Dans deux arrêts du 1er juillet 2022, la Chambre des recours pénale du Tribunal cantonal vaudois concluait à la nullité d’ordonnances pénales rendues par le Ministère public, voyant un vice de forme dans l’indication d’un alias en lieu et place des noms, prénoms, date de naissance et adresse du prévenu, que celui-ci avait refusé de donner.
La médiatisation récente d’une de ces deux décisions fonde l’information aujourd’hui donnée par le Ministère public, s’agissant d’importantes questions de principe qu’il estime indispensable de faire trancher par le Tribunal fédéral.
Le Ministère public a donc recouru le 3 août 2022 contre ces décisions, estimant qu’elles se fondent sur une lecture et une interprétation erronée de la loi, soit du code de procédure pénale (CPP), et vont à l’encontre de la volonté du législateur.
Pour le Procureur général, lorsque le prévenu a sciemment et volontairement violé son devoir de collaboration en dissimulant son identité, l’attribution d’un alias par l’autorité de poursuite, avec des données biométriques à l’appui (empreintes digitales et profil ADN), répond à l’exigence d’une « désignation suffisante » au sens du CPP. La personne concernée est ainsi déterminée et identifiable en cas d’interpellation ; le procédé évite tout risque de confusion et assure que la bonne personne soit condamnée et, le cas échéant et le jour venu, exécute la sanction. Le Ministère public relève par ailleurs que les autorités pénales procèdent d’une manière analogue dans les affaires où le prévenu est sans papiers ou décline une fausse identité : en pareil cas, il n’y a aucun empêchement à ce qu’une une décision soit rendue et inscrite au casier judiciaire, pour déployer des effets identiques à ceux des cas aujourd’hui concernés par les recours.
En outre, les recours ont également pour but d’assurer une certaine égalité de traitement entre les prévenus : le Ministère public considère comme incompatible avec l’ordre juridique qu’une personne déclinant son identité, assumant ses actes et leurs conséquences, puisse être condamnée, alors qu’une autre tirerait de son refus de s’identifier un bénéfice pouvant aller jusqu’à ne jamais faire l’objet d’une ordonnance pénale, d’un acte d’accusation ou d’un jugement.
Pour ces motifs, le Ministère public considère que les décisions attaquées cautionnent la mauvaise foi, consacrent un abus de droit, rompent l’égalité de traitement au détriment du justiciable qui assume les suites de ses actes et entravent l’action pénale dirigée contre celui qui ne les assume pas, en l’assistant dans sa quête d’impunité.
Le Procureur général précise enfin que si le recours trouve son origine dans l’affaire de la ZAD du Mormont, la portée des questions de principe que le Ministère public veut faire trancher dépasse largement le cadre de cette affaire : les enjeux sont bien l’exercice général de l’action pénale, l’égalité de traitement et l’impunité susceptible d’être accordée aux personnes qui dissimulent volontairement leur identité pour se soustraire aux conséquences de leurs actes.
Au surplus, dans l’attente de la décision du Tribunal fédéral, le Ministère public ne fera de facto aucun commentaire sur les ordonnances pénales rendues contre des « inconnus ».