L’avant-projet de loi mis en consultation par le Conseil d’Etat vise à instaurer un Conseil de la magistrature chargé à la fois de la surveillance administrative de l’Ordre judiciaire, de l’exercice de l’autorité disciplinaire sur les magistrats et de la procédure d’élection et de réélection des juges cantonaux.
Une modification constitutionnelle fondamentale
Actuellement, la surveillance administrative sur l’Ordre judiciaire est exercée par le Tribunal cantonal et la haute surveillance sur le Tribunal cantonal par le Grand Conseil, à travers sa Commission de haute surveillance du Tribunal cantonal (CHSTC). En confiant au Conseil de la magistrature une compétence en matière de surveillance administrative du Tribunal cantonal, avec des pouvoirs d’investigation extrêmement étendus sur l’ensemble de l’Ordre judiciaire, l’avant-projet induirait une modification constitutionnelle fondamentale, qui bouleverserait l’équilibre des trois pouvoirs. L’autonomie d’organisation et d’administration du Tribunal cantonal et son rôle d’autorité judiciaire supérieure du canton s’en trouveraient en effet limités, alors que, maintenus par la Constituante, ils sont garantis par la Constitution vaudoise (art. 132 et 133).
Une concentration de pouvoirs excessive
Pour le Tribunal cantonal, l’accumulation de compétences prévue par l’avant-projet serait néfaste, étant de nature à porter atteinte à l’indépendance de la justice, qui est un pilier de notre Etat de droit. Le Conseil de la magistrature reprendrait des fonctions actuellement exercées par le Tribunal cantonal, la Commission de présentation et la CHSTC. Le modèle proposé n’apporterait pourtant aucune simplification, puisque ces autorités parlementaires verraient leurs compétences réduites, mais ne disparaîtraient pas. Au contraire, en dotant des organes distincts de pouvoirs similaires, un important risque de conflits et de blocages est à prévoir.
Confier au Conseil de la magistrature le pouvoir disciplinaire sur l’ensemble des magistrats du canton représenterait certes une simplification par rapport au système actuel. En revanche, il ne serait guère admissible que cet organe exerce à la fois le pouvoir de surveillance administrative et le pouvoir disciplinaire. L’indépendance et l’objectivité de l’organe compétent en matière disciplinaire ne sont aucunement garanties si ce dernier a préalablement exercé la surveillance administrative.
Pour les mêmes motifs, il n’est pas davantage souhaitable que l’organe chargé de cette double surveillance soit encore investi de compétences pour l’élection des juges cantonaux, compétences qui échapperaient partiellement au Grand Conseil.
Le Tribunal cantonal rappelle enfin que l’efficacité de la justice dans le canton de Vaud est reconnue tant par les professionnels du droit que par les justiciables, en termes de qualité et de célérité des décisions rendues, ainsi que de gestion et de direction de l’Ordre judiciaire. Il n’y a pas lieu d’affaiblir cette efficacité.