices de paix intervenues dans cette affaire.
«L’inertie du système» en cause
Soulignant la «complexité insolite» de la situation de la famille X. et relevant l’engagement professionnel des intervenants sociaux et médicaux, l’expert dresse néanmoins une série de constats qui documentent «l’inertie du système administratif et judiciaire». Il voit dans cette inertie le manquement le plus grave ayant contribué à la prolongation du calvaire des enfants. La panoplie des mesures socio-éducatives mises en œuvre ne produisant aucun effet, il fallait donc, en temps opportun, retirer l’autorité parentale et ordonner le placement des enfants en institution, seule décision susceptible, en l’occurrence, de les protéger.
Divers manquements imputables à l’Autorité de protection de l’enfance (justices de paix) et au Service de protection de la jeunesse (SPJ) montrent que l’on a fait prévaloir le droit des parents à leur réhabilitation éducative sur le bien sacro-saint des enfants. Cette conception imprègne l’expertise pédopsychiatrique de 2007, qui a été déterminante pour convaincre les autorités de protection qu’il ne fallait pas aller au-delà de la curatelle éducative. La police cantonale n’est elle-même pas exempte de reproches, mais sa responsabilité reste marginale. L’Eglise mormone que fréquentait le couple n’a pas été appelée par le SPJ, comme l’eût exigé la loi, à collaborer à son action socio-éducative. Il n’en demeure pas moins que certains fidèles de la communauté d’Yverdon « ont manqué à leur devoir moral d’en faire spontanément davantage pour protéger les enfants», estime l’expert. Ils ont au contraire aidé les époux X. à s’opposer au placement provisoire des enfants qu’avait proposé le SPJ.
Des recommandations toutes acceptées
L’expert émet 26 recommandations pour contribuer à éviter le renouvellement des manquements constatés. Les premières d’entre elles insistent sur la mise en application des recommandations émises par la Cour des comptes à l’égard du SPJ en février 2016, et suggèrent un nouvel audit de sa part dans cinq ans. Toutes sont jugées pertinentes par le Conseil d’État, qui s’engage à les mettre en œuvre. Un plan d’action doit y contribuer. Certaines mesures sont déjà prises, d’autres le seront prochainement.
Des mesures d’organisation sont prises au sein du SPJ pour pallier les déficiences de coordination, d’information et d’implication de la hiérarchie dans la gestion des cas limites. Des critères explicites permettant d’identifier ces cas extrêmes sont désormais fixés et les offices régionaux de protection des mineurs (les ORPM) ont l’obligation de signaler à la direction du SPJ ces cas réclamant une vigilance particulière. Une Commission interdisciplinaire d’éthique et de protection est créée afin d’évaluer les cas limites, d’apporter un regard critique sur les mesures déjà prises, de proposer de nouvelles solutions et d’appuyer le directeur du SPJ dans ses décisions. Composée d’experts dans les domaines social, médical et juridique, elle sera présidée par M. Jean Zermatten, qui a été durant 25 ans président du Tribunal des mineurs du canton du Valais.
Des mesures pour un changement de culture
Audition ou observation séparée des enfants et visites inopinées dans les familles lorsque des circonstances impérieuses l’exigent ; éducation sexuelle et prévention ; organisation du travail en vue de donner davantage de disponibilité aux assistants sociaux chargés de suivre les cas limites : le SPJ prend des mesures internes pour promouvoir les bonnes pratiques dans l’esprit des recommandations de l’expert. Un dispositif dédié à évaluer la qualité des décisions du SPJ et leur efficience sera en outre mis en place à moyen terme.
Par ailleurs, le Conseil d’État souligne qu’il trouve dans une série de constats émis par l’expert des raisons évidentes de garder toute sa confiance dans le personnel chargé de la protection de l’enfance. Celui-ci accomplit, à satisfaction dans la plupart des situations, une mission sensible. Il y parvient malgré la surcharge des assistants sociaux sur le terrain. Le Conseil d’État invite la direction du service à évaluer les moyens supplémentaires dont il aurait raisonnablement besoin pour mettre en place un dispositif apte à améliorer encore la qualité de ses prestations.
Le Conseil d’État attend, des mesures prises, un renforcement de la capacité de l’Etat d’assumer sa mission de protection de l’enfance. Néanmoins, il fait sien le rappel souligné par Claude Rouiller qu’ «aucune norme et aucune mesure ne parviendront à éliminer tout risque de réapparition d’épisodes sociaux aussi douloureux que ceux qui ont conduit au prononcé du jugement du 29 mars 2018 à l’encontre des époux X.»
Bureau d'information et de communication de l'Etat de Vaud