Après l’enquête de M. Claude Rouiller sur l’affaire X., le Conseil d’Etat agit pour renforcer la protection de l’enfance

- Catégorie : Actualité

A la suite de la procédure pénale qui a conduit, au printemps 2018, à la condamnation, en première instance, des époux X., le Conseil d’Etat a mandaté le professeur Claude Rouiller, ancien président du Tribunal fédéral, pour qu’il diligente une enquête administrative sur la prise en charge de cette famille par l’Etat de 2001 à 2015. Le Conseil d’Etat prend acte des résultats de ses investigations. En décortiquant les actions socio-éducatives et les décisions judiciaires prises envers cette famille, l’expert a établi une série de manquements qui ont empêché de prévenir et de détecter la maltraitance et les abus commis sur les enfants. Le Conseil d’Etat exprime ses profonds regrets pour les défaillances constatées. Il accepte toutes les recommandations de l’expert, s’engage à les mettre en œuvre et décide d’un plan d’actions dans ce sens, dont il attend un renforcement de la capacité de protection de l’enfance dans le canton.

Le mandat donné à Claude Rouiller soulève la question de la capacité de l’Etat à exercer sa
mission de détection des comportements attentatoires au bien-être des enfants ainsi que
celle, de son aptitude à les protéger contre de tels abus. L’expert a pu enquêter en toute indépendance. Il a procédé à une cinquantaine d’auditions et a pu accéder à tous les dossiers administratifs pertinents. Le Tribunal cantonal, qui a estimé ne pas avoir à s’associer à cette enquête, lui a tout de même remis, à sa demande, un certain nombre de documents lui permettant d’évaluer le comportement des justices de paix intervenues dans cette affaire.

« L’inertie du système » en cause
Soulignant la « complexité insolite » de la situation de la famille X. et relevant l’engagement
professionnel des intervenants sociaux et médicaux, l’expert dresse néanmoins une série de
constats qui documentent « l’inertie du système administratif et judiciaire ». Il voit dans cette
inertie le manquement le plus grave ayant contribué à la prolongation du calvaire des enfants. La panoplie des mesures socio-éducatives mises en œuvre ne produisant aucun
effet, il fallait donc, en temps opportun, retirer l’autorité parentale et ordonner le placement
des enfants en institution, seule décision susceptible, en l’occurrence, de les protéger. Divers manquements imputables à l’Autorité de protection de l’enfance (justices de paix) et au Service de protection de la jeunesse (SPJ) montrent que l’on a fait prévaloir le droit des parents à leur réhabilitation éducative sur le bien sacro-saint des enfants. Cette conception
imprègne l’expertise pédopsychiatrique de 2007, qui a été déterminante pour convaincre les
autorités de protection qu’il ne fallait pas aller au-delà de la curatelle éducative. La police cantonale n’est elle-même pas exempte de reproches, mais sa responsabilité reste marginale. L’Eglise mormone que fréquentait le couple n’a pas été appelée par le SPJ, comme l’eût exigé la loi, à collaborer à son action socio-éducative. Il n’en demeure pas
moins que certains fidèles de la communauté d’Yverdon « ont manqué à leur devoir moral
d’en faire spontanément davantage pour protéger les enfants », estime l’expert. Ils ont au
contraire aidé les époux X. à s’opposer au placement provisoire des enfants qu’avait
proposé le SPJ.

Des recommandations toutes acceptées
L’expert émet 26 recommandations pour contribuer à éviter le renouvellement des
manquements constatés. Les premières d’entre elles insistent sur la mise en application des
recommandations émises par la Cour des comptes à l’égard du SPJ en février 2016, et
suggèrent un nouvel audit de sa part dans cinq ans. Toutes sont jugées pertinentes par le
Conseil d’Etat, qui s’engage à les mettre en œuvre. Un plan d’actions doit y contribuer.
Certaines mesures sont déjà prises, d’autres le seront prochainement.

Des mesures d’organisation sont prises au sein du SPJ pour pallier les déficiences de
coordination, d’information et d’implication de la hiérarchie dans la gestion des cas limites.
Des critères explicites permettant d’identifier ces cas extrêmes sont désormais fixés et les
offices régionaux de protection des mineurs (les ORPM) ont l’obligation de signaler à la
direction du SPJ ces cas réclamant une vigilance particulière. Une Commission interdisciplinaire d’éthique et de protection est créée afin d’évaluer les cas limites, d’apporter un regard critique sur les mesures déjà prises, de proposer de nouvelles solutions et d’appuyer le directeur du SPJ dans ses décisions. Composée d’experts dans les domaines social, médical et juridique, elle sera présidée par M. Jean Zermatten, qui a été durant 25 ans président du Tribunal des mineurs du canton du Valais.

Des mesures pour un changement de culture
Audition ou observation séparée des enfants et visites inopinées dans les familles lorsque
des circonstances impérieuses l’exigent ; éducation sexuelle et prévention ; organisation du
travail en vue de donner davantage de disponibilité aux assistants sociaux chargés de suivre
les cas limites : le SPJ prend des mesures internes pour promouvoir les bonnes pratiques
dans l’esprit des recommandations de l’expert. Un dispositif dédié à évaluer la qualité des
décisions du SPJ et leur efficience sera en outre mis en place à moyen terme.

Par ailleurs, le Conseil d’Etat souligne qu’il trouve dans une série de constats émis par
l’expert des raisons évidentes de garder toute sa confiance dans le personnel chargé de la
protection de l’enfance. Celui-ci accomplit, à satisfaction dans la plupart des situations, une
mission sensible. Il y parvient malgré la surcharge des assistants sociaux sur le terrain. Le
Conseil d’Etat invite la direction du service à évaluer les moyens supplémentaires dont il
aurait raisonnablement besoin pour mettre en place un dispositif apte à améliorer encore la
qualité de ses prestations.

Le Conseil d’Etat attend, des mesures prises, un renforcement de la capacité de l’Etat
d’assumer sa mission de protection de l’enfance. Néanmoins, il fait sien le rappel souligné
par Claude Rouiller qu’ «aucune norme et aucune mesure ne parviendront à éliminer tout
risque de réapparition d’épisodes sociaux aussi douloureux que ceux qui ont conduit au
prononcé du jugement du 29 mars 2018 à l’encontre des époux X. »

Communiqué de presse (pdf, 36 Ko)
Intervention de Mme Amarelle (pdf, 156 Ko)
Plan d'action (pdf, 59 Ko)
Rapport Claude Rouiller (pdf, 12.08 Mo)

Partager la page

Partager sur :